L'estivale

Le feu au lac

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Les alertes sur le changement climatique s’affinent et se concrétisent, mais certains préfèrent continuer à croire que tout baigne.


Nouveau rapport du Giec : les principaux enseignements scientifiques

Giec tout compris. Lundi, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié la première partie de son sixième rapport, qui fait la synthèse des connaissances scientifiques sur le climat et ébauche des prévisions pour les prochaines décennies. Voici les points marquants de ce document crucial à trois mois de la COP26.

L’influence humaine sur l’élévation des températures depuis la révolution industrielle (milieu du 19è siècle) est « indiscutable ». C'est la première fois que le Giec est aussi catégorique. Le niveau de CO2 dans l'atmosphère est au plus haut depuis 2 millions d'années, affirme le rapport, qui fait la synthèse de 14 000 études scientifiques épluchées par 234 auteur·rice·s issu·e·s de 66 pays (lire notre article pour comprendre le fonctionnement du Giec).

La machine climatique s'emballe. Le réchauffement atteint déjà 1,09°C. Les mers se sont élevées de 20 centimètres depuis 1900, et le rythme est passé de +1,3mm par an entre 1901 et 1971, à 3,7mm entre 2006 et 2018, notamment sous l'effet croissant de la fonte des glaciers et calottes glaciaires. Le document énumère les catastrophes désormais connues liées au réchauffement et vouées à s'aggraver : des événements climatiques extrêmes (vagues de chaleur, sécheresses, tempêtes tropicales) qui se multiplient et s’intensifient ; des océans qui s’acidifient et sont vidés de leur oxygène ; les biosphères qui se déplacent vers les pôles, etc.

© Giec / traduction par Vert

Le rôle central du méthane (CH4). Ce puissant gaz à effet de serre est responsable de près de la moitié du réchauffement. Il est utilisé comme carburant ou pour se chauffer (gaz « naturel »), et d'immenses quantités sont relâchées dans l'atmosphère à cause de l'élevage et lors de l'extraction gazière ou pétrolière. La réduction de ses émissions aurait des effets rapides et majeurs sur le climat.

Chaque dixième de degré compte. Il est trop tard pour échapper à tous les effets de l'emballement climatique et selon toute vraisemblance, la barre des 1,5°C voire 2°C de réchauffement sera atteinte au cours de ce siècle. Mais chaque tonne de gaz à effet de serre qui n'est pas émise permet d'atténuer la crise : à 2°C de réchauffement, un épisode de température extrême qui apparaissait une fois tous les 10 ans au 19è siècle (comme une canicule), se produira 5,6 fois par décennie. A +4°C, il se produira presque tous les ans.

Le réchauffement prévu pour 2100 selon les cinq scénarios présentés dans la partie scientifique du sixième rapport du Giec / traduction par Vert

Pour permettre aux décideurs d'y voir plus clair, le Giec a élaboré cinq scénarios, du plus optimiste au plus dramatique. Seul le premier, qui consiste à réduire immédiatement les émissions pour atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle, permettrait d'inverser la courbe du réchauffement aux alentours de 2100. Tous les autres prévoient une augmentation des températures au-delà, jusqu'à +4,4°C (avec une fourchette de 3,3 à 5,7°C) pour le scénario le plus pessimiste. La balle est dans le camp des Etats, dont les dirigeant·e·s se retrouveront en novembre prochain lors de la COP26 à Glasgow (Royaume-Uni).

Pour en savoir (bien) plus, un décryptage plus exhaustif de la première partie du rapport du Giec est à retrouver sur vert.eco.

• La semaine dernière, des incendies ont continué de ravager la Grèce, en particulier sur l'île d'Eubée, la deuxième plus grande du pays, et dans plusieurs quartiers au nord d'Athènes. Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a publiquement demandé pardon lundi pour l’échec des autorités à prévoir et à contenir les feux. Selon un décompte du gouvernement, plus de 40 000 hectares ont brûlé cet été, contre 1 700 hectares en moyenne sur la même période entre 2008 et 2020, selon le Système européen d’information sur les feux de forêt. - Le Monde

• Dimanche, l'incendie Dixie qui s'est déclaré mi-juillet en Californie est devenu le deuxième plus grand feu qu'ait jamais connu cet État américain. Le gouverneur de l'État a convenu que les incendies que connaît de plus en plus la région « sont causés par le climat ». Les pompiers ont déclaré qu'ils ne maîtriseraient entièrement le feu que vers le 20 août. Le photographe de l'AFP Josh Edelson a documenté l'avant et l'après du passage de l'incendie, qui a détruit tout le village de Greenville. - TVA Nouvelles

• Mardi, le Premier ministre conservateur australien, Scott Morrison, a déclaré qu'il refusait de changer les objectifs de réduction des gaz à effet de serre de son pays. « L'Australie fait sa part », a-t-il estimé, rejetant notamment la faute sur la Chine. L'empreinte carbone des Australien·ne·s s'élève à 16,3 tonnes de CO2 par an et par personne selon les données du Global Carbon Project, contre 7,1 tonnes par an et par personne pour les Chinois·es. L'Australie est l'un des plus importants exportateurs de charbon et de gaz naturel dans le monde. - ABC (en anglais)

10 millions d'euros

À l'amende. Mercredi dernier, le Conseil d'État a condamné l'État à verser une première astreinte record de 10 millions d'euros en raison de ses manquements dans la lutte contre la pollution de l'air. L'argent sera reversé à des associations environnementales ou à des organismes de surveillance de l'air. Cette décision est l'aboutissement d'une saisine en 2015 de l'ONG Les Amis de la Terre. En 2017, le Conseil d'État avait déjà enjoint au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines sous les valeurs limites d'une directive européenne de 2008, puis l'avait mis en demeure l'an dernier sous peine d'une astreinte tous les six mois de retard. Celle-ci vaut pour le premier semestre 2021 et pourrait donc se répéter, si le gouvernement n’en fait pas davantage.

• Plastic killer. L’ingestion chronique de microplastiques par les poissons affecte leur croissance et leur reproduction, rapporte une étude publiée jeudi dernier par l'Inrae (Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), l’Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) et les universités de Bordeaux et d'Orebrö (Suède). Le taux de reproduction des deux espèces observées a chuté jusqu'à 50 % et leur poids a diminué de 20 % à 35 %, touchant en particulier les femelles. - Inrae

• Panne de courant. L’Amoc (Circulation méridienne de retournement atlantique), l’un des moteurs du Gulf Stream (lire notre article à ce sujet), montre des signes d’« effondrement », alerte une étude du Potsdam Institute for Climat Impact Research publiée jeudi dernier dans la revue Nature - bien qu'il soit difficile d'évaluer à quelle échéance. Le flux de ce courant de l'Atlantique ralentit de manière continue depuis plusieurs décennies, en raison de l'apport d'eau douce lié à la fonte des glaces, qui déséquilibre son ratio face à l'eau salée. L'arrêt de l’Amoc fait craindre des catastrophes d'ampleur, car il a une influence fondamentale sur le climat. - Franceinfo

«  Certains des dérèglements apparus semblent irréversibles [...]. Si des efforts sont faits, cela contribuera à atténuer l’ampleur du dérèglement, mais cela ne permettra pas de revenir à des conditions dans lesquelles on était il y a plusieurs décennies. »

- Wilfried Pokam Mba

Physicien spécialiste des cycles de l’eau et chercheur à l’université de Yaoundé (Cameroun), Wilfried Pokam Mba a participé à la rédaction de la partie scientifique du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), dont il a analysé les enjeux pour Vert. Un entretien à lire sur vert.eco

• À tire-d'ailes. Vendredi, le Conseil d’État a jugé illégales diverses techniques de chasse traditionnelle des oiseaux. Il a ainsi annulé plusieurs autorisations de chasser des vanneaux huppés, des pluviers dorés, des alouettes des champs, des grives et des merles noirs à l’aide de filets (pantes, tenderies) ou de cages (matoles), techniques encore pratiquées dans une poignée de départements. Les juges ont estimé que ces pratiques n’étaient pas conformes au droit européen relatif à la protection des oiseaux. En juin, le Conseil d'État avait déjà considéré comme illégale la pratique de la chasse à la glu. - Conseil d'État 

• Vercors avec la nature. Afin de contrer le tourisme de masse en véhicules individuels motorisés, le Parc naturel régional du Vercors a décidé d’interdire l’accès au plateau de la Molière aux voitures, du 13 au 17 août. Des navettes payantes seront mises en place et le site encourage les visiteurs à faire le trajet à pied ou à vélo. L'opération, décidée par le biais d'une concertation citoyenne, vise à « préfigurer ce que sera demain l'accès à ce site préservé » - Parc naturel régional du Vercors

• Rugir de plaisir. La population de lions au Kenya est passée de 1 970 spécimens en 2008 à 2 589 en 2021, a déclaré mardi Najib Balala, secrétaire d'État au Tourisme et à la Vie sauvage du pays. Ces chiffres sont issus du premier recensement de la faune sauvage lancé en mai par le Kenya Wildlife Service, l'agence nationale de protection de la faune. Celle-ci a fait survoler 50 parcs ou réserves nationales par des pilotes pour repérer et comptabiliser les animaux, de quoi combler le manque actuel de données. - Le Monde (AFP)

L’homme a mangé la Terre

Exploitation sans faim. Actuellement diffusé sur Arte, L'homme a mangé la Terre (2019) retrace l'histoire de l'appétit insatiable des humains pour ce que recèlent les sols de la planète, de la révolution industrielle à la catastrophe climatique. La narration très rythmée et les images d'archives, qui font revivre jusqu'à la création des premiers puits de pétrole aux États-Unis, en font un documentaire exceptionnel, qui évoque les dégâts de la colonisation, les liens entre les entreprises chimiques et la guerre, ou le désintérêt pour la justice sociale de beaucoup des entrepreneurs ayant œuvré à ce qu'on appelait le « progrès ».

© Arte