Décryptage

Où trouve-t-on des moustiques-tigres en France et comment se protéger des maladies ?

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Pique et pique et col­era. La sai­son du mous­tique-tigre a bel et bien démar­ré. Recon­naiss­able à ses rayures noires et blanch­es, ce dip­tère est désor­mais présent sur les trois quarts de l’Hexagone. Il trans­met des mal­adies telles que la dengue, dont le nom­bre de cas importés atteint déjà des records. Quels sont les risques et com­ment s’en pro­téger ? On fait le point.

Quand et comment est-il arrivé dans l’Hexagone ?

Orig­i­naire d’Asie du Sud-Est, le mous­tique-tigre a fait son appari­tion en France mét­ro­pol­i­taine il y a 20 ans, dans le départe­ment des Alpes-Mar­itimes. Il doit sa large dif­fu­sion sur le globe aux échanges du com­merce inter­na­tion­al. Frédéric Simard, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développe­ment (IRD) à Mont­pel­li­er, racon­te auprès de Vert : «Les femelles pon­dent leurs œufs sur les marchan­dis­es entre­posées pour l’exportation. Arrivés à des­ti­na­tion, ils peu­vent éclore s’ils sont exposés à la pluie, et ini­ti­er une nou­velle inva­sion. C’est ain­si grâce au com­merce mon­di­al de pneus qu’il est passé de l’Asie aux États-Unis, d’où il a ensuite envahi le reste du monde.»

Où le trouve-t-on en France métropolitaine ?

Chaque année, le min­istère de la San­té pub­lie une carte de l’avancée et de la présence du mous­tique tigre sur le ter­ri­toire hexag­o­nal. Cet insecte s’implante pro­gres­sive­ment du sud vers le nord du pays.

En 2024, l’insecte a colonisé 78 départe­ments mét­ro­pol­i­tains (sur 96). «Les départe­ments sont con­sid­érés comme colonisés à par­tir du moment où au moins une com­mune du départe­ment l’est. Mais il existe une vraie hétérogénéité, fait remar­quer Frédéric Simard de l’IRD. En Occ­i­tanie et en PACA, la majorité des com­munes de ces départe­ments sont con­cernées alors que dans le nord du pays, une seule com­mune dans un départe­ment peut l’être.»

Selon le min­istère de la San­té, sept nou­veaux départe­ments sont touchés depuis début 2024 : le Mor­bi­han, la Moselle, l’Oise, la Sarthe, la Seine-Mar­itime, l’Yonne et le Ter­ri­toire de Belfort.

Comme pour le reste du monde, il se dif­fuse dans l’Hexagone au gré des flux com­mer­ci­aux. «En France, il se déplace grâce aux voies de com­merce, que ce soit en train, en bateau, en avion ou en camion. C’est pourquoi les pre­mières com­munes colonisées sont sou­vent proches d’axes d’échanges», selon Frédéric Simard. D’où son absence dans cer­tains départe­ments isolés, comme la Creuse.

Quelles maladies peut-il nous transmettre ?

Les mous­tiques sont des vecteurs de virus. «Le mous­tique tigre est capa­ble de trans­met­tre une cinquan­taine de virus, dont ceux de la dengue, chikun­gun­ya ou Zika. C’est le seul sur le ter­ri­toire mét­ro­pol­i­tain à pou­voir trans­met­tre ces trois virus», rap­pelle le chercheur Frédéric Simard.

Fièvre, cour­ba­tures… Les symp­tômes asso­ciés à ces virus ressem­blent, dans la majorité des cas, à des symp­tômes grip­paux. La con­jonc­tivite peut aus­si être asso­ciée au Zika, et des nausées à la dengue. Frédéric Simard fait un par­al­lèle avec le virus Sars-Cov­‑2 : «Dans la majorité des cas, les per­son­nes infec­tées vont avoir peu ou pas de symp­tômes. Mais, dans le cas de la dengue par exem­ple, les per­son­nes les plus vul­nérables, 5% env­i­ron, peu­vent en décéder.»

À la Réu­nion, le mous­tique tigre est bien présent et est la cause prin­ci­pale de trans­mis­sion de ces mal­adies. En Guade­loupe, en Mar­tinique et en Guyane, un con­frère du mous­tique-tigre, le mous­tique Aedes aegyp­ti, est à l’origine des épidémies que ces départe­ments con­nais­sent depuis le début des années 2000. À May­otte, les deux mous­tiques engen­drent le risque de prop­a­ga­tion de ces virus.

Y a‑t-il beaucoup de gens malades après avoir été piqués ?

Le mous­tique tigre est dans le col­li­ma­teur des autorités car il représente un risque d’épidémie en pas­sant ces virus à un nom­bre tou­jours plus grand de per­son­nes. Non présents sur le ter­ri­toire hexag­o­nal, ces virus sont importés en nom­bre chaque année par des per­son­nes venant de zones con­t­a­m­inées. En 2023, 1500 cas importés de dengue prove­naient des Antilles. Depuis le 1er jan­vi­er 2024, le nom­bre de cas de dengue importés atteint déjà un record, avec plus de 2600 cas recen­sés.

«Il faut que le mous­tique s’infecte en piquant quelqu’un qui a été con­t­a­m­iné par un virus dans les 10 jours qui précè­dent env­i­ron et porte le virus dans son sang. Une fois con­t­a­m­inée, la femelle trans­met­tra les virus à toute nou­velle per­son­ne qu’elle piquera», résume le chercheur.

«Chaque année, depuis une décen­nie, des per­son­nes n’étant pas sor­ties du ter­ri­toire sont con­t­a­m­inées par la piqûre de mous­tiques locaux, explique Frédéric Simard. L’ampleur et le nom­bre de ces micro-épidémies aug­mentent d’année en année, avec 40 à 60 cas en 2022 et 2023. On ne sera pas en reste en 2024, et la men­ace d’une épidémie de grande ampleur dans un futur proche doit être prise au sérieux».

Que faire pour limiter la propagation des virus ?

Pour éviter la trans­mis­sion des virus de l’humain aux mous­tiques, la pre­mière étape con­cerne «les per­son­nes qui ren­trent de zones à risque ; elles doivent se pro­téger des piqûres de mous­tiques», rap­pelle Frédéric Simard. Et cela, même si la per­son­ne n’est pas malade : on peut être por­teur d’un virus sans le savoir, sans avoir de symp­tômes ; les symp­tômes pou­vant met­tre plusieurs jours à se man­i­fester.

Autres point-clé : lim­iter la repro­duc­tion de l’insecte. Le mous­tique ayant besoin d’eau stag­nante pour le développe­ment de ses larves, il faut «faire atten­tion à tous les endroits où de l’eau peut s’accumuler, comme les gamelles, les coupelles de pot de fleurs, les pieds de para­sol, etc. Il faut les vider chaque semaine», con­seille le chercheur.

Pourquoi le retrouve-t-on davantage en zones urbaines ?

Si l’avancée du mous­tique-tigre peut faire penser à celle du frelon asi­a­tique (notre arti­cle), qui impacte de manière sig­ni­fica­tive les colonies de pollinisa­teurs et con­cur­rence le frelon européen, le mous­tique-tigre, lui, n’est ni un pré­da­teur, ni un com­péti­teur vis-à-vis d’autres insectes. «Il s’installe prin­ci­pale­ment en milieu urbain, là où la bio­di­ver­sité est en recul», détaille Frédéric Simard. Il peut alors prospér­er sans risque.

En Europe, ce dip­tère est présent partout en Ital­ie et sur la qua­si-inté­gral­ité de la façade méditer­ranéenne, et migre vers le Nord.

Pho­to d’il­lus­tra­tion : Adobe­Stock