La quotidienne

Les oiseaux déchantent

Chères toutes et chers tous,

🗓️  Le 25 mai prochain, l’association Alter Kapitae organise son Agora de la décroissance prospère à Sciences Po Paris. Vert y animera un échange entre la sociologue Dominique Méda et Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam. Un programme à découvrir juste ici.


Le printemps est devenu silencieux depuis que les oiseaux des champs ont déserté les lieux. 


En Europe, les populations d’oiseaux s’effondrent sous le poids de l'agriculture intensive

C'est un effondrement absolu : 20 millions d'oiseaux disparaissent chaque année en Europe, soit -800 millions en 40 ans. La cause principale : l'agriculture intensive. Qui aurait pu prédire…?

Climat, urbanisation, gestion forestière... «Si les populations d’oiseaux souffrent de ce "cocktail" de pressions, les recherches montrent que l’effet néfaste dominant est celui de l’intensification de l’agriculture, c’est-à-dire de l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides utilisée par hectare», révèlent les auteur·rices d’une vaste étude internationale. Pour s’en convaincre, les scientifiques ont suivi les populations de quelque 170 espèces issues de 20 000 sites répartis à travers tous les pays de l'Union européenne, sur près de 40 ans.

Leur étude, parue ce lundi dans la revue PNAS, révèle que les espèces déclinent dans tous les milieux (-25% en moyenne entre 1980 et 2016), mais ce déclin est beaucoup plus fort chez les oiseaux des milieux agricoles (-60%). Le moineau friquet, le tarier des prés ou le pipit farlouse sont en chute libre (-75%).

Les populations de pipit farlouse, un petit passereau, ont chuté de 75% en quelques décennies. © Agustín Povedano / Flickr

Des oiseaux qui disparaissent, ce n'est pas seulement du folklore en moins : «les oiseaux sont impliqués dans des interactions fondamentales dans les écosystèmes : prédation et régulation d'autres espèces, dissémination des graines, ressources pour d'autres espèces prédatrices», expliquent le CRNS et le MNHN, dont les scientifiques ont contribué à l'étude. C’est «la signature d'une dégradation environnementale profonde».

En France, l'un des pays où l'agriculture s'est le plus intensifiée ces dernières années, les plans successifs de réduction des pesticides ont échoué sous le poids des habitudes et des lobbies; cet échec a des conséquences majeures sur le vivant - donc sur nous-mêmes.

En 1962, la biologiste Rachel Carson alertait sur les dangers que faisaient peser les pesticides sur l'ensemble du vivant. Le «Printemps silencieux» qu'elle décrivait il y a 60 ans, celui où plus rien ne vole, ne piaille ou ne chante, est déjà là.

Un éditorial de Loup Espargilière

· Les essais nucléaires menés par la France en Polynésie française entre 1966 et 1996 ont eu un impact «faible, mais pas du tout inexistant» sur le risque de cancer de la thyroïde, d’après Florent de Vathaire, auteur d’une récente étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur le sujet. Ces essais seraient responsables de 0,6% à 7,7% des cas de ce cancer au sein de l’archipel. - Polynésie la 1ère

· Le gouvernement présente son projet de loi «industrie verte» en Conseil des ministres ce mardi matin. Crédit d’impôt, bonus écologique, simplifications des procédures : la semaine dernière, Emmanuel Macron avait déjà annoncé les mesures clés de ce texte qui vise à réindustrialiser la France (notre article). Pour financer ces dispositifs, l’exécutif va notamment instaurer un nouveau «plan d’épargne avenir climat» pour les mineur·es, qui pourrait ramener un milliard d’euros par an. - Le Figaro (AFP)

· Greenpeace, qui publie ce mardi une carte de toutes les fermes-usines d’élevage en France, réclame «un moratoire national sur la construction ou l’extension de ces méga-exploitations». À partir de données des ministères de l’agriculture et de la transition écologique, l’ONG a recensé plus de 3 000 fermes-usines (sur 145 000 exploitations consacrées à l’élevage en France) qui concentreraient 60% des animaux d’élevage dans le pays. Les deux tiers de ces exploitations se situent en Bretagne et dans les Pays de la Loire.

À la carte. Une coalition d’associations environnementales portée par la Fondation Heinrich Böll publie ce mardi soir le premier Atlas français des pesticides. Consulté par Vert en avant-première, ce vaste tour d’horizon s’appuie sur les données de Solagro ; l’an dernier, cette entreprise associative spécialisée dans le conseil et l’ingénierie pour la transition écologique avait mis au point cette carte montrant l’exposition aux pesticides de chaque commune française. Chacun peut ainsi se renseigner sur les produits utilisés à côté de chez soi grâce à un moteur de recherche. Si vous vivez en montagne, où les systèmes de polyculture-élevage dominent, vous aurez plus de chance d’être épargné·e par l’épandage de pesticides. À l’inverse, ceux-ci sont davantage employés dans les territoires spécialisés dans la viticulture, l’arboriculture fruitière ou les grandes cultures céréalières.

Carte Adonis d'utilisation des pesticides en France © Solagro - Cliquez pour apercevoir la carte et renseignez votre commune.

Un arrêté de protection des abeilles sème la zizanie entre les arboriculteurs et la police de l’environnement

Phytosani-guerre. Des producteurs de fruits dénoncent des contrôles «abusifs» de leur usage de pesticides par l’Office français de la biodiversité (OFB), pourtant accusé par d’autres de laxisme sur l’application des normes. Une situation emblématique des crispations grandissantes autour des produits phytosanitaires.

«On ne peut plus continuer avec des juges et des agents de l’OFB qui considèrent d’emblée qu’on est des méchants et qu’on va bousiller la planète», s’insurge Françoise Roch, représentante de la Fédération nationale des producteurs de fruits. Le mois dernier, l’organisation professionnelle a critiqué le manque de formation des agent·es de l’État et a demandé un moratoire sur les contrôles menés pendant la période de floraison.

En cause, un nouvel arrêté «abeilles», paru en novembre 2022. Celui-ci contraint les arboriculteur·ices à utiliser leurs produits entre trois heures après le coucher du soleil et deux heures avant son lever, afin de protéger les pollinisateurs. Cette nouvelle législation étend également le droit d’inspection de l’OFB sur les pesticides interdits. «On a eu des contrôles où ils arrivaient agressifs, armés et font arrêter tout le travail d’un seul coup», relate Françoise Roch.

Pour l’Office français de la biodiversité, ces plaintes sont le reflet d’une mauvaise compréhension des compétences de police des agent·es. «Les agriculteurs ont l’habitude d’être prévenus lors des contrôles administratifs», défend Charlotte Crépon, directrice de la police au sein de l’établissement public - ce que ne fait pas l’OFB lors de ces contrôles. Quant aux armes portées par les agent·es, elles ne doivent servir qu’en cas de légitime défense, précise-t-elle. Enfin, sur la formation, elle assure que tous les agent·es sont suffisamment au fait des pratiques et réglementations en vigueur.

Lisez la suite de notre récit sur vert.eco

Pour un retour en grâce du corbeau

Le corbeau et le charognard. Saviez-vous que la ville de Lyon s’appelait auparavant «Lugdunum», autrement dit «la colline aux corbeaux» ? Malgré sa mauvaise réputation, le corbeau est aussi un oiseau à l’intelligence et la mémoire hors du commun, apprend-on dans la nouvelle saison du podcast les Mécaniques du vivant consacrée à cet animal. À l’aide d’anecdotes historiques et de références culturelles, Marc Mortelmans montre une fois de plus sa capacité à raconter le vivant de manière passionnée et passionnante.

© France culture

+ Loup Espargilière et Alban Leduc ont contribué à ce numéro.