Chronique

«Pain et liberté» : le pain, cet aliment politique

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À la baguette. Dans un ouvrage à l’iconographie remarquable, Coline Arnaud et Denis Saillard retracent l’histoire politique du pain, du Moyen Âge à nos jours.

Base de l’alimentation des communautés humaines depuis la fin du paléolithique, le pain est présent dans presque toutes les civilisations. D’abord sous forme de galettes, avant de se diversifier très largement. Il suffit de faire un tour dans une boulangerie pour trouver aujourd’hui toutes sortes de spécialités : du pain de campagne, aux graines, au levain, au petit épeautre, au maïs ou au quinoa…

Mais que le pain vienne à manquer et la révolte n’est jamais loin. Dans l’Europe médiévale, les épisodes de disette et de famine liés à des désastres climatiques, mais aussi aux spéculations financières, alimentent la «fureur» des «méchantes gens» décrite par les chroniqueurs de l’époque. C’est ce lien entre pain et politique qu’explore le récent ouvrage Pain et liberté.

«C’est surprenant de voir à quel point cet aliment est au cœur du contrat social entre les peuples et leurs dirigeants. Depuis le Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui, la question est toujours brûlante, explique à Vert Coline Arnaud, co-autrice du livre avec Denis Saillard. Rappelez-vous, ce fut le cas avec le déclenchement de la guerre en Ukraine qui a tendu l’approvisionnement en farines de blé sur le continent africain».

Que les personnes intolérantes au gluten ne s’inquiètent pas : si l’ouvrage plonge dans le temps long pour nous raconter l’histoire du pain comme levier de mobilisations et d’évolutions, il le fait de manière très digeste grâce à un découpage en une centaine de notices richement illustrées.

«Nous sommes parti·es des images pour raconter cette histoire politique du pain. Nous avons trouvé un grand nombre de documents à la bibliothèque nationale de France, mais aussi dans des collections privées, à l’étranger, comme ce fut le cas pour le texte à propos du monopole basque sur la boulangerie mexicaine au début du 20ème siècle», précise l’autrice.

Un découpage et une iconographie qui permettent de grignoter ce gros et beau livre tranquillement, en voyageant dans le temps et l’espace à découverte de la police du pain sous Charles V, du pain d’amertume au 18ème ou encore de Madeleine Deniau, la petite boulangère érigée en héroïne.

«Pain et liberté, une histoire politique du pain», de Coline Arnaud et Denis Saillard, éditions Textuel, 304 pages, 45 euros