La quotidienne

Sauve qui pleut !

Chères toutes et chers tous,

On a bien failli ne jamais y arriver ! Comme vous le verrez un peu plus bas, de nombreux participants à la COP26 ont été pris dans une pagaille sans nom ce dimanche, après que de violentes intempéries ont paralysé le réseau ferroviaire britannique. Parmi eux, notre journaliste Loup Espargilière, qui a fini par trouver un moyen de gagner Glasgow et qui vous raconte cette folle journée.

Voici notre première édition spéciale COP. N'hésitez pas à nous dire ce que vous en pensez, en répondant à ce mail, tout simplement!


Alors que le Royaume-Uni est balayé par les intempéries, les dirigeants évitent sagement les précipitations.


Dès son ouverture, la COP26 perturbée par... le changement climatique

L'ironie va bon train. Ce dimanche, l'ouverture de la 26ème conférence de l'ONU (COP26) sur le climat a été perturbée par des intempéries-record, qui ont coupé certains accès à Glasgow. Récit.

« COP26 : merci de voyager en train ». Le message martelé sur les panneaux de la gare de Londres Euston avait une saveur particulière, dimanche après-midi, alors que des milliers de personnes patientaient, de longues heures durant. Parmi la foule, de nombreux délégués, des scientifiques, des membres d'ONG et des journalistes, dont l'auteur de ces lignes. Même le ministre britannique de l'environnement Zac Goldsmith a dû se résoudre à prendre l'avion (Guardian).

La gare de Londres Euston, dimanche après-midi © Loup Espargilière / Vert

Depuis plusieurs jours, des tempêtes-monstre se sont abattues sur le nord du pays. A tel point que le record absolu de précipitations en 24 heures pourrait avoir été battu. A Honister Pass, dans la région de Cumbria qui borde l’Écosse, il est tombé 365mm de pluie dans la nuit du 27 au 28 octobre, d'après un bilan provisoire.

Résultat, des arbres ont chuté sur les voies de chemin de fer qui relient Londres à Glasgow. A la gare d'Euston, on demande aux voyageurs de remettre leur expédition à plus tard. Résignés, certains se fabriquent des installations de fortune. D'autres – comme moi – courent pour tenter leur chance vers la gare voisine de King's cross, dont partent les lignes qui desservent l'Est du pays. Encore faut-il le savoir.

Mais des arbres effondrés ont aussi enrayé le trafic sur cette route-là. « On fait la queue derrière 17 trains », annonce le contrôleur du Londres-Edimbourg de 15h, alors que celui-ci est arrêté en pleine voie. « Les infrastructures ferroviaires ne sont clairement pas adaptées au changement climatique », glisse ma voisine de siège. Directrice adjointe de Copernicus - service européen de surveillance de la planète - Samantha Burgess doit tenir une conférence sur la modélisation satellite du réchauffement dès le lendemain à Glasgow.

Comme le Giec l'a rappelé en août (notre synthèse), le bouleversement du climat multiplie et intensifie les épisodes météorologiques extrêmes, notamment les fortes précipitations. La probabilité d'événements autrefois rarissimes comme ces intempéries est vouée à croître.

Si les messages de détresse ont pullulé sur les réseaux sociaux, il est pour l'heure difficile d'estimer le nombre d'événements repoussés ou annulés. Mais le climat, lui, a fait une entrée fracassante à la COP26.

· Les sept dernières années pourraient être les plus chaudes jamais enregistrées, a alerté, dimanche, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans son rapport provisoire sur l’état du climat en 2021. Selon les scientifiques, les relevés des années 2015 à 2021 montrent que le climat mondial entre en « terrain inconnu ». En cinquante ans, les catastrophes météorologiques ont été multipliées par cinq et « les phénomènes extrêmes n’ont [désormais] plus rien d’exceptionnel », estime le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas. - Le Parisien

· Jeudi, la cour d’appel d’Agen a requis des peines de prison à l’encontre des représentants de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne dans le dossier du barrage illégal de Caussade. En 2018, les deux élus avaient participé à la construction d’un barrage dans la vallée de Tolzac alors que le projet avait été débouté par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique. Neuf mois de prison ferme et 7000 euros d’amende ont été requis pour chacun d’entre eux, des peines identiques à celles prononcées en première instance en 2020. - Le Monde

· Depuis samedi, les agriculteur·rices·s qui renoncent à utiliser du glyphosate dans leur exploitation peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt de 2500 euros. Pendant la campagne de 2017, le candidat Emmanuel Macron avait promis une sortie du glyphosate en trois ans. Malgré cet échec, la France s’est fixé pour objectif d'abandonner l’essentiel des usages de cet herbicide classé « cancérogène probable » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dès 2021, et de l’interdire complètement d’ici 2023. - France Info

G20 choses à vous dire. Ce week-end, la réunion à Rome du G20 a servi de répétition générale à la COP26. Les 19 économies les plus développées au monde et l’Union européenne, qui représentent 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ont réaffirmé leur engagement à tenir les objectifs de l’Accord de Paris : maintenir la hausse des températures bien en-dessous de 2°C et mobiliser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à organiser leur transition écologique. Les dirigeant•e•s se sont aussi entendu•e•s pour arrêter de subventionner de nouveaux projets de centrales électriques au charbon à l’étranger, dès cette année. En revanche, les chef•fe•s d’État n’ont donné aucune date claire pour la sortie complète du charbon et des énergies fossiles. - France Info

Good COP. La première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a salué les projets de mobilisation des ONG en parallèle des négociations officielles de la COP. « Les dirigeants doivent entendre ce que les militants ont à dire. Car ils n’en font pas encore assez pour limiter le réchauffement climatique. », a-t-elle expliqué dans un entretien donné à plusieurs médias européens dont Le Monde. Dans le cadre d’une coalition avec les Verts, la cheffe du Parti indépendantiste écossais (SNP) vise la neutralité carbone d’ici 2045 en Écosse, un objectif un peu plus ambitieux que le Royaume-Uni dans son ensemble qui l’envisage pour 2050.

Bad COP. « Si Glasgow échoue, tout échoue », a martelé dimanche le premier ministre britannique Boris Johnson à l’issue du sommet du G20, en alertant sur les risques géopolitiques extrêmes liés au réchauffement climatique. COP26 oblige, l’organisateur de l’événement se présente depuis quelques mois comme un leader rassembleur sur la question climatique. Pourtant, il y a dix jours encore, son gouvernement présentait une feuille de route famélique et sous-dotée pour atteindre ses objectifs climatiques (Vert). Entre discours éthérés et efforts à réaliser, il reste un pas que Boris Johnson a du mal à franchir. 

© Loup Espargilière / Vert

COPains d'avant. Lundi matin, avant l'ouverture du sommet des leaders de la COP26, une quinzaine d'activistes d'ANV-COP21, ainsi que des militant·e·s Ecossais·es d'Extinction Rebellion ont promené des portraits d'Emmanuel Macron sur les bords du fleuve Clyde, qui traverse Glasgow. Ceux-ci avaient été chipés dans le cadre de la campagne « Décrochons Macron », lancée en 2018, au cours de laquelle 150 portraits du président avaient été décrochés des mairies françaises pour dénoncer le « vide » de son action en matière climatique.

Ce lundi, les activistes voulaient mettre d'emblée la pression sur les chefs d'Etats : « Même s'ils respectaient leurs engagements, nous sommes sur une trajectoire à 2,7 degrés de réchauffement, c'est dramatique », dit à Vert Charlène Fleury, porte-parole d'ANV-COP21, réseau né en 2015, comme son nom l'indique, à l'occasion de la COP21 de Paris. Le mot d'ordre : « On veut que la société civile soit la contrainte qui manque à l'accord de Paris ».

Accord de Paris. N. m. : Qualifié d’« historique » par ses promoteurs, cet accord a été obtenu à l’issue de la 21ème conférence de l’ONU (COP21) sur le climat qui s’est tenue à Paris en 2015. Signé par 195 Etats (ainsi que l’Union européenne), il grave dans le marbre l’objectif de contenir le réchauffement « bien en-dessous » de 2°C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle (milieu du 19è siècle). Et si possible, à moins de 1,5°C. Les Etats s’y sont promis de se fixer des objectifs chiffrés de baisse de leurs émissions (appelés Contributions déterminées au niveau national, ou NDCs). Ces objectifs doivent être révisés au moins tous les cinq ans : il s'agira de l'un des enjeux de la COP26, tout comme la création d'un marché mondial du carbone, prévu par l'Accord de Paris mais laissé en suspens depuis 2015. S’il est considéré comme juridiquement contraignant, l’accord ne prévoit pas de mécanisme de sanctions.

À l'Est de l'Écosse, les côtes et la faune sont grignotées par le réchauffement

Comme l’ensemble des États qui seront représentés à Glasgow, hôte de la COP26, l’Écosse est déjà victime du bouleversement du climat. Reportage dans l’East Lothian, à deux pas d’Édimbourg, où la montée de l’océan ronge les côtes.

À North Berwick ce matin-là, il ne pleut pas. « C'est une belle journée ! », s'enthousiasment les golfeurs sous le ciel gris. Face à eux, les vagues de la mer du Nord s’écrasent sur la grève. « On a fait installer une digue de 150 mètres pour prévenir l’érosion », raconte Stuart Martin, responsable du club historique du pays. Mille tonnes de roches et des sacs de sable sont prévus pour renforcer les dunes. » Des solutions à court terme, privilégiées pour l’instant par les autorités locales, mais qui risquent de se révéler insuffisantes à l'avenir.

Au pays du kilt, les côtes s'effilochent. « 46% du littoral est affecté [par l’érosion - Ndlr] contre 38% en 2017 », précise James Hansom, chercheur honoraire à l’université de Glasgow. Il est l’un des auteurs du rapport public Dynamic Coast, qui étudie l’érosion en Écosse. Selon lui, l'accélération de ce phénomène naturel découle de plusieurs facteurs liés au bouleversement climatique : la hausse du niveau de la mer, les fortes houles provoquées par des tempêtes de plus en plus intenses, et les sédiments qui sont ainsi refoulés vers la mer.

À 20 minutes de route plus au sud, dans la station balnéaire de Dunbar, les autorités ont privilégié l'installation de brise-lames et d'une digue rocheuse à l'importation de sable © EC et LC / Vert

En cas d’augmentation de la température mondiale de 2,7 degrés d'ici 2070, le centre Hadley du service météorologique britannique, prévoit dans la région, une augmentation de 90 centimètres du niveau de la mer et de 18% des précipitations hivernales. « Le nombre de tempêtes et les risques d'inondations seraient plus fréquents », indique Jacqueline Cottrell, consultante en politique fiscale environnementale.

Dans cette ville de 7 000 âmes, réputée pour son homard et ses oiseaux marins, les propriétés en bord de mer séduisent les Edimbourgeois qui viennent le temps d'un week-end, ou les touristes attirés par le petit port de pêche. Certains sont tout de même réticents à vivre les pieds presque dans l’eau. « Nous avons acheté notre maison au centre du bourg il y a dix ans, par crainte des inondations », reconnaissent Janine et Chris, un couple d’Anglais assis à la terrasse d'un café. Une stratégie qui laisse sceptique James Hansom : « D’ici 2050, toutes les communes situées à moins de 80 km du littoral seront directement ou indirectement affectées par la montée des eaux. Même Glasgow et Édimbourg. » 

Un reportage d’Emma Conquet et Laurie Correia à lire en intégralité sur vert.eco.

+ Laurie Correia, Emma Conquet, Loup Espargilière et Juliette Quef ont contribué à ce numéro