La quotidienne

COP sur des roulettes

Chères toutes et chers tous,

🗳️ Les urnes ont parlé ! À 85%, vous avez choisi que nous répondions à la question «À l'heure actuelle, prend-on plus de risques pour notre santé en buvant de l'eau du robinet plutôt qu'en bouteille ?» posée par Pierre par mail. Réponse dans le Vert du faux de jeudi prochain.


Un premier accord a été trouvé à Dubaï, maintenant, c'est aux fossiles qu'on dit bye-bye ?


COP28 : accord historique sur la réparation des pertes et dommages dans les pays vulnérables à la crise climatique

COP sur des roulettes. Dès l’entame de la 28ème conférence mondiale (COP28), les États ont validé la création d’un mécanisme de financement des destructions liées au climat, qui sera placé sous l’égide de la Banque mondiale.

«Ce qui se passe aujourd’hui, c’est l’aboutissement de 30 ans de lutte acharnée par les pays en développement qui criaient à l’aide», savoure Fanny Petitbon, responsable de plaidoyer pour l’ONG Care France et observatrice à Dubaï.

Dès l’ouverture de la COP28 ce jeudi, sous des applaudissements nourris, la présidence émiratie a obtenu un accord sur le financement des «pertes et dommages». Il s’agit des dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique : ils peuvent être dus à des événements extrêmes (cyclones, inondations, etc), ou à des processus de long terme (montée du niveau de la mer, sècheresses, etc).

Voilà des décennies que les pays les plus vulnérables au changement climatique (les États insulaires du Pacifique en tête) réclamaient une aide de la communauté internationale pour faire face à ces événements «dont ils ne sont pas responsables et contre lesquels ils n’ont pas les moyens de lutter», explique Fanny Petitbon. Si le sujet a tant peiné à se frayer un chemin dans les négociations internationales, c’est parce que les pays les plus riches ont longtemps refusé d’ouvrir la voie à la création d’un mécanisme qui impliquerait d’admettre leur responsabilité majeure dans la crise climatique.

Des délégué·es représentant la Colombie le jour d’ouverture de la COP28 à Dubaï. © COP28 / Mark Field

L’an dernier, à la surprise générale (déjà) lors de la COP27 de Charm el-Cheikh (Égypte), les pays du monde avaient acté le principe de créer ce fonds. Un an plus tard, à Dubaï, les Émirats arabes unis et l’Allemagne ont promis de débloquer chacun 100 millions de dollars (92M€), assez pour donner vie à ce fonds. Dans la foulée, l’Union européenne a annoncé 125 millions d’euros. Des sommes plus symboliques viendront des États-Unis, du Japon ou du Royaume-Uni. Pour l’instant, c’est une paille au regard des besoins, estimés entre 290 et 580 milliards de dollars (entre 265 et 531M€) par an pour les pays du Sud d’ici à 2030.

Il ne s’agit pas d’une victoire totale, la faute à plusieurs «lacunes», des mots de Fanny Petitbon : selon toute vraisemblance, ce nouveau mécanisme devrait être placé sous l’égide de la Banque mondiale, dont «les pratiques ont été largement remises en question, notamment parce qu’elle continue d’investir massivement dans les énergies fossiles et d’aggraver le changement climatique». Autre limite : aucune obligation pour les pays riches de contribuer. Autant de points qu’il reste à éclaircir avant la COP29.

· Jeudi, le gouvernement français a annoncé une rallonge de presque 34 millions d’euros pour aider les agriculteur·ices bio en grande difficulté. Cette somme, qui vient épaissir une enveloppe de 60 millions promise au mois de mai, sera débloquée après l’accord de la Commission européenne. - Sud Ouest (AFP)

· Le tribunal administratif de Melun a condamné l’État à verser 1 000 euros à un journaliste de Reporterre, a annoncé le média ce jeudi. Alexandre-Reza Kokabi avait été placé en garde à vue et condamné à payer une amende après avoir couvert une action de désobéissance civile sur les pistes de l’aéroport d’Orly. Le tribunal justifie sa décision au nom de la liberté d’expression et d’information. - Reporterre

· Jeudi encore, l’Allemagne et la Belgique ont toutes les deux été condamnées pour leur inaction et le non-respect de leurs engagements dans la lutte contre le changement climatique. Pour la première, la justice a estimé en première instance que le gouvernement devait mettre en œuvre des programmes d'urgence dans les transports et le bâtiment. Pour la seconde, l’État fédéral et les Régions bruxelloise et flamande ont été condamnés en appel à prendre des mesures pour réduire le volume global de leurs émissions de gaz à effet de serre «d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990». - Arte et Le Soir

· Jeudi toujours, une centaine d’apiculteur·ices a manifesté à Paris pour réclamer une aide d’urgence. Alors que la production a été bonne ces deux dernières années, les professionnel·les français·es n’arrivent pas à vendre leurs stocks en raison de la concurrence des miels à bas prix importés et des marges des négociants et distributeurs. - RFI

 


Romain Grard de Scientifiques en rébellion


Changer de COP. Rassemblé·es à Bordeaux dans l’immense bunker de la Base sous-marine, ancien lieu militaire désormais dédié à la création, les membres du collectif Scientifiques en rébellion présentent au public, depuis jeudi, rencontres, projections, performances et conférences pour aborder différemment les questions climatiques. «Avec cette alter COP, nous proposons d’autres narratifs, d’autres façons de partager les connaissances scientifiques et d’autres leviers d’action», explique à Vert Romain Grard, l’un des coordinateurs de l’événement. Ce vendredi, la journée se concentre sur le rôle «climaticide» de TotalEnergies, avec un procès fictif pour écocide, qui projette le public en 2035. Pour tout comprendre à cette COP alternative qui se déroule à Bordeaux jusqu’à dimanche, rendez-vous sur vert.eco

COP d’habitude. Plus de 180 chefs d’États et de gouvernements sont arrivés ce matin à Dubaï pour se pencher au chevet du climat, le temps d’une photo de famille et d’une litanie de discours plus ou moins poignants. Une fois encore, on comptera beaucoup - beaucoup - plus de jets privés que de femmes. Pour l’anecdote, le Roi Charles III, le premier ministre britannique Rishi Sunak et l’ex David Cameron ont chacun fait le déplacement depuis le Royaume-Uni à bord de leur propre jet privé. Boys, boys, boys.

Les dirigeants du monde réunis à la COP28 sur le climat à Dubaï, ce vendredi

ONU bilan. Un premier brouillon du texte de décision concernant le Bilan mondial (voir notre abécédaire), qui fait l’inventaire de l’action climatique des huit dernières années et doit tracer la voie à suivre pour les prochaines, a été publié ce vendredi. Signal plutôt positif : le document évoque d’ores et déjà la question des énergies fossiles. Plusieurs points de vocabulaire sont en suspens : faut-il parler de «phasedown» (réduction progressive) ou de «phaseout» (abandon progressif) des fossiles ? Le texte, qui mentionne également le triplement des capacités des renouvelables, demeure provisoire et va évoluer dans les jours à venir.

Et puits c’est tout. «Il ne faut pas les réduire, il ne faut pas les atténuer : il faut les éliminer.» Dans son discours d’ouverture du sommet des leaders de la COP28, vendredi matin, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, fut catégorique : «Il n'est pas possible de sauver une planète brûlante avec les huiles inflammables des combustibles fossiles.». Son discours fut suivi de celui, policé, du Roi Charles (qui a rappelé le rôle vital des peuples autochtones, tout en plaidant pour des solutions technologiques) et d’une adresse vibrante du président brésilien Lula. Ce dernier a promis d’atteindre la déforestation zéro dans son pays dès 2030. Il a rappelé que les 1% les plus riches émettaient davantage de CO2 que les 66% les plus pauvres (notre article), ajoutant que «la réduction des injustices socio-économiques menait à une plus grande résilience».

La formule E d'Envision à la COP28 sur le climat © Loup Espargilière / Vert

Le sens de la Formule 1. À la COP28, Loup Espargilière a découvert LA solution contre le réchauffement climatique : une formule 1 faite en déchets électroniques ! Envision, fabricant chinois d’énergies renouvelables et constructeur de voitures de courses électriques, fait trôner fièrement une «formule E» faite avec des câbles et des circuits imprimés de récupération, pour nous sensibiliser sur nos déchets. De quoi gagner «la course contre le changement climatique» ! Hélas, dans la plupart des pays du championnat de Formule E, l’électricité est produite à partir de charbon et les voitures sont transportées d’un circuit à un autre par bateaux, camions (pas électriques) et… avions (pas verts). Ah, oui, et la compétition se déroule sur cinq continents.

Comment s’adapter au changement climatique ?

Demain en main. Dans une série de podcasts, France inter explore les transformations provoquées par les bouleversements climatiques. En cinq courts reportages, les journalistes nous parlent du stockage de l’eau en ville, des logements face à la sécheresse ou des scénarios d’évolution pour les forêts.

© France inter

+ Aurélie Delmas, Jennifer Gallé, Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro