En mode slow. Inauguré mardi soir, ce nouveau tiers-lieu du 13ème arrondissement de Paris se donne pour objectif d’aider la mode à faire sa transition écologique et sociale.
«La mode est en retard sur sa transition !» Entouré des nombreux convives réunis au second étage de l’Hôtel industriel Berlier, situé dans l’Est parisien au pied des monumentales Tours Duo, pour le lancement du Fashion green hub Paris, son président Thomas Ébélé détaille à Vert les objectifs de cette plateforme destinée aux professionnel·les du secteur de la mode.
«Aujourd’hui, seuls 5% du textile, du linge et des chaussures mis sur le marché en France sont fabriqués en France, explique celui qui est aussi co-fondateur du label SloWeAre et auteur de l’ouvrage La face cachée des étiquettes. Nous voulons aider à repenser l’usage du vêtement, de sa conception à son réemploi, et la manière dont la mode est produite.»
Faire évoluer la mode vers plus de durabilité et d’inclusivité ? La tâche semble immense tant ce secteur contribue au niveau mondial à accumuler les tonnes de déchets et à produire dans des conditions sociales souvent déplorables. «Pour répondre à une demande toujours croissante et alimentée par les géants de la fast fashion, ce sont quelque 140 milliards de vêtements qui sont produits chaque année dans le monde», rappelle la sociologue de l’environnement Majdouline Sbai, présidente du Fashion green hub des Hauts-de-France et autrice de Toujours moins cher mais à quel prix ? Pour en finir avec la mode jetable.
Parmi les premières actions de la nouvelle plateforme francilienne : des sessions de formation inclusives à destination de personnes éloignées de l’emploi ou en situation de handicap et une boutique éphémère qui va s’installer pour plusieurs mois au Printemps dans le 9ème arrondissement de Paris. On pourra y découvrir de premières créations qui valorisent une production locale ou européenne.
Avec ce lancement, c’est le réseau associatif des Fashion green hub qui s’étoffe. Propulsée en 2015 par Annick Jehanne et Jean-Michel Castaing, la première plateforme a vu le jour à Roubaix (Nord), centre historique du textile en France. Nantes et Lyon sont également actives dans le réseau – pour l’instant sans lieu dédié.
Pour accompagner les nécessaires transformations du secteur, le Fashion green hub Paris a investi un plateau de plus de 300 m2 au sein de l’Hôtel industriel Berlier, organisé en espaces de création et de coworking, de formation inclusive et de partage de connaissances. Les bureaux côtoient les machines à coudre, un atelier d’upcycling et une matériothèque. Vu l’ampleur des enjeux, Thomas Ébélé appelle d’abord à l’action au niveau local. «Je conçois la plateforme parisienne comme une zone de réflexion, d’initiative et de partage pour aider les professionnels».
Accompagné financièrement par des acteurs de l’économie circulaire, le Fashion green hub Paris, comme son cousin des Hauts-de-France, fait partie des 100 tiers-lieux a avoir reçu le label «manufacture de proximité», lui assurant le soutien de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
«Les régions sont un maillon essentiel et extrêmement dynamique pour le développement des tiers-lieux. L’État, un peu moins, c’est dommage», souligne Annick Jehanne, la présidente de l’association nationale Fashion green hub et vice-présidente de celle des tiers-lieux. Elle salue aussi de nombreuses initiatives au niveau européen pour repenser la mode à l’heure de l’urgence écologique et de la lutte contre les inégalités sociales : le Lottozero en Italie, le Textile Prototyping Lab en Allemagne ou encore le New Order of Fashion aux Pays-Bas.
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