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L’Union européenne brade l’environnement dans une réforme express de sa politique agricole

PAC avec le diable. Sur fond de colère agricole, les 27 États membres ont donné ce mardi 26 mars leur feu vert à la suppression de plusieurs obligations environnementales. Quelques semaines auront suffit à détricoter ces mesures négociées pendant trois ans.
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PAC avec le dia­ble. Sur fond de colère agri­cole, les 27 États mem­bres ont don­né ce mar­di 26 mars leur feu vert à la sup­pres­sion de plusieurs oblig­a­tions envi­ron­nemen­tales. Quelques semaines auront suf­fit à détri­cot­er ces mesures négo­ciées pen­dant trois ans.

Alors que les tracteurs étaient de retour hier à Brux­elles, les 27 min­istres de l’A­gri­cul­ture et de la Pêche réu­nis en Comité spé­cial agri­cul­ture ont approu­vé à la qua­si una­nim­ité les propo­si­tions de la Com­mis­sion européenne pour «réduire le fardeau admin­is­tratif» des agriculteur·ices et «sim­pli­fi­er» les règles de la poli­tique agri­cole com­mune (PAC). La mou­ture actuelle, en vigueur depuis 2023, devait encadr­er l’agriculture européenne jusqu’en 2027.

Seul le min­istre alle­mand, Cem Özdemir, s’est inquiété de la manœu­vre : «J’ai l’impression que cer­tains par­lent de réduc­tion de la bureau­cratie pour en fait sup­primer les oblig­a­tions envi­ron­nemen­tales», a‑t-il dénon­cé. En effet, pour l’instant, l’environnement fait seul les frais de cette réforme express décidée il y a un mois par les Etats mem­bres.

Man­i­fes­ta­tion d’agriculteur·ices à Brux­elles le 26 mars, en par­al­lèle d’une réu­nion des min­istres de l’Agriculture des 27 mem­bres de l’Union européenne. © Ken­zo Tri­bouil­lard / AFP

En guise de sim­pli­fi­ca­tion, la Com­mis­sion européenne a pro­posé d’assouplir qua­tre des neuf «bonnes con­di­tions agri­coles et envi­ron­nemen­tale» (BCAE) que les exploitant·es agri­coles doivent respecter pour pré­ten­dre à des sub­ven­tions.

L’obligation de laiss­er au moins 4% de ses ter­res en sur­face non-pro­duc­tive (jachères, haies, bosquets, mares…) est sup­primée. Celle d’alterner les cul­tures (pour ne pas épuis­er les sols) serait rem­placée par une «diver­si­fi­ca­tion» aux con­tours flous et les règles sur la cou­ver­ture des sols seraient con­sid­érable­ment assou­plies.

La Com­mis­sion a aus­si pro­posé que les exploita­tions de moins de 10 hectares soient dis­pen­sées de con­trôle et de pénal­ités en cas de non-respect des règles envi­ron­nemen­tales. Cela représente 65 % des béné­fi­ci­aires, mais 10 % des ter­res cul­tivées, pré­cise-t-elle. Enfin, les exploitant·es touché·es par des «aléas cli­ma­tiques imprévus» pour­ront égale­ment y déroger.

Après le feu vert des min­istres, les eurodéputés se pencheront sur cette propo­si­tion du 22 au 25 avril. Les assou­plisse­ments pour­raient ain­si entr­er en vigueur dès la fin du print­emps 2024, annonce la Com­mis­sion.

Dans une let­tre envoyée lun­di, 16 asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales se dis­ent «con­sternées» par cette ini­tia­tive. Chargée par les États de faire des propo­si­tions, la Com­mis­sion s’est exé­cutée en trois semaines, dont «une semaine» de con­sul­ta­tion où les asso­ci­a­tions n’étaient même pas con­viées. La com­mis­sion n’a pas mené d’étude d’impacts, se jus­ti­fi­ant par l’urgence poli­tique et le fait que ces adap­ta­tions restent ciblées.

La mou­ture actuelle de la poli­tique agri­cole com­mune avait fait l’objet de trois ans de négo­ci­a­tions.