Il y a là où il est connu (CNews, Europe 1, JDD…), là où il gagne du terrain (dans l’édition), et là où on ne l’attend pas du tout (les magasins Relay dans les gares). Lorsque Vincent Bolloré hérite de la papeterie familiale avec son frère, en 1981, son nom est déjà sur toutes les lèvres : Bolloré, c’est le «B» des feuilles de cigarettes françaises «OCB», utilisées à travers le monde.
40 ans plus tard, l’entreprise Bolloré a fêté ses 200 ans, et Vincent, désormais onzième fortune française, a délaissé la papeterie pour bâtir un empire tentaculaire dans les médias, la communication et la culture (à ce jour, plus de 90% des activités de Bolloré SE). Une force de frappe immense qu’il met au service de l’extrême droite. Dans un rapport publié ce jeudi 24 avril, intitulé «Le Système Bolloré, de la prédation financière à la croisade politique», Attac et l’Observatoire des multinationales (ODM) documentent la machine Bolloré.

1. Les médias de l’extrême droite
Bolloré, c’est d’abord des médias au service de l’extrême droite : CNews, Europe 1, le Journal du Dimanche (JDD), le JDNews et, le dernier-né, le JDMag. CNews, première chaîne d’information en continu en France est régulièrement rappelée à l’ordre par l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, pour ses outrances (tout comme C8 avant que sa fréquence ne soit retirée).
Exemple : la chaîne a été condamnée à 150 000 euros d’amende en novembre dernier pour avoir notamment qualifié l’avortement de «première cause de mortalité au monde», rappelle Ouest-France.
Un article du Monde avait même montré que, pendant les élections législatives de l’été 2024, «les médias Bolloré avaient fait campagne jusqu’au bout» pour le Rassemblement national (RN). Vincent Bolloré lui-même avait orchestré avec Éric Ciotti l’annonce du ralliement de ce dernier au parti de Marine Le Pen.
2. Les médias servant «d’alibi et de sources de financement»
«Une partie de ces actifs est mise directement au service des idées et parfois des partis politiques d’extrême droite, notent les auteur·ices du rapport. Le reste de cet empire médiatique et culturel – pour l’instant du moins – continue à se présenter comme une entreprise “normale”, tout en servant d’alibi et de source de financement aux premiers.» C’est le cas des autres organismes détenus par Vincent Bolloré.

Dès 2005, il récupère Havas, la plus grande agence de publicité française. Cette filiale de Bolloré gère notamment la communication de l’Agence de la transition écologique (Ademe) depuis 10 ans, comme l’a révélé StreetPress.
En 2014, il prend le contrôle du groupe Canal+, puis de Prisma Media en 2021, le leader de la presse magazine (Femme actuelle, Voici, GEO, Gala, Capital…).
3. La «machine de guerre» culturelle
En 2023, Bolloré achète le groupe Hachette (avec les éditions Fayard, Larousse, Grasset, Calmann-Lévy, Le Livre de poche, Armand Colin…). Depuis, les éditions Fayard ont publié les livres de Jordan Bardella, Éric Ciotti ou Philippe de Villiers. Il récupère aussi les boutiques Relay, présentes dans les gares.
Le milliardaire breton contrôle également «de manière plus ou moins étroite» des studios, des salles de spectacle, des boîtes de production, des enseignes commerciales… Dans cette liste non exhaustive, on trouve : L’Olympia, la plateforme Dailymotion, Universal Music, l’éditeur de jeux vidéos Gameloft ou encore les boutiques officielles de la tour Eiffel.
Et certains de ces acteurs collaborent entre eux : «Les boutiques Relay ont mis en avant le livre de Jordan Bardella, publié chez Fayard, abondamment relayé par les médias comme CNews ou le JDD», montrent les auteur·ices. Une immense machine culturelle.
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