La quotidienne

Forêt pas se planter

Chères toutes et chers tous,

Voici le retour (tant attendu) de l'édition quotidienne de Vert ! Pour cette rentrée et à l'occasion du congrès mondial de l'Union pour la conservation de la nature (UICN) qui se tient actuellement à Marseille, nous avons prévu une programmation spéciale. En cette « semaine du vivant », vous pourrez lire chaque jour des articles consacrés à la biodiversité et aux liens entre le vivant et le climat, et une galerie de portraits d'espèces qui raconteront les bouleversements en cours. Bonne rentrée, et bonne lecture.


Un numéro où, plutôt que de se tromper, on laissera la forêt se planter.


2010 – 2020 : l'échec des objectifs d'Aichi pour la biodiversité

Aichi dans le pâté. En 2010, les quelque 200 Etats-membres de la Convention sur la diversité biologique (CBD) des Nations Unies se donnaient dix ans pour remplir 20 objectifs (les « objectifs d'Aichi ») afin de protéger le vivant. Aucun n'a été atteint.

L'ouverture du congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ce week-end à Marseille, marque le début d'une année cruciale pour la protection de la biodiversité. En novembre, les grand·e·s de ce monde se retrouveront à Glasgow pour la 26ème conférence des parties de l'ONU sur les changements climatiques (COP26) : un moment-clef, alors que le bouleversement du climat menace directement l'ensemble du vivant. Puis, au mois d'avril, la Chine accueillera la COP15 sur la biodiversité à Kunming (Chine). Lors de ce sommet, les chefs d'Etat devront notamment réaliser le désastreux bilan des objectifs d'Aichi : une décennie d'engagements non-tenus pour le vivant.

Fin 2020, l'ONU dressait un constat amer de ces dix années dans son 5ème rapport sur les Perspectives mondiales de la diversité biologique. Les 20 objectifs généraux sont divisés en 60 critères de réussite ; seuls six critères ont été atteints, comme par exemple la meilleure identification d'espèces envahissantes, le doublement des ressources allouées à la biodiversité, ou un élargissement des espaces protégés. 38 critères ont connu une certaine amélioration, et 13 sont restés inchangés.

Les objectifs majeurs, comme le ralentissement de la dégradation des habitats naturels (dont la déforestation), la préservation des écosystèmes marins, la gestion durable des stocks de poissons et des terres agricoles ne sont pas du tout atteints. D'après le rapport, 23,7% des espèces vivantes connues, soit un million d'entre elles, sont menacées de disparition « si les facteurs de perte de biodiversité ne sont pas réduits de manière drastique ».

Donnée particulièrement marquante : les sommes dépensées chaque année par les Etats pour subventionner des activités néfastes pour la biodiversité - agriculture intensive, énergies fossiles, etc. - s'élèvent à 500 milliards de dollars (422 Md€). Environ six fois plus que les 78 à 91 Md$ (65 à 77 Md€) déboursés pour la protection de la nature.

« L’humanité se trouve à la croisée des chemins pour ce qui est de l’héritage que nous souhaitons laisser aux générations futures », alertait le document. Le message aura-t-il été entendu ?

D'importantes fuites de pétrole ont été observées dans le Golfe du Mexique après le passage de l'ouragan Ida dans le sud-est des Etats-Unis, en fin de semaine dernière. De nombreuses infrastructures gazières et pétrolières ont été balayées par cette tempête de catégorie 4. Remontant vers le nord, Ida a paralysé la ville de New York et ses environs. Le dernier décompte fait état de 46 victimes. Les tempêtes tropicales sont dopées par le réchauffement climatique, qui ralentit aussi leur déplacement, aggravant les dégâts sur terre. - New York Times (anglais)

Jeudi, à l'aube, la police a évacué les « Jardins à défendre » d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), occupés depuis plusieurs mois par des militant·e·s qui s’opposent à leur destruction. 4 000m2 de ces jardins ouvriers doivent être détruits pour bâtir un solarium, qui sera accolé à une nouvelle piscine prévue pour les jeux olympiques de 2024. La semaine dernière, le collectif d'activistes a déposé un recours en référé pour demander l'annulation du projet. - Libération (abonnés)

• Vendredi, Emmanuel Macron a annoncé que la France porterait les aires bénéficiant de « protection forte » à 5% de son espace maritime en Méditerranée d'ici à 2027, contre 0,2% actuellement. A l'occasion de l'inauguration du congrès mondial de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN), le chef de l'Etat a également indiqué la tenue d'un sommet « One ocean » en France d'ici la fin 2021 ou début 2022. - France Info (AFP)

• Dimanche, des représentant·e·s des peuples autochtones ont demandé la protection de 80 % de l'Amazonie d’ici 2025 à l'occasion du congrès de l'UICN. Une motion a été déposée pour réclamer un « plan d’action global » afin de mettre fin à la déforestation et à l’extraction minière dans la plus grande zone forestière de la planète. C'est la première fois que les organisations des peuples autochtones ont un droit de vote lors du congrès de l’UICN. - 20 Minutes (AFP)

Le dragon de Komodo sur le grill climatique

Il y a un lézard. A l'occasion de son congrès mondial, l'Union internationale de conservation de la nature (UICN) vient de mettre à jour sa célèbre liste rouge des espèces menacées. En tête d'affiche, le dragon de Komodo, dont le statut vient de passer de « vulnérable » à « en danger ».

Espèce endémique d'Indonésie, on ne trouve Varanus komodoensis, de son petit nom, que dans le parc national de Komodo - situé sur les Petites îles de la Sonde – et sur l'île voisine de Flores. Dans les huit zones où on peut l'observer, la population est plutôt stable : on compte 1 383 adultes et quelque 3 500 juvéniles.

Un varan dans le parc national de Komodo © Stephen Bugno

Malgré ses faux airs de Godzilla, le plus gros lézard du monde (jusqu'à trois mètres de long et 90 kilos) s'est trouvé un adversaire plus grand que lui : le réchauffement climatique. Selon l'UICN, l'élévation des températures, ainsi que celle des mers devraient réduire son habitat comme peau de chagrin : au moins 30% en 45 ans.

Sur l'île de Flores, le varan de Komodo fait face à d'autres menaces. Il est en concurrence avec les chasseurs locaux, qui le privent d'une partie de son gibier. La forêt rétrécit d'année en année (1% par an, - 45% sur trois générations) à cause, notamment, de l'agriculture de subsistance, du régime d'incendies modifié par le changement climatique et du développement du tourisme.

Sa capacité limitée à étendre son territoire le rend particulièrement vulnérable à la dégradation de son habitat. Hélas, ce dragon-là n'a pas d'ailes. Plus d'informations sur la fiche de l'UICN dédiée au dragon de Komodo (en anglais).

Faire renaître une forêt primaire en Europe de l'Ouest

Botaniste renommé, il a parcouru le monde depuis les canopées des plus belles forêts. Francis Hallé œuvre désormais aux côtés de scientifiques, de photographes et de citoyen·ne·s, pour recréer une forêt primaire en Europe (Vert). Dans un entretien accordé à Vert, il raconte les nombreux défis posés par ce réjouissant projet.

Qu’est-ce qui distingue une forêt primaire des autres forêts ?

C’est une forêt qu’on n’a pas détruite ni exploitée. Ou si on l’a fait, ça s'est passé à une époque suffisamment éloignée pour que le caractère primaire soit revenu. C'est la plus belle de toutes les forêts et la plus haute biodiversité de la région. C'est la plus grande fertilité des sols et l’infiltration des pluies la plus efficace.

C'est aussi celle qui capte le plus de carbone, puisque les arbres sont les plus hauts et les plus grands. En effet, l'arbre n’y arrête jamais de pousser – sauf en hiver bien entendu – et plus il est vieux, plus il a de feuilles donc plus il capte de gaz carbonique. A une époque pas si reculée, on disait qu’il fallait abattre les vieux arbres et les remplacer par des jeunes. C'est complètement idiot.

La forêt primaire possède la plus grande variété d'espèces animales et végétales. Ce n'est pas forcément le plus magnifique, car il y a des animaux dégoûtants.


Lesquels, par exemple ?

Avez-vous déjà vu une araignée fantôme ? Ou des phrynes ? Il y a plein d'animaux qui ne sont pas beaux, c'est comme ça !

Un entretien à lire en intégralité sur vert.eco

Faut-il planter des arbres pour compenser nos voyages en avion ?

Le retour de l'« avion vert » ! Pour faire oublier leur terrible bilan carbone, les compagnies aériennes ont une solution miracle : planter des arbres. Beaucoup, beaucoup, beaucoup d'arbres. Or cette solution présente de trop nombreuses limites et s'apparente davantage à un mirage qu'à un véritable remède à l'aviation, explique Le Monde dans cette vidéo.

© Le Monde