La quotidienne

Cheikh en bois

Chères toutes et chers tous,

Jusqu'à la fin de la semaine prochaine, Vert passe à l'heure d'Égypte pour vous faire vivre la COP27 comme si vous y étiez. Parce que l'événement le réclame, les éditions quotidiennes seront un peu plus riches qu'à l'accoutumée - le climat le vaut bien, non ?

Le jeudi, c'est Vert du faux ! Comme chaque semaine, votez pour la question (soufflée par l'un·e d'entre vous) à laquelle vous voulez que Vert réponde !


A la COP, quand les riches refusent de payer, ce sont les pauvres qui écopent.


À la COP27, les pays riches refusent toujours de mettre la main au porte-monnaie

Tends l’argent ! Mercredi, le troisième jour du sommet climatique était consacré à la finance climat. Les rares annonces des pays riches sont restées très en-deçà des attentes de leurs homologues du Sud.

Le changement climatique est une histoire de gros sous. Selon l’Agence internationale de l’énergie, il faudrait tripler les investissements dans les énergies bas carbone d’ici à 2030 pour sortir (enfin) des fossiles, soit 2 400 milliards de dollars (et autant d’euros) par an. À la même date, les besoins en adaptation auront atteint 300 milliards de dollars par an. Et les pertes et dommages provoqués par les catastrophes météorologiques pourraient coûter entre 290 et plus de 580 milliards de dollars chaque année, selon Oxfam

Le financement des pertes et dommages (loss and damage, en anglais) est le sujet le plus sensible de la COP27 © Gahmad Gharabli / AFP

Déjà très insuffisante, la promesse des pays du Nord de transférer 100 milliards de dollars par an à ceux du Sud dès 2020 n'est toujours pas atteinte (voir plus bas). En cause notamment, le refus du Congrès américain de verser les 11,4 milliards de dollars promis par Joe Biden.

Pour contourner ce blocage, son gouvernement a annoncé hier un étonnant « accélérateur de transition énergétique ». Celui-ci serait basé sur le rachat par des entreprises américaines de crédits carbones (ou droits à émettre) générés par des projets d’énergies renouvelables dans les pays en développement. Le tollé a été immédiat et pour cause : les entreprises concernées pourraient utiliser ces crédits pour compenser leurs propres émissions.

Sur le sujet crucial des pertes et dommages, une poignée de pays a promis de mettre la main au porte-monnaie : le Danemark (13 millions d’euros), l’Allemagne (170 millions), l’Irlande (10 millions), l’Autriche (50 millions), l’Écosse (7 millions) ou encore la Belgique (2,5 millions). Hélas, « il n’y a pas ou peu d’argent frais, c’est-à-dire que ces fonds sont pris sur d’autres enveloppes de l’aide au développement », constate Aurore Matthieu, responsable des politiques internationales au Réseau action climat. 

· Mercredi, l’entreprise pétrolière Perenco a été assignée en justice par les Amis de la terre et Sherpa pour ses activités polluantes en République démocratique du Congo (RDC). Cette action fait suite à une nouvelle enquête de Disclose sur Perenco, après ses révélations sur les liens supposés de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avec l’entreprise. - Libération

· Les principaux constructeurs automobiles mondiaux prévoient de produire 400 millions de voitures thermiques de trop pour contenir le réchauffement climatique à 1,5°C, révèle une étude réalisée par des chercheur·ses de deux universités australienne et allemande pour Greenpeace Allemagne. - The Guardian (en anglais)

· 44% des jeunes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et 43% d’entre eux en Afrique subsaharienne reconsidèrent le fait d’avoir des enfants en raison du dérèglement climatique, dévoile le récent sondage U-Report de l’Unicef, publié ce mercredi. À l’échelle mondiale, deux jeunes sur cinq ont déclaré avoir les mêmes préoccupations.

+25 %

Impossible n’est pas fossile. Si l’on en croit les analyses du groupe Global Witness, 636 délégués sur les 35 000 accrédités à la COP27 sont liés à l’industrie fossile. C’est 25 % de plus que l’année dernière à Glasgow. Ils sont plus nombreux que l’ensemble des dix délégations des pays les plus impactés par le changement climatique, souligne Global Witness. Les Emirats Arabes Unis, qui accueilleront la COP28, représente la délégation la plus importante (1070 délégués) et la plus pétrolière avec 70 lobbyistes accrédités. « Si vous voulez éradiquer la malaria, vous n’invitez pas les moustiques », a lancé un congressiste nigérian interrogé par la BBC.

Coup de grisou. Mercredi, le président Ougandais, Yoweri Museveni, a publié un virulent billet de blog dans lequel il accuse l’Europe de « faillite morale » et « de la plus pure hypocrisie » dans l’action climatique. Selon lui, le vieux continent refuse de financer des infrastructures fossiles en Afrique pour des raisons climatiques, sauf si les ressources sont destinées à être expédiées en Europe.

Trop d'intérêtL’agence britannique de crédits à l’export – qui accorde des prêts aux acheteurs étrangers de ses biens et services – va introduire une « clause de résilience climatique » dans ses contrats, pour suspendre temporairement le remboursement de la dette si un créditeur est frappé par une catastrophe climatique. Emmanuel Macron, souhaite que le Fonds monétaire internationale ou la Banque mondiale adoptent de telles clauses.

Fossile à dire. Le Japon est un des généreux contributeurs du fonds vert pour le climat (voir ci-dessous) avec 70 milliards de dollars sur cinq ans (14 milliards par an). C’est aussi le premier bailleur de fonds publics pour les projets liés aux énergies fossiles, à hauteur de 10,6 milliards de dollars par an entre 2019 et 2021, selon le réseau action climat international, qui lui a décerné sa distinction symbolique de « Fossile du jour » à la COP27.

F comme Fonds vert

En 2009, à la COP15 de Copenhague (Danemark), les pays développés s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an dès 2020 pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique en créant un fonds vert pour le climat. L’objectif était de se développer de manière « propre » (atténuation) et d’anticiper les impacts du changement climatique sur les pays vulnérables (anticipation). En 2022, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a déterminé que ces financements avaient atteint 83,3 milliards de dollars en 2020. Une estimation plus récente est attendue au cours de la COP27.

Peut-on affirmer que « la France émet moins de 1% du CO2 mondial » ?

On joue aux comptes. Alors que la 27ème conférence des Nations unies (COP27) sur le climat vient de s’ouvrir, on voit à nouveau fleurir cet argument dans les discours et sur les réseaux sociaux, utilisé pour minimiser les efforts que la France aurait à fournir en comparaison avec d’autres pays.
 

→ La France émet bien moins de 1% du CO2 mondial annuel…

Si l’on divise les 56,4 milliards de tonnes d’équivalent-CO2 (qui agrègent l’ensemble des gaz à effet de serre) émises à l’échelle mondiale en 2019, par les 441 millions de tonnes émises par la France la même année, on arrive à 0,78% du total. Pour le seul CO2, essentiellement lié aux énergies fossiles, ce chiffre monte à 0,9%.
 

→ … Tout comme la quasi-totalité des pays du globe

Des pays qui émettent moins de 1% du CO2 mondial, il y en a des dizaines et des dizaines. Outre une poignée de géants, la quasi-totalité des pays du globe émet moins de 2%.

Emissions de CO2 par pays et leur part dans le total mondial en 2017 © Our World in data

→ Ce chiffre ne tient pas compte des émissions importées

Ce chiffre de « moins de 1% » ne couvre que les émissions territoriales, c’est-à-dire les gaz à effet de serre relâchés dans l’atmosphère dans le cadre des activités réalisées sur le sol français. Mais il existe une donnée bien plus pertinente : celle de l’empreinte carbone, qui ajoute les émissions liées aux produits importés (et retranche le CO2 des exportations).

Dans ce cas, ce ne sont plus 441, mais 663 millions de tonnes d’équivalent-CO2 émises en 2019. Soit 1,17% du total mondial.
 

→ Ce qui compte, c’est l’empreinte carbone par habitant·e

Il est aberrant de comparer la France avec des pays peuplés de plusieurs centaines de millions d’habitants, comme la Chine et l’Inde. Si l'on compte l'empreinte carbone par tête, un Français génère 10 tonnes de CO2 par an. En comparaison, comme le détaille une récente étude parue dans Nature sustainability : en 2014, un Européen·ne émettait 6,3 tonnes, un Chinois·e, 4,5 tonnes, un Indien·ne, 1,3 tonne et un·e Africain·e, 0,6 tonne.
 

→ À travers l’Histoire, la France est le 12ème plus gros contributeur au changement climatique

Parmi les premiers pays industrialisés, la France a émis d’immenses quantités de CO2 à travers son histoire récente - plus de 35 milliards de tonnes, selon le site spécialisé Carbon brief. Selon les manières de compter, la France a causé entre 1,5 et 2,3% des émissions historiques - et donc du réchauffement.

Les pays qui ont le plus émis de CO2 à travers l'Histoire, en gigatonnes de CO2. © Carbon brief

→ Absolument tous les pays doivent agir sans plus attendre - surtout les plus riches - pour réduire leurs émissions

Pour contenir le réchauffement à moins de 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, objectif dont ont convenu la quasi-totalité des pays du globe pour éviter les pires effets de la crise, l’humanité ne peut plus émettre que 300 milliards de tonnes de CO2. Soit moins de 7 années au rythme actuel.

C’est aux pays riches, les plus responsables et les moins touchés par la crise climatique, de fournir la majeure partie des efforts, afin de permettre aux pays pauvres de se développer.

Vous voulez moucher votre oncle climatosceptique ou vos followers qui continuent de brandir ce faux argument pour ne rien faire ? Partagez la version intégrale de cet article que vous trouverez sur vert.eco

+ Loup Espargilière et Justine Prados ont contribué à ce numéro