Le vert du faux

Quel système de filtration d’eau du robinet utiliser chez soi ?

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Non mais à l’eau ? Près de 80% des Français·es dis­ent faire con­fi­ance à l’eau du robi­net. Mais de récentes révéla­tions sur l’omniprésence de traces de pes­ti­cides et autres microp­ol­lu­ants inter­ro­gent sur les manières de garan­tir une eau de qual­ité à domi­cile.

Adoucis­seur, car­touch­es fil­trantes, osmoseur… On trou­ve sur le marché un grand nom­bre de «solu­tions» pour fil­tr­er l’eau du robi­net. Elles répon­dent à des objec­tifs dif­férents : réduire l’apport de cal­caire, se débar­rass­er du goût du chlore, chas­s­er les restes de pes­ti­cides, de plas­tiques ou de bac­téries, élim­in­er le plomb présent dans cer­taines canal­i­sa­tions.

«Il faut rap­pel­er avant toute chose que l’eau du robi­net est l’aliment le plus con­trôlé en France, insiste, auprès de Vert, Nathalie Karpel, chercheuse au CNRS, spé­cial­iste du traite­ment de l’eau et des microp­ol­lu­ants. Les pre­miers traite­ments de l’eau du robi­net ont porté sur le cal­caire, pour éviter ses effets sur les canal­i­sa­tions et les appareils ménagers. Désor­mais, on peut être démarché pour toutes sortes de sys­tèmes de fil­tra­tion. Atten­tion aux arnaques !».

Avant d’arriver chez nous, l’eau subit une bat­terie de traite­ments et des con­trôles des­tinés à éval­uer sa qual­ité. Si ces infor­ma­tions sont acces­si­bles à tou·tes (notre arti­cle), cer­tains pol­lu­ants ne sont pas recher­chés. C’est le cas pour cer­tains résidus de pes­ti­cides (on par­le de métabo­lites), de même que les plas­tiques. Et pour les pes­ti­cides suiv­is lors des con­trôles, de récentes enquêtes ont souligné leur omniprésence dans l’eau potable.

Que peu­vent les sys­tèmes de fil­tra­tion domes­tiques con­tre tout cela ? Pas­sage en revue des dis­posi­tifs les plus couram­ment pro­posés.

Selon le baromètre 2023 du Cen­tre d’information sur l’eau, près de 80% des Français·es font con­fi­ance à l’eau du robi­net. © Unsplash

→ L’adoucisseur

À quoi ça sert ? À ren­dre l’eau «douce», c’est-à-dire moins cal­caire pour préserv­er les canal­i­sa­tions et les appareils ménagers de l’entartrage.

Com­ment ça marche ? L’adoucisseur d’eau se com­pose en général de deux réser­voirs, à plac­er près de l’arrivée d’eau. L’un con­tient des résines ; l’autre des sels. L’eau passe par les résines, qui cap­turent les ions de cal­ci­um et de mag­né­si­um à l’origine de la for­ma­tion du cal­caire, pour arriv­er adoucie au robi­net. Le bac à sel sert à régénér­er les résines sat­urées en cal­ci­um et mag­né­si­um, puis «rincées» par une eau évac­uée vers les égouts.

Com­bi­en ça coûte ? Les prix vari­ent – de quelques cen­taines à plus d’un mil­li­er euros – en fonc­tion du type d’adoucisseur choisi et de l’installation ou non par un·e professionnel·le.

Est-ce effi­cace ? Cette instal­la­tion n’a pas de ver­tu pour notre san­té autre qu’éviter le dessèche­ment de la peau et des cheveux, ce qui peut se révéler pré­cieux en cas de prob­lèmes cutanés, comme l’eczéma. Si elle per­met de pro­longer la vie des appareils ménagers en évi­tant l’entartrage, elle n’est pas per­ti­nente partout : cer­taines zones géo­graphiques ne sont tout sim­ple­ment pas touchées par la dureté de l’eau.

Quel impact sur l’environnement ? La régénéra­tion des résines con­somme de l’eau, de l’énergie et occa­sionne des rejets de saumure dans le cir­cuit des eaux usées.

→ La carafe filtrante

À quoi ça sert ? C’est l’appareil de traite­ment de l’eau le plus répan­du dans l’Hexagone. Selon des don­nées fournies par l’Agence nationale de sécu­rité san­i­taire de l’al­i­men­ta­tion, de l’en­vi­ron­nement et du tra­vail (Ans­es) en 2017, ces carafes seraient présentes dans 20% des foy­ers français. «Elles ser­vent avant tout à amélior­er le con­fort de l’utilisateur en élim­i­nant le goût de chlore util­isé pen­dant le proces­sus de pota­bil­i­sa­tion de l’eau», pré­cise Nathalie Karpel. Les fab­ri­cants avan­cent que leurs carafes peu­vent aus­si réduire «les traces d’impuretés comme cer­tains pes­ti­cides, her­bi­cides et résidus médica­menteux».

Com­ment ça marche ? La carafe verseuse (en plas­tique) con­tient un fil­tre ren­fer­mant des par­tic­ules de char­bon act­if qui cap­turent les pol­lu­ants. Cette car­touche se change toutes les 4 à 6 semaines.

Com­bi­en ça coûte ? Il faut compter quelques dizaines d’euros au moment de l’achat puis régulière­ment pour se fournir en car­touch­es neuves.

Est-ce effi­cace ? Si l’effet sur le goût chloré est réel, on peut aus­si l’obtenir plus sim­ple­ment en plaçant son eau «au fri­go ou en la faisant bouil­lir», indique Nathalie Karpel. Dans son avis de 2017, l’Anses émet­tait des réserves sur l’efficacité de ces pro­duits, indi­quant que «la plu­part des carafes fil­trantes respectent les pré­con­i­sa­tions des normes», mais que les don­nées «ne per­me­t­tent pas d’évaluer l’efficacité réelle de toutes les carafes fil­trantes com­mer­cial­isées». L’Agence rap­pelait égale­ment les pré­cau­tions d’usage : les car­touch­es doivent être changées régulière­ment pour éviter qu’elles ne devi­en­nent des nids à bac­téries. Cette eau fil­trée doit être con­som­mée dans les 24 heures.

Quel impact sur l’environnement ? Sur le site de Bri­ta, le leader du marché, on peut lire sur la page con­sacrée au recy­clage des car­touch­es : «Notre objec­tif est de lut­ter con­tre le plas­tique à usage unique des bouteilles d’eau». Une inten­tion louable si l’on con­sid­ère le prob­lème mas­sif de la pol­lu­tion des écosys­tèmes par le plas­tique, mais qui ne parvient pas à faire oubli­er que les carafes et leurs car­touch­es, c’est aus­si beau­coup de matière plas­tique ! Sachez que d’autres méth­odes pro­posent d’utiliser des morceaux de char­bon act­if à plonger directe­ment dans l’eau.

→ L’osmoseur

À quoi ça sert ? Util­isé dans cer­taines usines de pota­bil­i­sa­tion et de dessale­ment, ce dis­posi­tif con­naît une décli­nai­son pour des usages domes­tiques. Avec l’osmoseur, tout y passe ! Le résul­tat ? Une eau sou­vent qual­i­fiée de «pure» par les fab­ri­cants, débar­rassée de tous les pol­lu­ants et impuretés pos­si­bles.

Com­ment ça marche ? «L’osmoseur con­tient une série de fil­tres et une mem­brane extrême­ment fine, dotée de porosités très faibles, sur laque­lle on vient appli­quer une forte pres­sion pour que seule l’eau passe», explique Nathalie Karpel. Le dis­posi­tif se présente générale­ment en un ensem­ble de tubes-car­touch­es (pour les fil­tres et la mem­brane) et une pompe pour garan­tir une pres­sion con­stante.

Com­bi­en ça coûte ? De plusieurs cen­taines à plus d’un mil­li­er d’euros en fonc­tion du mod­èle et de son instal­la­tion. S’y ajoute l’entretien, sur une base annuelle pour les fil­tres, et bisan­nuelle pour la mem­brane.

Est-ce effi­cace ? «Dans l’eau osmosée, il n’y a plus rien. Ni minéraux, ni bac­téries… On y a recours pour cer­tains traite­ments dans les hôpi­taux ou pour des usages tech­nologiques dans l’industrie pour rin­cer des cir­cuits imprimés, par exem­ple. Mais chez les par­ti­c­uliers, dif­fi­cile de voir l’intérêt… C’est une eau morte en quelque sorte», observe avec un peu d’inquiétude Nathalie Karpel.

Quel impact sur l’environnement ? La pres­sion néces­saire au dis­posi­tif entraîne une con­som­ma­tion énergé­tique accrue.

→ Et aussi… filtres sur évier, traitement par ultra-violets

D’autres options sont disponibles dans le com­merce, comme celles qui s’installent directe­ment sur les robi­nets. Elles repren­nent les principes de la fil­tra­tion via des car­touch­es au char­bon act­if. Vous avez égale­ment sans doute enten­du par­ler du traite­ment par UV, effi­cace pour détru­ire virus et microbes. Une solu­tion employée pour traiter l’eau dite «brute», prélevée dans l’environnement.

Avant de vous pré­cip­iter sur l’une de ces «solu­tions» ou de vous laiss­er con­va­in­cre par un vendeur, faites d’abord le point sur la qual­ité de l’eau du robi­net qui arrive chez vous.

Ces don­nées sont con­sulta­bles via un out­il de recherche en ligne qui s’appuie sur les don­nées des Agences régionales de san­té, respon­s­ables de ce suivi en France. Il vous suf­fi­ra de ren­seign­er votre posi­tion géo­graphique pour accéder aux derniers bul­letins de con­trôle et aux archives.

En fonc­tion des résul­tats, vous pour­rez éval­uer la néces­sité de faire entr­er un adoucis­seur ou des car­touch­es au char­bon act­if dans votre foy­er. «Des réu­nions publiques sont aus­si régulière­ment organ­isées dans les départe­ments. On peut y ren­con­tr­er des sci­en­tifiques qui tra­vail­lent sur ces ques­tions, con­clut Nathalie Karpel. C’est une bonne manière d’aller chercher de l’information fiable».

Et pour ceux et celles qui, au-delà de la ques­tion du robi­net, souhait­eraient mieux com­pren­dre le cycle de l’eau et son traite­ment pour la ren­dre potable, la sci­en­tifique a tra­vail­lé avec ses col­lègues de l’Université de Poitiers à un web­doc­u­men­taire com­plet et didac­tique, «Le sens de l’eau», acces­si­ble ici.

Cet arti­cle est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, ques­tions d’actualité, ordres de grandeur, véri­fi­ca­tion de chiffres : chaque jeu­di, nous répon­drons à une ques­tion choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez vot­er pour la ques­tion de la semaine ou sug­gér­er vos pro­pres idées, vous pou­vez vous abon­ner à la newslet­ter juste ici.