Reportage

Municipales 2026 : Muttersholtz, capitale française de la biodiversité, «envisage tout par le prisme de l’écologie»

Alsace des as. Énergie, mobilité, éducation, biodiversité… en quelques années, cette commune du Bas-Rhin est devenue une référence en matière d’écologie. Elle est dirigée depuis 2008 par un ancien associatif, Patrick Barbier. Vert s’est rendu sur place.
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En quelques minutes, le brouillard se lève sur la région naturelle du Grand Ried alsacien. L’air se charge d’humidité. Alors que la luminosité baisse, l’éclairage public intelligent de la commune de Muttersholtz s’allume. Il est 14h40. «Vous venez au meilleur moment pour prendre des photos», plaisante Patrick Barbier, maire apartisan et écologiste revendiqué de ce bourg de 2 300 habitant·es situé à quelques kilomètres de Sélestat (Bas-Rhin).

Élu pour la première fois en 2008, l’ancien instituteur a été président de l’association de défense de l’environnement Alsace Nature, membre du réseau France Nature Environnement (FNE). À 67 ans, il achève son troisième mandat et a décidé de se représenter pour six ans supplémentaires à l’occasion des élections municipales de mars prochain. «Je n’ai pas encore été au bout de toutes mes idées», sourit-il en remontant ses petites lunettes rondes sur son nez.

Le respect de la biodiversité au cœur de la politique locale

Pendant ces presque dix-huit années passées à la tête de la commune, Patrick Barbier et son équipe municipale ont transformé Muttersholtz en un véritable «village laboratoire» de la transition écologique. Principal fil rouge des mandats successifs : la protection de la biodiversité. «Nous avons un peu commencé le zéro artificialisation nette [ZAN, dispositif de lutte contre la bétonisation d’espaces naturels et agricoles, NDLR] avant tout le monde, dès 2008. Nous sommes partis d’un constat simple, aujourd’hui partagé par une grande majorité : la première façon de protéger la nature et les êtres vivants, c’est arrêter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols», assure-t-il.

Patrick Barbier est maire de Muttersholtz depuis 2008. © Dorian Mao/Vert

La commune a réalisé de grands travaux de restauration des espaces naturels sur son territoire : création de mares, réouverture de fossés, plantage de haies ou préservation de prairies – de véritables zones humides. L’objectif était de recréer des continuités écologiques, des réseaux entre les différents écosystèmes aquatiques et terrestres. Un procédé appelé en aménagement du territoire des trames verte et bleue.

Ce n’est donc pas un hasard si cette petite commune est la seule à avoir reçu deux fois la distinction de «capitale française de la biodiversité», en 2017 et en 2025. «J’envisage tout par le prisme de l’écologie. Mais la gestion du budget est tout aussi essentielle. Les maires doivent toujours tenir les deux bouts : l’écologie pour lutter contre le réchauffement climatique et préparer l’avenir, l’économie pour agir sur le court terme et garantir le vivre-ensemble», explique Partick Barbier.

Un territoire à énergie positive en devenir

Reconnue par le ministère de la transition écologique «Territoire à énergie positive pour la croissance verte» (TEPCV) en 2015, soit un territoire d’excellence de la transition énergétique et écologique, la commune veut produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme à l’avenir.

La centrale hydroélectrique de Muttersholtz. © Commune de Muttersholtz/DR

Pour atteindre cet objectif, la municipalité a installé trois turbines sur la rivière Ill en 2020. Gérée conjointement par la commune et la région Grand Est, la centrale hydroélectrique permet d’assurer presque trois fois la totalité des besoins en électricité des bâtiments publics communaux. «C’est un bon début, mais il nous manque encore 12 gigawattheures pour couvrir l’intégralité des besoins annuels en électricité du territoire, des entreprises comme des habitants», détaille le maire.

La municipalité a donc lancé un projet d’installation de deux éoliennes il y a deux ans et demi. «Le nombre d’éoliennes installées dans le Bas-Rhin se comptait à l’époque sur les doigts d’une seule main. C’était un projet assez ambitieux et avant-gardiste pour la région», assume Patrick Barbier. Un projet refoulé par la préfecture, arguant la présence «d’une zone de parachutage militaire sur la commune», raconte le maire, toujours incrédule : «C’était assez incompréhensible. Personne n’a jamais vu un parachute s’ouvrir dans le ciel en 50 ans.» La municipalité n’a pour autant pas abandonné son projet et compte bien le relancer en cas de réélection en mars prochain.

En dix ans, plus de huit millions d’euros investis dans la transition énergétique

Sur le volet de la sobriété, la mairie de Muttersholtz a réalisé de nombreux investissements de rénovation énergétique des bâtiments municipaux lors des trois derniers mandats. L’école élémentaire, la mairie et la salle des fêtes ont été rénovées aux normes des bâtiments basse consommation (un label d’État décerné aux bâtiments et aux maisons reconnues pour leur haute performance énergétique et leur faible impact sur l’environnement).

La salle des fêtes a été totalement transformée pour devenir une salle culturelle à même d’accueillir des spectacles et des concerts. Un nouvel espace dédié à la gymnastique a été construit juste à côté. «C’est un bâtiment passif à énergie positive», s’amuse à dire Patrick Barbier. Le bâtiment consomme très peu d’énergie, demande peu de chauffage et produit de l’électricité grâce à des panneaux photovoltaïques sur son toit.

Le bourg de Muttersholtz. © Bernard Chenal/Wikimedia

La réalisation de l’ensemble de ces projets consacrés à la production d’électricité et à la sobriété énergétique, courant sur les dix dernières années, se chiffre à 8,18 millions d’euros. Ils ont été financés à hauteur de 30% sur les fonds propres de la commune. Le reste de la somme provient d’un prêt auprès de la Banque des territoires (1,43 million d’euros) et d’aides publiques de l’État, de la région Grand Est, de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) et du département du Bas-Rhin.

«Grâce à toutes ces transformations, nous n’avons presque plus besoin de chauffage en hiver dans les bâtiments municipaux et nous n’utilisons plus de climatisation en été. Chaque année, notre capacité d’autofinancement avoisine désormais les 400 000 euros», résume le maire. Celle-ci représente l’excédent de ressources qu’une commune peut consacrer à de nouveaux investissements ou au remboursement d’emprunts après le paiement de l’ensemble des charges de fonctionnement (salaires des agent·es, subventions aux associations, factures d’énergies, etc.)

«Permettre aux enfants d’aller à l’école à vélo en toute sécurité»

Dernière ambition majeure concrétisée l’an dernier : permettre aux habitant·es de se déplacer à pied ou à vélo dans le village pour accéder aux différents lieux d’activités. Un projet qui était loin d’être gagné d’avance : Muttersholtz voit passer près de 8 000 véhicules tous les jours sur les deux routes départementales qui traversent la commune. «Créer un cœur de village était une idée depuis ma première élection en 2008. Il a fallu dix ans et traverser à deux reprises des propriétés privées pour réussir à créer un espace sans voiture reliant les principaux lieux du village. Cela permet aujourd’hui aux enfants d’aller à l’école à vélo en toute sécurité», affirme, encore un peu ému, Patrick Barbier.

Les élèves n’ont qu’à traverser la route devant l’école pour accéder à la piste cyclable. © Dorian Mao/Vert

La sonnerie de 16 heures vient tout juste de retentir. Un groupe de CM2, en selle, discute devant le portail avant de rentrer à la maison. «On vient tous les jours à vélo. En passant par la piste cyclable, c’est tranquille. Et puis ça coûte aussi moins cher à nos parents que de payer l’essence», affirment Milan et Naël, 10 ans tous les deux.

Julien, 45 ans, sourit en les entendant. Cet habitant du village, «vraiment loin d’être un écolo», salue l’aménagement récent : «Ça incite vraiment les habitants à prendre le vélo et c’est plus sympa pour venir chercher les enfants à l’école.»

Un discours partagé par d’autres parents venu·es récupérer leurs enfants. Difficile de trouver des critiques ou des insatisfait·es, même au sein du conseil municipal, où aucun groupe d’opposition affichée ne siège. «Les habitants de Muttersholtz sont loin d’être tous des écologistes engagés ou des militants. La vraie question est donc de savoir pourquoi ils ont élu un maire aussi écologiste. La réponse se trouve dans leur ouverture à ces sujets grâce à la sensibilisation et l’éducation réalisée par La Maison de la nature», tranche Patrick Barbier. Les locaux de cette association d’éducation à l’environnement sont situés à l’entrée de la commune. L’avant-garde d’un village écologique, qui doit célébrer son demi-siècle d’existance en 2026.

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