Chronique

Permis de nuire : l’enquête qui fissure le règne des pollueurs-payeurs

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Pol­lueur d’e­spoir. Avec Per­mis de nuire, Flo­re Berlin­gen mène une enquête limpi­de et con­va­in­cante sur le principe hégé­monique de « pol­lueur-payeur », et plaide pour son aban­don.

Dans notre monde-équa­tion, tout se com­pense : les tonnes de dioxyde de car­bone (CO2), les déchets et le vivant — détru­it d’un côté, restau­ré de l’autre. Le con­cept de « pol­lueur-payeur » a certes de quoi séduire : il promet de faire pay­er aux respon­s­ables les désas­tres envi­ron­nemen­taux qu’ils provo­quent. Pour­tant, la mil­i­tante Flo­re Berlin­gen, qui fut à la tête de l’as­so­ci­a­tion Zero Waste France pen­dant sept ans, y voit nom­bre de lim­ites et de dan­gers qui fis­surent le sys­tème — qu’ils soient des impen­sés ou bien des men­songes éhon­tés.

Avec méth­ode, force preuves et une con­nais­sance intime des fil­ières « REP », — respon­s­abil­ité élargie du pro­duc­teur -, l’autrice décon­stru­it pas à pas ce mécan­isme de marchan­di­s­a­tion du monde qui sim­pli­fie, met un prix sur les « ser­vices écosys­témiques » et accorde un « per­mis de nuire » en échange de com­pen­sa­tions cen­sées être à la hau­teur du préju­dice subi. Elle met en cause ses deux piliers : « sur le plan économique, le pro­jet d’in­ter­nalis­er les exter­nal­ités, qui bute, entre autres, sur l’im­pos­si­bil­ité de met­tre en équa­tions le vivant ; sur le plan juridique, l’idée d’une respon­s­abil­ité envi­ron­nemen­tale accrue et élargie, qui pose le prob­lème de son corol­laire – un pou­voir de déci­sion indi­vidu­el plutôt que col­lec­tif ».

Une enquête frap­pante qui range défini­tive­ment le principe de pol­lueur-payeur du côté des fauss­es solu­tions envi­ron­nemen­tales parce qu’il « ralen­tit et affaib­lit notre capac­ité de réac­tion, alors même qu’un sur­saut de l’hu­man­ité, un change­ment de cap rad­i­cal, est désor­mais indis­pens­able », et qu’il faudrait d’abord com­mencer par ne pas nuire.

Per­mis de nuire, Flo­re Berlin­gen, Rue de l’échiquier, octo­bre 2022, 89p, 12€