La quotidienne

Faim de partie

Chères toutes et tous,

Ce jeudi, c'est la première du Vert du faux, la nouvelle rubrique où nous répondons aux questions que vous vous posez sur tous les sujets ! Vous pourrez également voter pour celui de la semaine prochaine, en choisissant entre deux propositions faites par les lectrices et lecteurs de Vert.


On croyait la faim partie ; c'était sans compter sur l'amour de certains pour le gaspi.


La faim fait son retour, dans le gaspillage le plus complet

Enfant de la dalle. Une personne meurt de faim toutes les quatre secondes sur Terre, ont alerté 238 ONG, ce mardi, à l’entame de l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (ONU), à New York. Pourtant, la nourriture ne manque pas.

Les signataires de la tribune déplorent une « explosion » du phénomène, dénombrant « 345 millions de personnes dans le monde [qui] souffrent de faim aiguë, un nombre qui a plus que doublé depuis 2019 ». La guerre en Ukraine « a apporté le coup de grâce à une situation qui était déjà très compliquée, essentiellement à cause de la pandémie de Covid, à quoi il faut ajouter des conflits locaux et la fréquence et l’intensité des événements climatiques extrêmes, dit à Vert Guillaume Compain, chargé de plaidoyer climat et énergie chez Oxfam France.

De jeunes filles font la queue pour recevoir une portion de porridge dans un centre humanitaire de Mogadiscio, en Somalie. © Amisom / Alamy Stock Photo

Les États-Unis, l'Union européenne (UE), l'Union africaine, la Colombie, le Nigeria et l'Indonésie ont appelé mardi à redoubler d'efforts pour lutter contre l'insécurité alimentaire et promis d’augmenter leur aide aux organismes humanitaires. Mercredi, le président Joe Biden a annoncé une nouvelle enveloppe de 2,9 milliards de dollars. Des annonces « bienvenues […] mais globalement les réponses ne sont pas à la hauteur », estime Guillaume Compain.

« En réalité, aujourd’hui, on a déjà de quoi nourrir la planète. Mais il y a une déperdition très forte sur toute la chaine de la production alimentaire. Il ne s’agit pas juste du consommateur, mais des cultures, des transports, des transformateurs, de la conservation, etc. », complète Guillaume Compain. Autres sources de la gabegie : les cultures destinées aux agro-carburants ou à l’alimentation animale.

En outre, cesser de sustenter le bétail d’aliments directement comestibles par l’humain permettrait de nourrir un milliard de personnes supplémentaires, a révélé une étude (en anglais) publiée lundi dans la revue Nature Food. Un autre rapport de l’ONG Feedback EU pointe que l’Union européenne gaspille environ 153,5 millions de tonnes de nourriture par an. Soit plus que les 138 millions de tonnes de produits agricoles qu’elle importe.

· Mardi, le président de la Banque mondiale a refusé de répondre lorsqu’on lui a demandé s’il reconnaissait que les énergies fossiles avaient un impact sur le réchauffement climatique. David Malpass était interrogé dans le cadre d’une table ronde organisée par le New York Times. Plusieurs ONG réclament qu’il quitte son poste. - Ouest France (AFP)

· Mardi encore, l’ONG Welfarm mettait en lumière le sort de 780 bovins français partis de Sète (Hérault) retenus en mer depuis le 3 septembre, car les autorités algériennes refusent de les laisser débarquer sur l’autre rive de la Méditerranée pour un imbroglio administratif - les certificats de trois taurillons affichent à tort que ceux-ci sont malades. Les animaux vont revenir en France et y être abattus. - Libération

· Mercredi, le Monde a révélé qu’en 2021, environ douze millions de Français·es avaient eu à leur robinet de l’eau qui a dépassé les seuils de qualité pour les pesticides ou leurs produits de dégradation. 20 % de la population aurait ainsi reçu de l’eau potable, mais non conforme aux critères de qualité. - Le Monde

· Mercredi aussi, quelque 230 dauphins-pilotes se sont échoués sur la côte ouest de la Tasmanie, une île au sud de l'Australie. 200 sont morts. Un phénomène similaire avait eu lieu au même endroit il y a deux ans, avec l’échouage de 500 cétacés et la mort de 300 d’entre eux. - Le Parisien (AFP)

C’est vrai qu’il fait frais. Une fluctuation très banale qui n’a rien d’historique, et surtout pas de quoi y voir un signe que le changement climatique est annulé, comme le jurent encore les derniers climatosceptiques. Depuis le début du 20ème siècle, le nombre de jours où la température est supérieure à la moyenne augmente constamment, pendant que le nombre de jours où la température est inférieure à la moyenne diminue. « Chaque année depuis 40 ans, on gagne 1 à 2 jours de chaleur inhabituelle, et on perd en plus 1 à 2 jours de fraîcheur en France (par rapport à la moyenne 1981-2010) », explique le data scientist Guillaume Rozier, connu pour son suivi des chiffres du Covid, et auteur de cette infographie.

Est-il vrai que le transport aérien n'est responsable que de 3% des émissions mondiales de CO2, soit moins que le numérique ?

Le vert du faux. Tout le monde a déjà entendu cette petite musique qui argue que le numérique représente autant, si ce n’est moins, d’émissions de GES que l’aviation. Un amalgame fallacieux employé pour ne pas faire décroître le trafic aérien.
 

L’aviation contribue à près de 6 % du réchauffement climatique, soit plus que le numérique

Selon une étude qui fait référence, publiée en 2020 dans la revue Atmospheric environment, les vols en avion représentent 2,4 % des émissions de CO2 à eux seuls. En ajoutant la production et la distribution du kérosène (20 % du total), on atteint 2,9 %. Or, il n’y a pas que le carbone ! Le réseau Stay grounded a calculé qu’en 2018, l’aviation avait « contribué pour 5,9 % au réchauffement » global, en prenant en compte l’impact de la condensation (les fameuses traînées blanches) sur l’effet de serre.

En 2020, le think tank The shift project a évalué que le numérique était responsable de 4 % des gaz à effet de serre à l’échelle mondiale - un chiffre en forte augmentation, alors que la consommation énergétique du secteur s’accroît de 9 % chaque année.
 

Un mode de transport réservé à une élite contre un outil globalisé

Est-il pertinent de mélanger des pommes et des éléphants ? interroge l’ingénieur Pierre Rouvière : « Si l’impact de l’aviation est généralement beaucoup plus pointé du doigt aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il se caractérise par une énorme inégalité en termes d’usage ». D’après l’étude d’Atmospheric environment, seuls 11 % de la population mondiale ont pris l’avion en 2018. Pis, 1 % est responsable de la moitié des émissions de gaz à effet de serre liées à l’aérien. À l’inverse, environ 4,9 milliards d’individus utilisaient internet en 2021, soit 63 % de la population mondiale, selon l’ONU.
 

Une technique classique du déni climatique

Souligner l’impact croissant du numérique pour ne pas se préoccuper des émissions de l’aérien s’apparente au whataboutism (« aquoibonisme »), un discours classique de l’inaction climatique (notre article) qui consiste à remettre la faute sur un autre secteur, un autre pays, ou une autre partie de la population, pour éviter de faire de véritables efforts. Une rhétorique dangereuse à l’heure où tous les secteurs de la société doivent réduire rapidement leurs émissions de CO2 pour limiter le réchauffement climatique.

🗣️ Vous n'en pouvez plus de lire et d'entendre cet argument autour de vous et sur les réseaux sociaux ? Partagez la version exhaustive de cet article que vous trouverez sur le site de Vert!

Quelles sont les autres questions que vous vous posez ? Répondez à ce mail avec les interrogations qui vous trottent dans la tête et nous les lirons avec intérêt !

Les votes sont ouverts jusqu’à demain matin et les résultats seront donnés dans l’édition de vendredi. À vos claviers !

Continuer à croire qu’il n’est pas vain d’agir

Causer de la cause. « Est-ce que vous avez remarqué que tout ce qu’annoncent les scientifiques depuis des dizaines d’années se réalise, en pire… et que cela ne change rien », lance Vincent Verzat, visage de la chaîne Partager c’est sympa. Après un été brûlant et avant la COP27 sur le climat qui s’ouvre en novembre prochain, il reçoit Nicolas Haeringer, vieux routier de l’écologie et coordinateur global de 350.org pour discuter de mobilisation et de justice climatique.

© Partager c'est sympa

+ Justine Prados, Juliette Quef et Loup Espargilière ont contribué à ce numéro.