Reportage

A l’Est de l’Écosse, la faune et les côtes sont grignotées par le réchauffement

Comme l’ensemble des États qui seront représentés à Glasgow, hôte de la COP26, l’Écosse est déjà victime du bouleversement du climat. Reportage dans l’East Lothian, à deux pas d’Édimbourg, où la montée de l’océan grignote les côtes et le réchauffement fait disparaître des espèces locales.
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À North Berwick ce matin-là, il ne pleut pas. « C’est une belle journée ! » s’enthousiasment les golfeurs sous le ciel gris. Casquette sur la tête et coupe-vent sur les épaules, ils enchaînent les swings. Face à eux, les vagues de la mer du Nord s’écrasent sur la grève. Nous sommes à 40 kilomètres à l’est d’Édimbourg, dans la région côtière de l’East Lothian. « On a fait installer une digue de 150 mètres pour prévenir l’érosion, raconte Stuart Martin, responsable du club historique du pays, pointant du doigt la barrière de rocs qui protège le green. Mille tonnes de roches et des sacs de sable sont prévus pour renforcer les dunes. » Des solutions à court terme, privilégiées pour l’instant par les autorités locales, mais qui risquent de se révéler insuffisantes à l’avenir.

Le calme avant la tempête

Au pays du kilt, les côtes s’effilochent peu à peu. « 46% du littoral est affecté [par l’érosion – Ndlr] contre 38% en 2017 », précise James Hansom, chercheur honoraire au département de géographie et de sciences de la terre de l’université de Glasgow. Il est l’un des auteurs du rapport public Dynamic Coast, qui étudie l’érosion en Écosse. Selon lui, l’accélération de ce phénomène naturel découle de plusieurs facteurs liés au bouleversement climatique : la hausse du niveau de la mer, les fortes houles provoquées par des tempêtes de plus en plus intenses, et les sédiments qui sont ainsi refoulés vers la mer.

Le scénario envisagé par la communauté scientifique n’est pas plus réjouissant. En cas d’augmentation de la température mondiale de 2,7 degrés d’ici 2070, le centre Hadley, du service météorologique britannique, prévoit, dans la région, une augmentation de 90 centimètres du niveau de la mer et de 18% des précipitations hivernales. « Le nombre de tempêtes et les risques d’inondations seraient plus fréquents », indique Jacqueline Cottrell, consultante en politique fiscale environnementale et membre du parti vert écossais à l’East Lothian. Cette habitante de North Berwick tente d’alerter les élus locaux sur les effets à long terme : « La situation est certes moins alarmante que dans les îles, mais elle concerne beaucoup de monde ».

Jacqueline Cottrell vit à North Berwick. Elle est membre du Scottish Green Party. © EC et LC / Vert

Dans cette ville de 7 000 âmes, réputée pour son homard et ses oiseaux marins, les propriétés en bord de mer séduisent les Edimbourgeois qui viennent le temps d’un week-end, ou les touristes attirés par le petit port de pêche. Certains sont tout de même réticents à vivre les pieds presque dans l’eau. « Nous avons acheté notre maison au centre du bourg il y a dix ans, par crainte des inondations », reconnaissent Janine et Chris, un couple d’Anglais assis à la terrasse d’un café. Une stratégie qui laisse sceptique James Hansom : « D’ici 2050, toutes les communes situées à moins de 80 km du littoral seront directement ou indirectement affectées par la montée des eaux. Même Glasgow et Édimbourg. »

La faune marine en danger

À 20 minutes de route plus au sud, dans la station balnéaire de Dunbar, Graeme profite des rares rayons de soleil pour flâner sur l’East Beach. « Avant que les Britanniques n’aient les moyens de partir en Espagne ou en Grèce, c’est ici qu’ils venaient se baigner », sourit le sexagénaire, qui a délaissé la capitale pour passer sa retraite au grand air. De cette plage autrefois faite de sable doré, il ne reste plus que des algues et des galets. Pour la réhabiliter et protéger les résidences voisines, les autorités ont privilégié l’installation de brise-lames et d’une digue rocheuse à l’importation de sable. Désormais, le paysage s’adapte aux aléas du climat. Ironie du sort pour la ville de naissance de John Muir, célèbre naturaliste et pionnier de l’écologie du XIXe siècle, longtemps inspiré par la nature sauvage du rivage écossais.

Le long de la promenade John Muir, les falaises s’effritent. © EC et LC / Vert

Le long de la promenade qui porte son nom, les falaises se détachent par petits morceaux, laissant apparaître les multiples strates de terre. « Je suis inquiète pour l’avenir de la région, déplore Francesca Clarke, responsable d’éducation au Scottish Seabird Centre, parc ornithologique de North Berwick. D’autant que le dérèglement climatique fait aussi des ravages sur l’écosystème marin. » La jeune femme alerte depuis des années sur le déclin des macareux moines et des mouettes tridactyles, oiseaux de mer emblématiques de l’Écosse. « Leur principale source de nourriture, les lançons, ont migré vers le nord à cause de l’augmentation de la température de la mer, explique la spécialiste. Comme ils ne suivent pas leur proie, ils tentent de s’adapter mais s’étouffent en avalant de plus gros poissons. La chaîne alimentaire est brisée.» Les clowns de mer et mouettes au pelage argenté souffrent aussi de l’augmentation de l’acidité de la mer, provoquée par les émissions de CO2, qui fragilise leur exosquelette. Et Francesca Clarke de rappeler : « Tout est connecté dans l’habitat marin.»

Près du port de Dunbar, les défenses artificielles protègent le littoral. © EC et LC / Vert

Plus le temps de tergiverser. Pour James Hansom, il faut agir à grande échelle : « Il y a un manque général de prise de conscience de la part des décideurs. Ils ne se rendent pas compte de l’ampleur du problème. » Comme l’indique son rapport, certains sites comme les dunes de sable de Coul Links, dans les Highlands, ou encore Machair Leathann, sur l’île de North Uist au large de la côte Ouest, pourraient être sérieusement menacés à l’horizon 2050. Le géographe est catégorique : « Les données sont là, aux dirigeants d’agir. » Le message portera-t-il jusqu’à Glasgow ?


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