Non mais à l’eau ? Près de 80% des Français·es disent faire confiance à l’eau du robinet. Mais de récentes révélations sur l’omniprésence de traces de pesticides et autres micropolluants interrogent sur les manières de garantir une eau de qualité à domicile.
Adoucisseur, cartouches filtrantes, osmoseur… On trouve sur le marché un grand nombre de «solutions» pour filtrer l’eau du robinet. Elles répondent à des objectifs différents : réduire l’apport de calcaire, se débarrasser du goût du chlore, chasser les restes de pesticides, de plastiques ou de bactéries, éliminer le plomb présent dans certaines canalisations.
«Il faut rappeler avant toute chose que l’eau du robinet est l’aliment le plus contrôlé en France, insiste, auprès de Vert, Nathalie Karpel, chercheuse au CNRS, spécialiste du traitement de l’eau et des micropolluants. Les premiers traitements de l’eau du robinet ont porté sur le calcaire, pour éviter ses effets sur les canalisations et les appareils ménagers. Désormais, on peut être démarché pour toutes sortes de systèmes de filtration. Attention aux arnaques !».
Avant d’arriver chez nous, l’eau subit une batterie de traitements et des contrôles destinés à évaluer sa qualité. Si ces informations sont accessibles à tou·tes (notre article), certains polluants ne sont pas recherchés. C’est le cas pour certains résidus de pesticides (on parle de métabolites), de même que les plastiques. Et pour les pesticides suivis lors des contrôles, de récentes enquêtes ont souligné leur omniprésence dans l’eau potable.
Que peuvent les systèmes de filtration domestiques contre tout cela ? Passage en revue des dispositifs les plus couramment proposés.
→ L’adoucisseur
À quoi ça sert ? À rendre l’eau «douce», c’est-à-dire moins calcaire pour préserver les canalisations et les appareils ménagers de l’entartrage.
Comment ça marche ? L’adoucisseur d’eau se compose en général de deux réservoirs, à placer près de l’arrivée d’eau. L’un contient des résines ; l’autre des sels. L’eau passe par les résines, qui capturent les ions de calcium et de magnésium à l’origine de la formation du calcaire, pour arriver adoucie au robinet. Le bac à sel sert à régénérer les résines saturées en calcium et magnésium, puis «rincées» par une eau évacuée vers les égouts.
Combien ça coûte ? Les prix varient – de quelques centaines à plus d’un millier euros – en fonction du type d’adoucisseur choisi et de l’installation ou non par un·e professionnel·le.
Est-ce efficace ? Cette installation n’a pas de vertu pour notre santé autre qu’éviter le dessèchement de la peau et des cheveux, ce qui peut se révéler précieux en cas de problèmes cutanés, comme l’eczéma. Si elle permet de prolonger la vie des appareils ménagers en évitant l’entartrage, elle n’est pas pertinente partout : certaines zones géographiques ne sont tout simplement pas touchées par la dureté de l’eau.
Quel impact sur l’environnement ? La régénération des résines consomme de l’eau, de l’énergie et occasionne des rejets de saumure dans le circuit des eaux usées.
→ La carafe filtrante
À quoi ça sert ? C’est l’appareil de traitement de l’eau le plus répandu dans l’Hexagone. Selon des données fournies par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2017, ces carafes seraient présentes dans 20% des foyers français. «Elles servent avant tout à améliorer le confort de l’utilisateur en éliminant le goût de chlore utilisé pendant le processus de potabilisation de l’eau», précise Nathalie Karpel. Les fabricants avancent que leurs carafes peuvent aussi réduire «les traces d’impuretés comme certains pesticides, herbicides et résidus médicamenteux».
Comment ça marche ? La carafe verseuse (en plastique) contient un filtre renfermant des particules de charbon actif qui capturent les polluants. Cette cartouche se change toutes les 4 à 6 semaines.
Combien ça coûte ? Il faut compter quelques dizaines d’euros au moment de l’achat puis régulièrement pour se fournir en cartouches neuves.
Est-ce efficace ? Si l’effet sur le goût chloré est réel, on peut aussi l’obtenir plus simplement en plaçant son eau «au frigo ou en la faisant bouillir», indique Nathalie Karpel. Dans son avis de 2017, l’Anses émettait des réserves sur l’efficacité de ces produits, indiquant que «la plupart des carafes filtrantes respectent les préconisations des normes», mais que les données «ne permettent pas d’évaluer l’efficacité réelle de toutes les carafes filtrantes commercialisées». L’Agence rappelait également les précautions d’usage : les cartouches doivent être changées régulièrement pour éviter qu’elles ne deviennent des nids à bactéries. Cette eau filtrée doit être consommée dans les 24 heures.
Quel impact sur l’environnement ? Sur le site de Brita, le leader du marché, on peut lire sur la page consacrée au recyclage des cartouches : «Notre objectif est de lutter contre le plastique à usage unique des bouteilles d’eau». Une intention louable si l’on considère le problème massif de la pollution des écosystèmes par le plastique, mais qui ne parvient pas à faire oublier que les carafes et leurs cartouches, c’est aussi beaucoup de matière plastique ! Sachez que d’autres méthodes proposent d’utiliser des morceaux de charbon actif à plonger directement dans l’eau.
→ L’osmoseur
À quoi ça sert ? Utilisé dans certaines usines de potabilisation et de dessalement, ce dispositif connaît une déclinaison pour des usages domestiques. Avec l’osmoseur, tout y passe ! Le résultat ? Une eau souvent qualifiée de «pure» par les fabricants, débarrassée de tous les polluants et impuretés possibles.
Comment ça marche ? «L’osmoseur contient une série de filtres et une membrane extrêmement fine, dotée de porosités très faibles, sur laquelle on vient appliquer une forte pression pour que seule l’eau passe», explique Nathalie Karpel. Le dispositif se présente généralement en un ensemble de tubes-cartouches (pour les filtres et la membrane) et une pompe pour garantir une pression constante.
Combien ça coûte ? De plusieurs centaines à plus d’un millier d’euros en fonction du modèle et de son installation. S’y ajoute l’entretien, sur une base annuelle pour les filtres, et bisannuelle pour la membrane.
Est-ce efficace ? «Dans l’eau osmosée, il n’y a plus rien. Ni minéraux, ni bactéries… On y a recours pour certains traitements dans les hôpitaux ou pour des usages technologiques dans l’industrie pour rincer des circuits imprimés, par exemple. Mais chez les particuliers, difficile de voir l’intérêt… C’est une eau morte en quelque sorte», observe avec un peu d’inquiétude Nathalie Karpel.
Quel impact sur l’environnement ? La pression nécessaire au dispositif entraîne une consommation énergétique accrue.
→ Et aussi… filtres sur évier, traitement par ultra-violets
D’autres options sont disponibles dans le commerce, comme celles qui s’installent directement sur les robinets. Elles reprennent les principes de la filtration via des cartouches au charbon actif. Vous avez également sans doute entendu parler du traitement par UV, efficace pour détruire virus et microbes. Une solution employée pour traiter l’eau dite «brute», prélevée dans l’environnement.
Avant de vous précipiter sur l’une de ces «solutions» ou de vous laisser convaincre par un vendeur, faites d’abord le point sur la qualité de l’eau du robinet qui arrive chez vous.
Ces données sont consultables via un outil de recherche en ligne qui s’appuie sur les données des Agences régionales de santé, responsables de ce suivi en France. Il vous suffira de renseigner votre position géographique pour accéder aux derniers bulletins de contrôle et aux archives.
En fonction des résultats, vous pourrez évaluer la nécessité de faire entrer un adoucisseur ou des cartouches au charbon actif dans votre foyer. «Des réunions publiques sont aussi régulièrement organisées dans les départements. On peut y rencontrer des scientifiques qui travaillent sur ces questions, conclut Nathalie Karpel. C’est une bonne manière d’aller chercher de l’information fiable».
Et pour ceux et celles qui, au-delà de la question du robinet, souhaiteraient mieux comprendre le cycle de l’eau et son traitement pour la rendre potable, la scientifique a travaillé avec ses collègues de l’Université de Poitiers à un webdocumentaire complet et didactique, «Le sens de l’eau», accessible ici.
Cet article est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, questions d’actualité, ordres de grandeur, vérification de chiffres : chaque jeudi, nous répondrons à une question choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez voter pour la question de la semaine ou suggérer vos propres idées, vous pouvez vous abonner à la newsletter juste ici.