Dans l'actu

Total renonce à s’implanter au cœur du campus de Polytechnique

  • Par

Échec Total. Il prévoy­ait d’installer un cen­tre de recherche et développe­ment au cœur du cam­pus de Poly­tech­nique à Saclay (Essonne) ; visé par de nom­breux recours con­tre son ingérence dans la pres­tigieuse école d’ingénieurs, le pétroli­er Total­En­er­gies vient d’annoncer l’abandon de son pro­jet.

Après trois ans et demi de manœu­vres, Total­En­er­gies a annon­cé ven­dre­di 28 jan­vi­er qu’elle renonçait à s’installer à Poly­tech­nique. Patrick Pouyan­né, PDG de Total­En­er­gies et mem­bre du con­seil d’administration de Poly­tech­nique, a jus­ti­fié cette déci­sion par la volon­té de « met­tre fin à cette polémique frus­trante mais dom­mage­able à [leur] répu­ta­tion » (Les Echos).

Il faut dire que le pro­jet ne fai­sait pas l’unanimité auprès de la com­mu­nauté de l’École poly­tech­nique. Un bâti­ment de 10 000 m² à la local­i­sa­tion exclu­sive au cœur du cam­pus, pour une fonc­tion à mi-chemin entre un cen­tre de recherche et un espace de vie pour les étudiant·es; le tout, avec l’objectif annon­cé de tra­vailler à la décar­bon­a­tion des éner­gies. De mois en mois, la con­tes­ta­tion enflait chez les élèves comme chez les anciens de l’“X”, qui dénonçaient le green­wash­ing et l’ingérence de la société pétrolière au sein de l’école.

En mai 2020, face à la fronde des étudiant·es, la direc­tion de Poly­tech­nique avait con­sen­ti à déplac­er le futur bâti­ment de… 250 mètres et tou­jours en plein cœur du cam­pus. © Col­lec­tif Poly­tech­nique n’est pas à ven­dre.

Depuis 2018, la Sphinx, une asso­ci­a­tion d’étudiant·es et d’ancien·nes élèves de Poly­tech­nique, se démène con­tre ce pro­jet. « On voulait à tout prix éviter une sit­u­a­tion de dépen­dance où Total deve­nait pro­prié­taire d’un bâti­ment au sein même du cam­pus, ce qui nous oblig­eait à main­tenir de bonnes rela­tions de voisi­nage avec l’entreprise à très long terme », explique à Vert Matthieu Lequesne, porte-parole de la Sphinx. 

Accom­pa­g­née de Green­peace France et d’An­ti­cor, l’as­so­ci­a­tion a déposé trois recours admin­is­trat­ifs. En mai dernier, une plainte a égale­ment été déposée con­tre Patrick Pouyan­né pour « prise illé­gale d’intérêts ». Les organ­i­sa­tions lui reprochent sa posi­tion ambiguë, en tant que mem­bre du con­seil d’administration de Poly­tech­nique, qui aurait pu lui servir à influ­encer le choix du lieu d’implantation et la val­i­da­tion du pro­jet en juin 2020. Cette plainte a d’ailleurs mené à l’ouverture d’une enquête prélim­i­naire par le Par­quet nation­al financier (PNF). 

Dans un com­mu­niqué con­joint, la Sphinx, Green­peace et Anti­cor se réjouis­sent d’une « immense vic­toire » et applaud­is­sent « la mobil­i­sa­tion inédite des étu­di­antes et étu­di­ants, démon­trant que les attentes des élèves et de la société ont évolué ». 

La major pétrolière s’installera tout de même à prox­im­ité de Poly­tech­nique sur le plateau de Saclay, mais le nou­v­el emplace­ment se situe à l’extérieur de l’enceinte du cam­pus. Une sit­u­a­tion qui per­met d’éviter à Total d’avoir une posi­tion priv­ilégiée par rap­port à d’autres parte­naires de l’école. Si Poly­tech­nique déclare « regrette[r] la déci­sion prise par Total­En­er­gies », la direc­tion de l’école pré­cise que l’ensemble des parte­nar­i­ats avec l’entreprise sont main­tenus. 

Mal­gré leur vic­toire, les organ­i­sa­tions opposées au pro­jet res­teront vig­i­lantes quant à la posi­tion de Total à Saclay, afin que « les rela­tions entre l’École poly­tech­nique et les entre­pris­es parte­naires s’inscrivent dans un cadre trans­par­ent et soient accom­pa­g­nées de garanties con­cer­nant l’indépendance de la recherche et de l’enseignement », pré­cise Thomas Vezin, secré­taire général de la Sphinx.