Tout part à Bollo. Les fausses informations de Donald Trump traversent les frontières pour s’ancrer dans le débat public français, avec l’aide de médias permissifs. Emmanuelle Ducros, journaliste à Europe 1, en a fait une impressionnante démonstration.
Des responsables politiques instrumentalisent les fake news de longue date, tous sujets confondus. Ce qui est nouveau, c’est la manière dont certain·es représentant·es du quatrième pouvoir (les journalistes) les relaient. La semaine dernière, la chronique d’Emmanuelle Ducros sur Europe 1 (propriété du groupe de Vincent Bolloré) était consacrée aux mégafeux de Los Angeles. Contre toute évidence, cette journaliste attribue la responsabilité des incendies à… la politique de diversité chez les pompiers de la ville.
Trop «occupés à courir d’autres lièvres» (c’est-à-dire le droit des femmes et des communautés LGBTQIA+), ils auraient négligé les risques. Au sujet de la cheffe des pompiers, Kristin Crowley, Emmanuelle Ducros dit : «Lesbienne revendiquée, militante, sa priorité selon ses propres mots, c’est la promotion d’une culture qui valorise la diversité, l’inclusion et l’équité. Pas de préparer la ville aux mégafeux. Pas de former les équipes.»
Exploiter les peurs
Cette explication est fausse, insensée. Elle nous provient des États-Unis, où elle a été relayée par Donald Trump et Elon Musk. Démentie, cette théorie a pourtant atteint notre espace médiatique, censé protéger la qualité de l’information. Pire : suite au tollé, la journaliste a nié avoir tenu ces propos – désinformant ainsi à nouveau.
Cet exemple révèle une forte porosité entre les débats publics américain et français, à la faveur d’espaces informationnels partagés (les réseaux sociaux) et de médias permissifs. Il démontre aussi que les événements météorologiques extrêmes, à mesure qu’ils s’amplifient et se multiplient, offrent un large terrain de jeu à la désinformation et aux profiteurs de crise.
La désinformation exploite les peurs (de la perte de libertés individuelles ou de souveraineté, du déclin économique…) et les valeurs personnelles (identité, communauté, attachements, centres d’intérêt) pour se diffuser. Nous avons plus tendance consommer une information sur un sujet qui nous intrigue, et à adhérer à ce qui confirme nos biais. Ainsi, attribuer un désastre à une communauté qui nous fait peur est un puissant outil pour accroître cette peur, et inciter les indécis à se positionner. Il s’agit ici de polarisation, et elle profite au plus vocal.
Le climat est devenu le cheval de Troie de l’américanisation du débat public français.
Ce décryptage a été réalisé par nos ami·es de Quota Climat, une association qui veut mettre l’écologie à la Une des médias, pour Chaleurs actuelles : la rubrique de Vert consacrée à la désinformation climatique et à l’extrême droite. Abonnez-vous gratuitement à la newsletter Chaleurs actuelles pour tout savoir de ces sujets majeurs.
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Photo de couverture : © Europe 1