Casser la graine. Notre environnement regorge d’espèces comestibles plus ou moins connues. À Songeons (Oise), Vert a suivi une balade botanique pour apprendre à les connaître et les déguster en toute sécurité.
«Qui a déjà préparé des plantes sauvages ?» En ce mercredi de juin, Eliane Florent-Giard, éducatrice à l’environnement, scrute les douze personnes réunies pour la balade botanique qu’elle organise au départ de Songeons, un village de 1000 habitant⸱es situé en Picardie. Les réponses sont timides : «Juste de l’ail de l’ours en pesto» ; «je ne suis pas sûre de moi, je n’ose pas». «Si on n’est pas sûr, on ne cueille pas !», avertit d’entrée de jeu la guide du Conservatoire botanique national de Bailleul qui propose ces visites gratuites au public.
Et pour cause, nombre de plantes qu’on trouve sur les bas-côtés peuvent s’avérer toxiques. «Prenez la famille des carottes sauvages, par exemple. Il y a des comestibles et il y a aussi la ciguë, qui est mortelle. Certains cerfeuils sont bons, d’autres non», détaille Eliane Florent-Giard.
Pour cette balade, Eliane Florent-Giard se concentrera sur des espèces présentes le long du Thérain, le cours d’eau qui traverse sa zone d’exploration, plus faciles à reconnaître. «1500 espèces de plantes sauvages sont présentes dans les Hauts-de-France, 130 ont disparu et 230 sont menacées à cause du réchauffement climatique, de l’artificialisation des sols ou encore la pollution, détaille la guide. Pour la cueillette, on se renseigne si l’espèce est protégée et on ne cueille jamais toute la population à un seul endroit.»
À hauteur de bras
Eliane Florent-Giard emmène le groupe à proximité d’une aubépine sauvage, arbuste de la même famille que le rosier et le fraisier. En été, l’aubépine présente de petites fleurs blanches et à l’automne, des fruits. «Ils ressemblent à des petites pommes rouges, décrit l’éducatrice, et peuvent être farineux. Si vous en faites de la confiture, je vous conseille de les mélanger à un autre fruit». Les fleurs blanches, ouvertes entre avril et juin, peuvent être consommées en sirop.
Si on s’amuse souvent à se les coller dans le dos, les grandes lianes du gaillet gratteron présentent aussi d’indéniables atouts culinaires ! Les jeunes têtes, au «goût de petits pois» peuvent par exemple se déguster en salade. «Certains vont jusqu’à torréfier les fruits de cette plante, comme pour le café. Mais c’est très long, car les fruits sont tout petits, s’amuse Eliane Florent-Giard. Vous pouvez aussi prendre une bonne quantité de lianes, en faire une couronne et la placer autour de vos plants de salade pour une bonne protection contre les limaces.» Une astuce qui éveille la curiosité des participant·es propriétaires de potagers.
Après l’aubépine et le gaillet, Eliane Florent Giard conduit le groupe à proximité du sureau. «Il y a le sureau noir, qui produit des fruits noirs. Il y a le sureau rouge, qui fait des fruits rouges. Mais il y a aussi le sureau yèble, qui est toxique, et dont les fruits sont… noirs», énumère la guide. «Comment faire pour reconnaître le bon sureau ?», questionnent plusieurs participantes. «Le rouge et le noir sont des arbustes, alors que le yèble est une herbacée, il n’a pas de branches et ses fruits se présentent toujours vers le haut».
En beignet, en limonade ou encore en sirop, les fleurs de sureau peuvent être cuisinées de mille et une manières. Les fruits peuvent être mangés cuits, en crumble par exemple. Attention, crus, ils possèdent des propriétés laxatives.
Autre découverte de la balade botanique : la grande consoude, reconnaissable à ses longues feuilles, sa tige épaisse et à «ses cimes de fleurs en formes de queue de scorpion». Les jeunes pousses ont «un petit goût de poisson… vous pourrez par exemple parfumer une pâte à beignets en y mettant juste deux feuilles», recommande Eliane Florent-Giard. Avant de mettre en garde : «cette plante est à déguster avec modération, car elle contient certaines molécules qui, consommées en grande quantité, peuvent être cancérigènes».
Sous nos pieds
Dans l’herbe de nos jardins ou dans les parcs, on retrouve de nombreuses fleurs, «favorisées par les tontes régulières». C’est le cas du plantin, qui possède un petit goût de champignon. «Il faut éviter de le cueillir en bordure de chemin, où des chiens peuvent être passés faire leurs besoins, ainsi que des chats et des renards, précise l’éducatrice. Si on a un doute, on cuit la plante avant de la manger». Pour la consommation, mieux vaut choisir les jeunes feuilles du plantin lancéolée au grand plantin. «Les feuilles restent un peu coriaces, je recommande de les consommer broyées, dans un pesto par exemple», suggère la guide.
Son odeur ne fait pas l’unanimité, mais il possède d’authentiques vertus gustatives : Eliane Florent-Giard entraîne le groupe vers un lierre terrestre. De la famille de la lavande, du romarin ou encore de la menthe, il peut être séché comme toutes les plantes aromatiques, reconnaissables à leurs tiges carrées. «C’est une plante que j’aime cuisiner, notamment en boisson car elle apporte un effet mentholé», recommande la guide.
Envie d’une infusion parfumée au retour de la balade ? Le groupe fait une pause devant l’achillée mille-feuilles, ses petites feuilles très segmentées – d’où son nom – et ses inflorescences blanches. Comme pour le pissenlit ou la pâquerette, ce qu’on prend pour des pétales et des étamines sont en réalité des fleurs individuelles. «Offrir un pissenlit, c’est offrir un bouquet de fleurs», ironise l’éducatrice. Les fleurs séchées de l’achillée se consomment en tisane. Les fleurs de pâquerettes ou les feuilles de pissenlit composent une bonne salade. Toutes ces petites fleurs de nos jardins ne sont pas comestibles. Qu’on aime ou non le beurre, « le bouton d’or est toxique !»
Une fois les bons réflexes de cueillette intégrés, les amateur·ices de cuisine végétale pourront aussi s’entraîner en cuisine avec des ateliers spécifiques organisés régulièrement par le Conservatoire botanique national de Bailleul.
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