L’ombre d’une route. Mercredi dernier, la chaîne britannique BBC révélait les images du chantier d’une autoroute dans la forêt amazonienne, près de la ville de Belém, au Brésil, qui accueillera la prochaine conférence mondiale (COP30) sur le climat. Pour Eva Morel, de l’association Quota climat, le lien entre la COP et la route a été trop vite établi par les médias, au risque de désinformer.
Sur les images de la BBC, les conséquences environnementales du chantier de la route Avenida Liberdade, dans les environs de Belém (Brésil), sautent aux yeux : arbres coupés, riverain·es démuni·es devant la destruction de leurs cultures…
L’information de la chaîne britannique, reprise dans la foulée par de nombreux médias — dont Vert dans sa newsletter —, précisait que l’infrastructure était destinée à faciliter la circulation pendant la conférence mondiale (COP30) sur le climat en novembre prochain. De la «désinformation», selon Eva Morel, cofondatrice de Quota climat, une association qui se bat pour un meilleur traitement médiatique de l’écologie.

Le secrétariat de la COP30, lié à la présidence brésilienne, a en effet publié un démenti dès le lendemain pour préciser que «les travaux de construction de l’autoroute Avenida Liberdade à Belém […] ne relèvent pas de la responsabilité du gouvernement fédéral et ne font pas partie des 33 projets d’infrastructure prévus pour la COP30».
La route est bien en cours de construction, et son impact sur l’environnement et le quotidien des habitant·es n’est pas négligeable. Mais tout l’enjeu est de savoir dans quelle mesure l’organisation de la COP a entraîné ces travaux, alors que le projet est dans les cartons des autorités brésiliennes depuis douze ans. Un article de Libération qui retrace les différentes étapes qui mènent à la construction de la quatre voies montre qu’il semble bien y avoir une accélération du chantier après l’annonce de la tenue de la COP à Belém, même si le projet était déjà avancé.
Dire qu’«il y a une accélération du projet liée à la COP, ce n’est pas la même chose que de dire qu’il est directement causé par celle-ci», souligne Eva Morel. Lorsque des médias français titrent sur le lien direct entre la COP et la construction de la route, «les gens vont retenir que la conférence sur le climat est hypocrite car elle conduit à mener des projets climaticides, insiste-t-elle.
À force de simplifier l’information, il y a un risque d’alimenter les narratifs de l’économie fossile et des acteurs de la désinformation.» Elle déplore que la plupart des médias français n’aient pas relayé le démenti du secrétariat de la COP 30 et se dit inquiète «que les grands évènements liés au climat cristallisent la polarisation du débat et alimentent les narratifs de l’économie fossile.»
Pour elle, la reprise massive de l’article de la BBC, média considéré comme très fiable, montre également qu’«à partir du moment où un narratif fallacieux intègre des rédactions considérées comme des références, la propagation de la fausse information va d’autant plus vite».
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