La quotidienne

Senne de crime

Chères toutes et tous,

🗳️ Les urnes ont parlé ! Pour la seconde édition du « vert du faux », vous avez voulu, à 55%, que l'on réponde à la question : « Quelle est la différence d'impact environnemental entre le travail en présentiel et le télétravail ? ». Vous aurez la réponse dans l'édition du jeudi prochain. Merci d'avoir participé et de nous avoir envoyé vos autres propositions par mail !


La pêche industrielle touche le fond (marin), jusqu'au beau jour où il n'y aura plus rien.


Pêcheurs, élus et associations veulent bannir une technique de pêche dangereuse pour le vivant et l’économie

Senne de crime. Au moment même où se tiennent les Assises annuelles de la pêche à La Rochelle (Charente-Maritime), de multiples voix exhortent le gouvernement français à peser pour faire interdire à Bruxelles la pêche à la senne démersale - une technique qui menace les océans et les petits pêcheurs.

Entamée depuis plusieurs mois par les pêcheur·ses du nord de la France, la mobilisation contre la pêche à la senne a pris une tournure beaucoup plus politique, ce mardi, avec la parution dans le Monde d’une tribune signée par 120 parlementaires de tous bords. Elles et ils enjoignent au gouvernement français d’exercer son pouvoir pour faire interdire cette technique de pêche au niveau européen.

Outre les menaces sur la biodiversité, élu·es et comités régionaux des pêches s’inquiètent pour l’économie locale. Depuis la fin des années 2000, petits et moyens bateaux français souffrent de la concurrence de géants technologiques en provenance des Pays-Bas et de Belgique. À la tête de l’association Bloom, qui œuvre à la sauvegarde des mers, Claire Nouvian alerte sur une « urgence écologique et sociale ».

Le 12 juillet dernier, l’espoir d’une interdiction de la pêche dite « danoise » a atteint son paroxysme. Un amendement à la politique commune de pêche (PCP) porté par l’eurodéputée belge Carole Roose (Verts-ALE) a été approuvé en commission Pêche du parlement européen. Il vise à interdire la pêche à la senne démersale dans les eaux territoriales françaises proches des côtes (moins de 12 milles nautiques) dans la Manche. Celle-ci a déjà été interdite en Bretagne et en Nouvelle-Aquitaine par arrêté préfectoral.

Pour être définitivement adopté par l’Union européenne, l’amendement du parlement doit désormais être validé dans le cadre d’un « trilogue » entre instances européennes (Commission, Conseil et Parlement européen) qui se tiendra jeudi 29 septembre.

· Mercredi, les villes de Paris et New York ont rejoint une grande coalition d’associations et de collectivités territoriales qui ont assigné TotalEnergies en justice pour « manquement à son devoir de vigilance en matière climatique ». La loi de 2017 sur le devoir de vigilance oblige les grandes entreprises à mettre en œuvre des mesures contre les risques liés à leurs activités, notamment sur le plan environnemental. - 20 minutes

· Mercredi encore, l’Élysée s’est félicité d’avoir modifié le plan de vol d’Emmanuel Macron, qui devait se rendre à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) depuis New York, dans l’optique de réduire le bilan carbone de ses déplacements. Selon les calculs de Libération, cette tentative de « sobriété présidentielle » a échoué puisqu’elle a forcé le reste de sa délégation à prendre un autre vol pour rentrer à Paris, émettant au passage 1,5 tonne de CO2 supplémentaire sur le trajet global.

· 48 incendiaires présumé·es ont été interpellé·es au cours de l’été en France, d’après un bilan de la gendarmerie dévoilé ce vendredi. Douze de ces individus ont déjà été condamnés. Selon l’Office national des forêts (ONF), neuf feux sur dix sont d’origine humaine et trois sur dix sont intentionnels. - Le Télégramme (AFP)

· Dans une tribune au Monde, un collectif de scientifiques apporte son soutien à la grève mondiale pour la justice climatique organisée ce vendredi par le mouvement Fridays for future. Les signataires - parmi lesquel·les le climatologue Christophe Cassou, la spécialiste de l’énergie Yamina Saheb et l’écologue Wolfgang Cramer, exigent une action politique renforcée et appellent à accentuer la mobilisation de la société civile pour mettre la pression sur les dirigeant·es.

404,4

Erreur 404,4. La France n’a pas respecté ses objectifs d’émissions nettes de CO2 en 2021, dévoile un rapport de l’Observatoire climat-énergie publié jeudi. En 2021, le pays a émis 404,4 mégatonnes (Mt) d’équivalent CO2, soit 5% de plus que l’objectif fixé par la Stratégie nationale bas-carbone. Cette dernière précisait que les émissions nettes de la France (c’est-à-dire l’ensemble des émissions, moins le carbone absorbé par les sols et forêts) ne devaient pas dépasser 384 Mt d’équivalent CO2. Les émissions brutes ont, elles, suffisamment baissé, malgré certains secteurs encore trop émetteurs (l’industrie et l’agriculture). Mais l’objectif d’absorption de carbone a été surévalué - d’autant qu’elle est malmenée par l’artificialisation des sols et les incendies. Sur le plan énergétique, la France rate encore le coche des renouvelables avec seulement 19,3 % du mix national porté par des énergies propres, contre un objectif de 23,7 %.

Ethnographies des mondes à venir, des Indiens Achuar à la Zad de Notre-Dame-Des-Landes

L’anthropologue Philippe Descola et l’auteur de bandes dessinées Alessandro Pignocchi nous invitent à tisser un nouveau rapport avec le vivant dans leurs Ethnographies des mondes à venir.

De la forêt amazonienne aux bocages de Notre-Dame des Landes, le professeur honoraire au Collège de France et l’iconoclaste dessinateur ont tous deux fait l’expérience d’une vie loin du bitume. Les modes de vie des Indiens Achuar et des zadistes leur servent de référence pour imaginer une alternative au capitalisme. Autant de points de départ pour jeter des ponts vers les futurs qu’ils appellent de leurs vœux, dans un ouvrage qui paraît ce vendredi aux éditions du Seuil.

Le dialogue est entrecoupé des planches hallucinées d’Alessandro Pignocchi, ses mésanges punks et le gouvernement en roue libre qu’il croquait déjà avec un sens de l’absurde jubilatoire, dans les trois tomes de son Petit traité d’écologie. Dans ses dessins à l’aquarelle, Emmanuel Macron bifurque pour écouter la chouette au clair de lune, tandis que l’ancienne ministre du travail, Muriel Pénicaud, défend bec et ongle notre société, qui n’est plus qu’un vestige.

De cet échange fertile adviennent des mondes qu’Alessandro Pignocchi et Philippe Descola espèrent « multiples, chatoyants, tissés de nouvelles alliances et inévitablement, de conflit », remèdes à la catastrophe écologique en cours. Des mondes dont les Zad (zones à défendre) et les réseaux de solidarité locaux seraient les pionniers, grâce à leur capacité à nourrir et loger la population, dans un « futur proche »« les choses se mettent à tanguer vraiment ».

On est invité à y pénétrer avec le regard d’un chamane amazonien ou d’un ethnographe de terrain - ce qui revient au même, pour Philippe Descola. En créant un nouveau pacte avec le vivant, plus respectueux - sans pour autant verser dans le mysticisme. Une écologie joyeuse, foisonnante, face à laquelle c’est notre monde qui semble éclairé à la lampe à huile.

Ethnographies des mondes à venir, Philippe Descola, Alessandro Pignocchi, Seuil, septembre 2022, 224p, 19€

Complément d’enquête : Les résidus de pesticides qui polluent notre eau potable

Se méfier de l’eau qui sort. L’eau du robinet est-elle (vraiment) potable ? : c’est à cette question d’intérêt public que tente de répondre Complément d’enquête dans son dernier épisode, diffusé jeudi soir. Ses journalistes ont constitué une base de données de plusieurs dizaines de milliers d’analyses d’eau potable pour découvrir que dix millions de Français·es sont concerné·es par la présence de résidus de pesticides dépassant les limites de qualité.

© Complément d'enquête

+ Loup Espargilière, Juliette Quef et Gabrielle Trottmann ont contribué à ce numéro.