La quotidienne

(Dis)cours toujours !

Chères toutes et chers tous,

Vous voulez vivre les à-côtés de la COP comme si vous y étiez ? Chaque jour, sur le compte instagram de Vert, Loup Espargilière raconte en vidéo les coulisses du sommet onusien et la mobilisation citoyenne qui a pris ses quartiers à Glasgow. 


Alors que les chefs d'Etat dissertent, leur actions, elles, ont un goût de disette.


Le blabla des chefs d’Etat sur le climat

(Dis)cours toujours. Le sommet des leaders, qui s’est ouvert hier à Glasgow avec plus de 120 chef·fe·s d’État et de gouvernements, est l’occasion de vibrants discours en défense du climat. Hélas, les grand·e·s de ce monde nous ont habitué à des promesses sans lendemain. Tour d’horizon.

« Les économies développées doivent désormais contribuer à leur juste part, car le leadership exige l’exemplarité »

- Emmanuel Macron, président français, novembre 2021 
Les mâchoires serrées lors du discours prononcé à l’ouverture de la COP26, le président français a appelé les leaders mondiaux à redonner une « pleine confiance à notre jeunesse », grâce aux « actions » et aux « résultats » dans la lutte contre la crise climatique. Hélas, le président s’est gardé de rappeler que son gouvernement a été condamné par la justice française pour n’avoir pas respecté les objectifs de baisse de ses émissions (ses Contributions déterminées au niveau national - voir plus bas) qu’il s’est lui-même fixés (notre article sur l’Affaire du siècle). Un jugement que l’on peut qualifier, lui, d’« exemplaire ». 

« L’ampleur et la nature des catastrophes naturelles dans certaines régions sont absolument sans précédent.Tout cela montre encore une fois à quel point il est important de nous engager à l’avenir de manière profonde et systématique dans le programme climatique et environnemental »

- Vladimir Poutine, président russe, août 2021 (Le Monde)
Le président russe a récemment promis d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. Mais l’absence de Vladimir Poutine à la COP26 jette un voile sur la crédibilité de son action climatique. Le 20 octobre dernier, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov annonçait que « malheureusement, Poutine n’ira[it] pas à Glasgow » tout en assurant que la problématique du changement climatique reste « l’une des plus grandes priorités de sa politique étrangère »

« Il nous faut protéger la nature et préserver l’environnement comme nous prenons soin de la prunelle de nos yeux. »

- Xi Jinping, président chinois, avril 2021 (Asialyst)
Grande absente de la COP26 elle aussi, la Chine a déclaré en septembre 2021 son intention d’arrêter de financer des centrales à charbon à l’étranger, très émettrices de CO2. Mais le pays, qui émet 26% du CO2 mondial, reste accro au charbon. Celui-ci représente 58% de sa consommation énergétique. Pire, il y aurait plus de 350 centrales à charbon en construction en Chine selon le rapport Carbon Tracker.

« Il est minuit moins une sur l’horloge de l’apocalypse. Nous devons agir maintenant. [...] Les générations futures ne nous pardonneront pas si nous échouons. »

- Boris Johnson, premier ministre britannique, novembre 2021
Voilà des mois que Boris Johnson façonne sa posture de leader dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le pays a même fait la promesse (unique au monde) de baisser de 78% ses émissions de CO2 d’ici 2035. Hélas, le plan pour y parvenir présenté juste avant la COP est famélique et complètement sous-doté, même de l’avis de certains conservateurs (notre article à ce sujet). 

« Le Canada est dans un état d’urgence climatique nationale »

- Motion adoptée le 17 juin 2019 par le Parlement canadien sur proposition du gouvernement Trudeau (CTV News)
Dès le lendemain, le 18 juin 2019, le premier ministre canadien Justin Trudeau approuvait pourtant l’extension d’un oléoduc controversé, le Trans Mountain. À terme, celui-ci devrait pouvoir transporter jusqu’à 890 000 barils de pétrole par jour entre la province d’Alberta et celle de Colombie-Britannique, contre 300 000 barils à l’heure actuelle (TV5 Monde). Depuis, il n'a eu de cesse de soutenir des projets fossiles liés à l'exploitation de sables bitumineux. Résultat : les émissions de CO2 nationales ont augmenté de 723 à 730 mégatonnes entre 2015 et 2019 (Radio Canada), un cas de figure unique parmi les pays riches

· Pendant qu'elle vante ses actions en faveur de la lutte contre le changement climatique à la COP26, la France œuvre en même temps pour que le gaz soit considéré comme une énergie « verte » éligible à des soutiens financiers de la part de l'Union européenne (UE). C'est ce que révèle un document dévoilé dimanche soir sur Twitter par une journaliste de Contexte. Le double discours français vise à ce que des pays comme la Pologne et la République tchèque soutiennent en retour l'inclusion de l'énergie nucléaire parmi les « énergies vertes ».

· Le parti Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a dénoncé ce week-end la relance du projet de ligne à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et Toulouse, estimant qu'il s'agissait d'un « projet inutile et coûteux ». Pour le maire EELV de Bordeaux, Pierre Hurmic, cette LGV renforce l'attractivité des grands centres urbains et doit conduire à l'artificialisation de terres, alors qu'il serait plutôt nécessaire d'investir dans le « développement des transports du quotidien » et la « réouverture des petites lignes ». Un positionnement qui n'est pas du goût de la présidente socialiste de la région Occitanie. - Huffpost

© Suzanne Plunkett / Greenpeace

A l'abordage. Originaires de Namibie, d'Ouganda, du Mexique et du Bangladesh, quatre jeunes activistes pour le climat venu·e·s en bateau à Glasgow ont enfin pu débarquer hier, après avoir été bloqué·e·s sur l'eau par les autorités. Jakapita Faith Kandanga, Farzana Faruk Jhumu, Edwin Namakanga et Maria Reyes sont tous les quatre membres du mouvement Fridays for Future MAPA (Most Affected People and Areas), qui réunit des jeunes qui vivent dans les zones les plus touchées par le changement climatique. 

Pour les aider à faire entendre leur voix à la COP26, l'ONG Greenpeace avait mis à disposition son célèbre bateau Rainbow Warrior – troisième du nom et fonctionnant principalement grâce à des voiles. Les autorités britanniques leur ont refusé l'autorisation de s'amarrer au port de Clyde, à proximité de Glasgow, et ont menacé de faire intervenir la police si le bateau poursuivait son chemin. Il aura finalement fallu négocier en insistant sur l'importance de leur présence à la conférence climat pour que les autorités consentent à les laisser débarquer.

Agent 000. « Bienvenue en Ecosse, dont le fils fictif le plus mondialement connu est certainement un dénommé James Bond - qui se retrouve généralement au point culminant de ses films attaché à une bombe apocalyptique, essayant désespérément de savoir quel fil de couleur tirer pour la désamorcer.» C’est sur ces mots que le premier ministre britannique, Boris Johnson, a ouvert le sommet des leaders de la COP26, lundi. « Un décompte tourne implacablement sur une horloge numérique jusqu’à une détonation qui mettra fin à la vie humaine telle que nous la connaissons, et nous sommes à peu près dans la même position, mes chers leaders mondiaux, que James Bond ». Espérons que demain ne meure jamais.

Good COP. « D’ici 2070, l’Inde atteindra l’objectif de zéro émissions nettes [de CO2] », a promis lundi le Premier ministre indien, Narendra Modi, lors de son discours à la COP26. L’Inde s’est d’ailleurs engagée à couvrir 50% de ses besoins en énergie par des sources renouvelables à l’horizon 2030. Un renforcement très attendu de ses ambitions climatiques car l’Inde reste le troisième pays le plus pollueur au monde derrière la Chine et les États-Unis. L'Inde avait d’ailleurs fait durer le suspens jusqu’au dernier moment avant de confirmer sa présence à Glasgow, laissant craindre de faibles engagements de sa part.

Conseil d'ami. Lundi, une nouvelle instance climatique internationale, l’International Climate Councils Network, a vu le jour à l’occasion du lancement de la COP26. Ce réseau réunit vingt et un organes consultatifs pour le climat, dont le Haut conseil pour le climat en France qui en assurera le pilotage en 2022, avec l’aide du Canada et du Guatemala. Cet organisme indépendant visera à accompagner et évaluer les gouvernements dans leurs objectifs de neutralité carbone. Corinne Le Quéré, présidente française du Haut conseil pour le climat, s’est réjouie du lancement de ce réseau car l’urgence climatique « nécessite une action et une collaboration à l’échelle mondiale ». 

Contributions déterminées au niveau national. N. f. : En 2015, lors de la COP21 à Paris, les États ont promis de se fixer des objectifs chiffrés de baisse de leurs émissions. Leurs engagements sont appelés « Contributions déterminées au niveau national » (ou NDCs, leur acronyme en anglais). Celles-ci devaient être revues à la hausse tous les cinq ans, avec une première mise à jour en 2020. Or, à la fin juillet 2021, seuls 58% des signataires avaient déposé leur nouvelle NDC. Pis, même s’ils étaient atteints, les engagements climatiques des États mettraient le monde sur la voie d’un réchauffement de +2,7°C d’ici 2100, a alerté l’ONU le mois dernier. Les NDCs actuelles devraient faire augmenter les émissions mondiales de 16% d’ici 2030 alors que celles-ci devraient baisser de 40% pour rester sous 1,5°C. Les observateurs espèrent que Glasgow sera le lieu de l'annonce de nouvelles NDCs plus ambitieuses de la part des chefs d'Etat et de gouvernement.

La pétition lancée par Greta Thunberg recueille 1,5 million de signatures en vingt-quatre heures

100 pressions. En à peine une journée, la pétition lancée par de jeunes militantes pour le climat - dont Greta Thunberg - qui vise à mettre la pression sur les dirigeant·e·s réuni·e·s à Glasgow pour la COP26 a déjà recueilli près de 1,5 million de signatures.

« Trahison. C'est ainsi que les jeunes à travers le monde décrivent la faillite de nos gouvernements à réduire les émissions carbone », démarre en trombe le texte de la pétition adressée aux chef·fe·s d’Etat. La Suédoise Greta Thunberg, l'Ougandaise Vanessa Nakate, la Polonaise Dominika Lasota et la Philippine Mitzi Tan y exigent que les gouvernements agissent face à l'urgence climatique « pas l'année prochaine, pas le mois prochain, maintenant ».

Pour cela, elles les somment de mettre en œuvre cinq actions : conserver l'objectif de 1,5°C de réchauffement climatique par rapport à l'ère préindustrielle « en réduisant immédiatement et radicalement les émissions annuelles, comme jamais auparavant » ; mettre fin à tous les investissements et aux nouvelles explorations de combustibles fossiles ; publier les émissions carbone totales de tous les secteurs de consommation ; remplir la promesse de 100 milliards de dollars d'aide aux pays les plus vulnérables au changement climatique et enfin, d'adopter des mesures qui « protègent les travailleurs et les plus vulnérables » et « réduisent toutes les formes d'inégalité ».

Avec d’autres jeunes investi·e·s dans le mouvement Fridays for future - initié par Greta Thunberg - les quatre militantes ont rejoint Glasgow pour faire entendre leur voix en marge de la COP26, dans les rues (comme lors de leur première manifestation hier) ou en ligne avec cette pétition.

+ Justine Prados, Loup Espargilière et Juliette Quef ont contribué à ce numéro