Chères toutes et chers tous,
Pendant les deux prochaines semaines, Vert passe à l'heure d'Égypte pour vous faire vivre la COP27 comme si vous y étiez. Parce que l'événement le réclame, les éditions quotidiennes seront un peu plus riches qu'à l'accoutumée - le climat le vaut bien!
Les pays du Nord sont priés d'améliorer leur copie pour que les habitants de ceux du Sud restent en vie.

A l’ouverture de la COP27, les pays du Sud mettent le Nord sous pression
Viser la thune. Près de 100 chef·fes d’État et de gouvernement ont fait le déplacement jusqu’à Charm el-Cheikh pour l’ouverture officielle de la 27ème conférence des Nations unies (COP27) sur le climat. Après une année de catastrophes climatiques, les pays pauvres clament l’urgence de nouveaux moyens financiers, tandis que le Nord temporise.
Le traditionnel « sommet des leaders » s’achève aujourd’hui à la COP27. L’absence de la plupart des dirigeants de grandes puissances (Etats-Unis, Inde, Chine, Brésil) a largement terni cette étape cruciale des négociations mais les pays du Sud en ont profité pour porter de puissants réquisitoires. Le président kényan, William Ruto, a ainsi décrit « le cauchemar éveillé » subi par des millions d’Africains. Le Premier ministre Pakistanais attendu cet après-midi devrait également évoquer les catastrophes qui ont ravagé son pays. « Nous devons être aidés pour réparer les dégâts que vous nous avez infligés », a implacablement résumé le président des Seychelles Wavel Ramkalawan, mettant sur la table le sujet crucial des « pertes et dommages », ces destructions irréversibles causées par le bouleversement du climat (nos explications).

À ce sujet, plusieurs orateurs - dont Emmanuel Macron - ont défendu une réforme du système bancaire international pour faciliter le soutien aux victimes de catastrophes climatiques. « Quand les pays du Nord empruntent à un taux d’intérêt de 4 %, nous empruntons à 14 % », a illustré la Première ministre des Barbades, Mia Mottley. « Les institutions financières internationales et les banques de développement doivent changer leur modèle économique et faire leur part », a défendu le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres.
Le président Français a annoncé la mise en place d’un « groupe des sages de haut niveau » chargé de faire des propositions « au printemps ». « C’est bien sûr très important de réformer le système financier mais cela va prendre des années », a réagit Fanny Petitbon, experte du climat de l’ONG Care France. « Or, les pays pauvres réclament des solutions à très court terme ». Plusieurs d’entre eux défendent la création d’un fonds d’urgence alimenté par les superprofits des compagnies pétro-gazières.

« Nous sommes sur l’autoroute de l’enfer climatique avec notre pied sur l’accélérateur »
Onu bilée. Lundi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a une fois de plus livré un discours véhément à l’endroit des dirigeant·es de la planète. Depuis son arrivée à la tête de l’ONU, le diplomate multiplie les prises de paroles-choc pour alerter l’opinion publique et faire entendre les conclusions des scientifiques du monde entier. « Nous nous battons pour nos vies. Et nous perdons [...] Mais une chose est certaine : ceux qui abandonnent sont sûrs de perdre. Alors battons-nous ensemble », a-t-il martelé, appelant à un large pacte de solidarité climatique.

· Au moins 15 000 personnes sont mortes de la canicule cet été en Europe, sans compter la France, a dévoilé lundi la branche européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans une estimation encore incomplète. Pour l’Hexagone, en attendant un bilan officiel de Santé publique France, l’Insee a provisoirement estimé une surmortalité (toutes causes confondues) de plus de 13 900 individus cet été par rapport à 2019. - Libération
· Cet après-midi, Emmanuel Macron reçoit à l'Elysée les représentant·es des 50 industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France. Objectif : accélérer la décarbonation de ces gros pollueurs, parmi lesquels ArcelorMittal, TotalEnergies, Lafarge ou encore Saint-Gobain. Le président pourrait annoncer une aide financière de l’État dans ce processus. - 20 minutes
· Mardi soir, France télévisions et la fédération d’associations France nature environnement (FNE) organisent une émission spéciale intitulée « Aux arbres citoyens ! » sur le thème de la défense des forêts. La soirée, qui débute à 21 heures sur France 2, sera animée par les journalistes Léa Salamé et Hugo Clément avec l’aide du réalisateur Cyril Dion. Des dons seront récoltés pour FNE.


Noir c'est noir... La prise de nouveaux engagements climatiques est une priorité de la COP27 pour espérer limiter le réchauffement climatique à +1,5°C, comme convenu dans l’Accord de Paris. Les Etats s’exhortent les uns les autres à plus d’ambition mais aucun n’est à la hauteur, comme le révèle cette carte tenue à jour par les experts du Climate Action Tracker. Depuis 2015, ils analysent dans le détail les contributions nationales déterminées (NDC) de 40 pays représentant 85 % des émissions mondiales. Il apparait que sept pays (l’Éthiopie, le Costa Rica, le Maroc, le Nigeria, le Royaume-Uni, le Népal et la Norvège) disposent aujourd’hui de plans sur le climat « presque » compatibles avec l’Accord de Paris.


À ce stade… On avait beau s’y attendre, on n’est quand même pas déçu. Comme à Glasgow il y a un an, dans les allées de la COP27, le Qatar vante les stades climatisés dans le désert de sa Coupe du monde de football « neutre en carbone » qui s’ouvre dans moins de deux semaines. Hélas, les esprits chagrins de l’entreprise spécialisée Greenly ont évalué que l’événement produirait deux fois plus de CO2 que ce qu’a annoncé l’Emirat, soit 6 millions de tonnes contre 3,7. C’est l’équivalent, pour deux semaines de compétition, des émissions annuelles du Congo. Le Qatar est d'ores et déjà sacré champion du monde du greenwashing.

La faim et les moyens. Dans une lettre ouverte, des organisations représentant 350 millions d’exploitants familiaux avertissent que la sécurité alimentaire risque d’être compromise s’ils ne sont pas soutenus davantage pour s’adapter au changement climatique. Ils espèrent des aides pour développer un système alimentaire plus robuste, plus durable et plus équitable. En parallèle, le couple de milliardaires, Bill et Melinda Gates, ont annoncé qu’ils allaient dédier 1,4 milliard de dollars au financement d’innovations numériques et « climate-smart » à destination des petits fermiers.
Ainsi fonds, fonds, fonds… Lors de son discours, Emmanuel Macron s’est positionné fermement en faveur de l’interdiction de toute exploitation des grands fonds marin. « J’assume cette position et la porterai dans les enceintes internationales », a-t-il affirmé. Une session de négociations de l’Autorité internationale des fonds marins se tient justement à Kingston en Jamaïque jusqu’au 11 novembre. Les défenseurs du climat accueillent cet engagement avec joie alors que la course aux abysses met des écosystèmes précieux en danger. Relisez notre article sur le sujet
Parler cash. D’ici à 2030, les pays en développement (hors Chine) et les marchés émergents auront besoin de 2 400 milliards de dollars (soit autant d’euros) par an pour financer leur action climatique, a révélé un rapport d’expert·es (en anglais) commandé par la présidence de la COP27. Des investissements nécessaires pour réduire les émissions, opérer la transition énergétique et restaurer les dégâts causés à la nature.

C comme Contributions déterminées au niveau national
Lors de l’Accord de Paris, en 2015, les États ont promis de se fixer des objectifs chiffrés de baisse de leurs émissions pour contenir le réchauffement « bien en-dessous de 2°C ». Leurs engagements sont appelés les « Contributions déterminées au niveau national » (ou NDCs, leur acronyme en anglais). Ces feuilles de route doivent être revues à la hausse tous les cinq ans, avec une première mise à jour en 2020. À l’occasion de la COP26 à Glasgow (Écosse), en 2021, les pays se sont engagés à rehausser leurs ambitions climatiques d’ici à la COP27. Or, seules 25 nouvelles feuilles de route (sur les 193 parties de l’Accord de Paris) ont été soumises en amont de cette COP. La synthèse publiée par les Nations unies révèle que les engagements actuels des différents pays mèneraient le monde à un réchauffement de +2,5°C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Ce rapport montre aussi que l’on se dirige vers une hausse de +10,6% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2010, soit une légère amélioration par rapport à l’année dernière (+13,7%).

La COP, mode d’emploi
Berlin en 1995, Copenhague en 2009, Paris en 2015, et maintenant Charm el-Cheikh en 2022… En une dizaine de minutes, Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), retrace l’historique des COP, et explique l’intérêt de ces grands-messes internationales.

+ Loup Espargilière, Lyse Mauvais, Juliette Quef et Justine Prados ont contribué à ce numéro