Chronique

Pour une « écologie pirate » dans les quartiers populaires

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La pirate rit. Dans son essai Pour une écolo­gie pirate, la poli­to­logue et activiste Fati­ma Ouas­sak part à l’assaut de l’«écologie blanche» et déploie les con­di­tions d’existence d’un pro­jet poli­tique antiraciste et joyeux qui libère, y com­pris les sans-terre.

Les quartiers les moins favorisés subis­sent, en vrac, pol­lu­tion de l’air, mal­bouffe, pas­soires ther­miques et «sup­plé­ment de haine». Si les com­bats envi­ron­nemen­taux y sont mar­gin­aux, c’est que le dis­cours écologique des class­es moyennes et aisées y tombe à l’eau. «On ne peut pas deman­der aux habi­tants des quartiers pop­u­laires de s’impliquer con­tre ce qui détru­it la terre ici et, en même temps, leur rap­pel­er sans cesse qu’ils n’y sont pas chez eux» : pour la cofon­da­trice du syn­di­cat Front de mères, Fati­ma Ouas­sak, en dépos­sé­dant les immigré·es de leur ancrage, le sys­tème «raciste» et «colo­nial­iste» de l’État français les a privé·es de tout pou­voir poli­tique.

Pour con­cevoir son pro­jet d’une «écolo­gie pirate», l’autrice s’appuie sur l’élan de libéra­tion qui cou­ve dans la jeunesse des quartiers pop­u­laires et utilise les codes de la pop cul­ture, dont ceux du célèbre man­ga One piece. La «libéra­tion [de la terre] passe par notre libéra­tion, notre libéra­tion par la sienne».

Loin d’un dis­cours écol­o­giste morne et ennuyeux, la poli­to­logue ravive la force et l’excitation d’une aven­ture entraî­nante «avec des drag­ons et des pirates». Elle pro­pose aus­si de faire de la Méditer­ranée une fig­ure de résis­tance dans le mou­ve­ment pour le cli­mat.

Un essai qui égra­tine les con­vic­tions de l’écologie dom­i­nante et livre une riche carte aux tré­sors pour penser les luttes depuis des ter­ri­toires pop­u­laires. Avec un déli­cieux con­te pour enfants en sup­plé­ment.

Pour une écolo­gie pirate, Fati­ma Ouas­sak, Edi­tions La décou­verte, févri­er 2023, 198p, 17€