L’association France nature environnement alertait déjà en 2018 sur des «manquements graves» et sur une «pollution de l’air» générée par l’usine de médicaments de Sanofi à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques).
Aujourd’hui, c’est une victoire d’étape en demi-teinte pour les plaignant·es : l’AFP a appris mardi que Sanofi avait été mis en examen fin 2024 pour plusieurs infractions dans l’enquête sur les rejets toxiques de son site béarnais. Le parquet de Paris a confirmé l’information obtenue par l’AFP selon laquelle Sanofi est mis en examen pour délit d’obstacle à un contrôle administratif environnemental, et pour deux infractions contraventionnelles : exploitation irrégulière d’une installation et non-déclaration d’accident ou d’incident industriel.

Le groupe se voit reprocher de ne pas avoir respecté – entre 2012 et 2018 – les limites d’émission du bromopropane, un composé organique volatil (COV), ou encore d’avoir tardé à informer les inspecteur·ices de l’environnement de ces rejets.
L’entreprise a indiqué «contester» les infractions qui lui valent sa mise en examen et «mis en avant toute une série d’éléments démontrant qu’il n’y a pas eu de dépassement des seuils réglementaires».
Sanofi échappe à ce stade au principal grief : la mise en danger d’autrui. Le groupe a été placé sous le statut de témoin assisté (statut juridique intermédiaire entre témoin et mis en examen) pour ce grief-là. Sanofi a avancé mardi «plusieurs études indépendantes [qui] ont conclu à une absence d’impact sanitaire lié à de possibles émissions pour les salariés et les riverains.»
Une plainte des syndicats
Selon l’association France nature environnement (FNE), ces rejets toxiques ont été déversés dans des quantités hors-norme en 2018. Ces substances, le bromopropane et le valproate de sodium, sont des composés de la Dépakine, un médicament antiépileptique accusé d’être à l’origine de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants.
«Sanofi ne contrôlait pas ses trois colonnes [de l’usine], mais une seule […]. Les deux autres ont envoyé ces quantités astronomiques de polluants dans l’air», accusait l’association en 2018.
L’usine avait été mise à l’arrêt immédiatement après les révélations de FNE, avant de reprendre sa production par étapes, avec des contrôles environnementaux accrus.
En juin 2020, la Fédération nationale des industries chimiques CGT, le Syndicat CGT des industries chimiques Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence) et Mourenx et l’Union locale CGT de Mourenx-bassin de Lacq-Orthez et environs avaient déposé une plainte avec constitution de partie civile. L’information judiciaire au pôle santé publique de Paris avait été ouverte en août 2022.
Des riverains contaminés par la Dépakine
«Nous pouvons démontrer que certains des riverains ont été contaminés par la Dépakine», a soutenu mardi Charles Joseph-Oudin, avocat d’une riveraine partie civile et de l’Association des victimes de la Dépakine (Apesac). Une quinzaine de riverain·es sont en train de se constituer partie civile dans ce dossier, selon le conseil.
Charles Joseph-Oudin a déjà déposé plainte en novembre 2023 pour une mère de deux enfants «atteints de troubles neurocomportementaux» qui travaillait, lors de ses grossesses, «en face» de l’usine.
«Je regrette que la mise en danger de la vie d’autrui n’ait pas été retenue, car cela a engendré de graves dommages sur les personnes directement exposées ou leur descendance», a réagi Marine Martin, présidente de l’Apesac et figure emblématique des victimes de la Dépakine.
En avril 2024, la justice administrative a contraint Sanofi à réaliser une étude des risques sanitaires autour de Mourenx.
De multiples informations judiciaires contre Sanofi
Dans une autre information judiciaire, ouverte en 2016 et portant sur le cœur du scandale de la Dépakine et de ses impacts éventuels sur la santé, le groupe avait été mis en examen pour tromperie aggravée et blessures involontaires, dès 2020.
En juin 2023, la Cour de cassation a validé la prescription d’un certain nombre de plaintes, un «fort affaiblissement» du dossier selon une source proche de celui-ci.
Dans les procédures ouvertes à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), «120 millions d’euros d’argent public ont déjà été engagés en lieu et place de Sanofi» pour près de 2 000 victimes, selon Charles-Joseph Oudin.
«Il n’y a pas de lien entre la procédure judiciaire sur les émissions de bromopropane du site de Mourenx et les autres procédures judiciaires liées à la prescription de valproate de sodium», a souligné Sanofi dans sa réaction.
Selon des estimations des autorités sanitaires françaises, la molécule serait responsable de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16 600 à 30 400 d’entre eux.
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