En faire tout un plan. Cette semaine, le rédacteur en chef de Vert s’est penché pour vous sur les plus de 300 pages du plan national d’adaptation au changement climatique, présenté par le gouvernement lundi. Un document qui oscille entre bonnes idées et grandes inconnues. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 12 mars 2025.
Mathieu Vidard : Loup, vous allez nous parler d’adaptation…
Cette semaine, avec plus d’un an de retard, le gouvernement nous a livré son nouveau plan national d’adaptation au changement climatique, un copieux document de 341 pages qui doit nous permettre de préparer la France aux bouleversements à venir.
Qu’est-ce que c’est, l’adaptation au changement climatique ?
Comme nous continuons à faire parfaitement n’importe quoi malgré les alertes des scientifiques et à relarguer toujours plus de CO2 dans l’atmosphère à grands renforts de côtelettes bien cuites, de weekend à Ibiza ou d’invasions de l’Ukraine, le mercure continue de grimper et le climat de s’affoler.
Pour information, nous sommes sur la trajectoire d’un monde en moyenne plus chaud de +3 degrés (°C) d’ici 2100… par rapport au 19ème siècle, ce qui veut dire +4°C en France. Résultat : les événements extrêmes liés au climat vont faire exactement ce que l’on sait qu’ils vont faire : ils vont s’intensifier et se multiplier.
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Alors pour ne pas tout simplement mourir, il va falloir qu’on transforme toute une partie de la société : par exemple, isoler les logements, bureaux et écoles pour continuer à vivre sous 40 ou 50°C ; s’assurer de pouvoir produire de l’électricité ; ou faire pousser de la nourriture avec une eau qui se raréfie. Bref, c’est un chantier absolument colossal.
Que trouve-t-on dans ce plan d’adaptation ?
Dans ce plan, le gouvernement propose une foule de mesures qui doivent nous protéger contre les risques liés aux événements extrêmes qui vont aller crescendo. Je résiste assez aisément au plaisir de passer en revue les 52 points de ce plan ; vous trouverez le décryptage de ma collègue Justine Prados sur le site de Vert.
Mais voici quelques mesures à retenir : le fonds Barnier, qui finance la prévention des risques et améliore la sécurité des personnes et des biens face aux catastrophes, voit son budget péniblement passer de 225 à 300 millions d’euros ; un milliard d’euros du budget actuel des agences de l’eau sera fléché vers l’adaptation, notamment pour lutter contre les inondations ; et 30 millions d’euros seront consacrés à l’immense question du retrait-gonflement des argiles – vous savez, les maisons fissurées parce qu’elles sont posées sur des sols argileux qui gonflent et se rétractent selon qu’il fait humide ou sec.
Ça concerne beaucoup de monde ?
Aujourd’hui, la bagatelle de onze millions de maisons sont situées dans des zones à risque et, selon le gouvernement lui-même, les indemnisations des sinistrés coûtent déjà en moyenne 1,5 milliard d’euros par an. Je ne suis pas mathématicien, mais si je compte bien : 30 millions d’euros dans ce nouveau plan, pour 11 millions de maisons menacées, ça fait 2,72 euros par maison. 2,72 euros… Mais on est large !
Sur Internet, j’ai trouvé un pack pelle+balayette à 1,97 euro grâce auquel vous pourrez ramasser votre grenier quand il sera tombé dans votre cuisine. Voilà, ça, c’est s’adapter malin, Mathieu !
À vous entendre, j’ai l’impression que le compte n’y est pas…
C’est absolument vital que nous préparions notre adaptation pour protéger la population. Et, ce plan, il contient un paquet de bonnes idées. Mais comme si souvent quand il s’agit d’écologie, il fait largement l’impasse sur les moyens. Sur ce point, les associations spécialisées comme le Réseau action climat, Oxfam ou le WWF sont unanimes. Sur 341 pages, j’ai compté plus de 100 occurrences de «Budget : à définir».
Autre critique : comme l’a rappelé la géographe Magali Reghezza, dans une France à +4°C, «on ne s’adapte plus. On choisit qui on sauve.»
L’urgence absolue est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, comme celles des autres pays. Or, nos émissions sont reparties à la hausse en France à la fin 2024. Et François Bayrou, qui fête ses trois mois à Matignon cette semaine, fait encore moins semblant de s’y intéresser que ses prédécesseurs. D’ailleurs, demain sur le compte Instagram de Vert, vous pourrez lire notre best-of de ses premières semaines à Matignon.
S’adapter à la crise climatique sans réduire nos émissions de gaz à effet de serre – qui en sont à l’origine –, c’est mettre un pansement sur une jambe de bois. J’ai même une meilleure image : c’est comme si, au lieu d’arrêter de boire de l’alcool, on apprenait à vivre avec la gueule de bois en croisant les doigts pour ne pas mourir de la cirrhose qui viendra à coup sûr.
Alors Mathieu, je vous sers un petit verre ?
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