Certains ont du mal à garder la tête froide en ces temps de forte chaleur, mais la clim' ne les sortira pas de leur torpeur.

Le gaz et le nucléaire restent bloqués à la porte de la « taxonomie » européenne
Greenwashing dégazé. Au Parlement européen, deux commissions se sont opposées, ce mardi, à l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la « taxonomie verte » - vaste mécanisme, actuellement en discussion, destiné à orienter les investissements vers la transition écologique.
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Or, si le gaz naturel fossile est en grande partie fourni par la Russie, en plus d’être une source importante d'émissions de gaz à effet de serre, l'énergie nucléaire génère des déchets radioactifs pour lesquels aucune solution de long terme n’est connue. Aux yeux de la Commission européenne, qui avait présenté le texte en début d’année (Vert), l’inclusion de ces deux sources d’énergie doit respecter certaines conditions et être limitée dans le temps. Elle s’expliquerait par la nécessité « d’accélérer la transition, en utilisant toutes les solutions qui peuvent nous aider à atteindre nos objectifs climatiques ».
Si le symbole est fort, le projet n’est pas enterré par le scrutin de mardi. Un vote par l’ensemble des eurodéputé·es aura lieu entre le 4 et le 7 juillet. Si la majorité absolue - 353 voix - s’exprime contre ou si des États représentant 65 % de la population la rejettent, la proposition devra être retirée ou modifiée. Plusieurs pays tels que l’Allemagne, l’Espagne ou la Suède s'opposent à l'inclusion du nucléaire voulue par la France. L’Allemagne et la Pologne, de leur côté, poussent pour l’intégration du gaz.
En attendant, les élus écologistes et insoumis, notamment, n’ont pas hésité à célébrer publiquement cette première victoire. De même que les ONG de défense de l’environnement. Pauline Boyer, chargée de campagne énergie pour Greenpeace France, estime que le vote de mardi « signe une nouvelle défaite pour les lobbyistes des industries gazières et nucléaires russes, mais aussi pour Emmanuel Macron qui a été l’un des fers de lance du lobbying en faveur de l’inclusion du gaz fossile et du nucléaire dans la taxonomie, au mépris de l’urgence climatique et de la transition énergétique».

· Mardi, le collectif militant Pour un réveil écologique et des expert·es sur les enjeux de climat et de biodiversité ont annoncé l’organisation d’une formation des député·es fraichement élu·es à l’Assemblée Nationale. Dès la semaine prochaine, 25 scientifiques seront « à disposition » des représentant·es de la nation durant trois jours pour « leur transmettre le consensus scientifique justifiant l’urgence à agir dans tous les secteurs ». Avec un objectif : « Guider et irriguer l’ensemble des décisions des député·es lors de leur mandat », espèrent les organisations. - L’info durable (AFP)
· Mardi encore, la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire a annoncé un nouveau programme de « renaturation des villes et des centres-villes » doté de 500 millions d’euros pour faire face aux vagues de chaleur, qui sont vouées à s’intensifier et à se multiplier en raison du réchauffement climatique. Le gouvernement prévoit de « co-financer » avec les collectivités locales des « dispositifs anti-chaleur », alors que les métropoles sont particulièrement touchées par la hausse des températures . – Ouest France
· Mardi toujours, plusieurs dizaines de militant•es du collectif Stop Croisières ont bloqué l’arrivée de deux des plus gros paquebots au monde dans le port de Marseille. Deux heures et demi de perturbations créées par les activistes juché·es sur des canoés, pour dénoncer « l’aberration écologique et sociale de l’industrie des croisières » et demander aux acteurs politiques locaux « un débat démocratique sur la question des croisières et du trafic maritime ». – Reporterre


« Dites-le carrément, au niveau de la météo : “Votez la Nupes” »
Chasse discute. Le président de la fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, a estimé sur RMC que la coïncidence entre la vague de chaleur et la campagne législative d’entre-deux tours était du « foutage de gueule », une « vraie manip’ ». « On nous prend vraiment pour des cons », s’est-il insurgé. « Il va faire beau pendant trois jours. Bizarre : on est entre le premier et le deuxième tour. On nous explique du matin jusqu’au soir depuis deux jours : “attention, l’écologie, machin”. Dites-le carrément, au niveau de la météo : “Votez la Nupes”, on va gagner du temps », a réclamé le chef de file des chasseurs français devant des invités médusés, notamment l’économiste Thomas Porcher. Et la manoeuvre s’étendrait à l’international, avec, s’agace-t-il, des « rapports du Giec qui sortent tous les trois jours, quand on est dans les élections, ça commence à bien faire ». Promis, Vert n’a rien changé aux citations.
Le mois dernier sur LCP, le même Willy Schraen avait trouvé la parade contre les accidents de chasse : les promeneurs n’ont qu’à se balader « chez eux » où « ils n’auront aucun problème ».

La climatisation : pire remède aux vagues de chaleur et accélérateur de la crise climatique
La clim attise. À chaque nouvel épisode de chaleur extrême, la tentation est grande de se ruer sur les stocks de climatiseurs pour trouver un peu de fraîcheur. Mais ceux-ci aggravent encore un peu plus de bouleversement du climat.
Largement moquée pour sa sortie sur le sujet, la nouvelle ministre de l’écologie Amélie de Montchalin n’avait pourtant pas tout à faire tort lorsque, début juin, elle a suggéré aux Français·es de « ne pas sur-utiliser leur climatisation » afin de ne pas aggraver le dérèglement climatique.
Pendant qu'elle améliore le confort de ceux qui l'utilisent, l’air chaud qu’elle rejette vers l’extérieur aggrave l’effet « îlot de chaleur » et augmente la température de 1 °C en moyenne dans les villes analysées par une étude menée dans l’Arizona (États-Unis). La clim nécessite aussi de vastes quantités d'énergie : chez celles et ceux qui y ont recours - un quart des ménages français, selon l’Ademe-, elle représente l'équivalent d’un à deux mois de consommation moyenne d'électricité en France.

A l'échelle mondiale, la climatisation est responsable de 10% de la consommation totale d'électricité, selon l’Agence internationale de l’énergie. Elle requiert l'usage de gaz très polluants comme les hydrofluorocarbures, qui sont relâchés quand les climatiseurs sont mal retraités. Par ailleurs, elle est une source d'inégalités dans le monde. Ce sont les pays riches - malgré des climats plus tempérés - qui sont le plus équipés (90% au Japon et aux États-Unis).
Dans les lieux collectifs notamment, la climatisation permet de réduire certaines des souffrances infligées aux plus fragiles et aux plus âgé·es lors des pics de chaleur. Mais à plus long terme, elle constitue l’une des pires solutions d'adaptation (Vert). Isolation des logements ou végétalisation des villes ; voici des chantiers qui permettraient de se passer plus facilement de climatiseurs dans un monde qui se réchauffe.

Désintox : non, l'urgence climatique n'est pas exagérée par les médias
Alerte rouge. Depuis fin mai, une publication partagée plusieurs milliers de fois sur Twitter accuse les médias d’exagérer le péril climatique. En cause : deux captures d’écran de prévisions météorologiques en Suède de 1986 et de 2022, présentant des températures identiques : « en 1986, cela s'appelait un été normal. Aujourd'hui, ils colorent la carte en rouge et appellent ça une chaleur extrême », indique le compte. Manque de bol, ces présentations météo datent en réalité de 2016 et 2021, explique cet épisode de la série Désintox, diffusée sur Arte. En Suède, entre 1986 et 2021, la température moyenne au cours de l’été a augmenté de plus de 2 degrés.

+ Loup Espargilière, Anne-Sophie Novel, Juliette Quef et Anna Sardin ont contribué à ce numéro.