Décryptage

Limiter la vitesse à 50 km/h sur le périphérique, est-ce vraiment une bonne idée ?

Risques et périph’. De nouvelles règles de circulation sur le périphérique parisien entrent en vigueur ce 1er octobre, réactivant le vieil affrontement entre droite et gauche sur la place de la voiture en ville. Vert fait le point sur les conséquences - vérifiées ou contestées - de ces mesures.
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Alerte ! Depuis ce mar­di matin, le périphérique parisien est vic­time d’un nou­veau crime de lèse-cylin­drée fomen­té par la maire social­iste de Paris, Anne Hidal­go ! D’ici au 9 octo­bre, le temps d’installer la sig­nal­i­sa­tion, la vitesse max­i­male autorisée passera pro­gres­sive­ment de 70 à 50 kilomètres/heure (km/h) sur les 35 kilo­mètres de route. Un mal­heur n’arrivant jamais seul : la voie réqui­si­tion­née pen­dant les Jeux Olympiques 2024 est con­fisquée pour de bon, cette fois au seul béné­fice des covoitureur·ses. Aujourd’hui, 80% des voitures cir­cu­lant sur le périphérique ne trans­portent qu’une seule per­son­ne.

Une mesure «anti-sociale» ?

Valérie Pécresse, prési­dente (Les Répub­li­cains) de la région Île-de-France et adver­saire de la maire de Paris, ne décolère pas con­tre cette dou­ble mesure qu’elle juge «bru­tale» et «anti-sociale» (les con­cer­ta­tions impli­quant y com­pris la région ont pour­tant duré de 2019 à 2021). L’élue se préoc­cupe notam­ment du tra­vailleur de nuit «qui vit à Pan­tin» (nord-est de Paris) et «tra­vaille à Issy-les-Moulin­eaux» (sud-est) et per­dra doré­na­vant six min­utes par tra­jet, soit «45 heures dans l’an­née !».

De son côté, Anne Hidal­go défend une mesure «de san­té publique». Dans son Plan cli­mat pour 2024–2030, le Con­seil de Paris rap­pelle que le périphérique est bor­dé de quartiers pop­u­laires – 40% de loge­ments soci­aux – qui subis­sent directe­ment ses nui­sances olfac­tives, sonores, etc. Il con­tribue égale­ment à la «pol­lu­tion de fond» de l’ensemble de la cap­i­tale «faisant de sa trans­for­ma­tion une urgence sociale et san­i­taire». La pol­lu­tion de l’air est respon­s­able de près d’un décès sur dix en Île-de-France, selon Air­parif. Et les patholo­gies liées au bruit privent les Francilien·nes d’années de vie en bonne san­té (de 10,7 mois à plus de trois ans), selon Bruit­parif.

La baisse de la pollution de l’air en débat

Pour Valérie Pécresse, «les 50 kilomètres/heure n’apporteront pas une baisse de la pol­lu­tion de l’air». De fait, les études peinent encore à établir le béné­fice d’une baisse de la vitesse en deçà de 70 km/h, en par­ti­c­uli­er parce que des voitures en sous-régime peu­vent pol­luer davan­tage. Dans son livre blanc du périphérique, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) recon­naît que «la majorité du parc auto­mo­bile est com­posée de voitures à moteur ther­mique de type famil­ial, berline ou SUV, plutôt conçues pour par­courir des grandes dis­tances à grande vitesse». Sa pré­con­i­sa­tion n’est pas de renon­cer à l’abaissement de la vitesse sur le périphérique mais plutôt d’accélérer la trans­for­ma­tion du parc auto­mo­bile. Une logique qui a con­duit Paris à tripler les tar­ifs de sta­tion­nement pour les SUV. La mesure entre en vigueur aujourd’hui.

Les détracteurs de la mesure arguent que la vitesse con­statée sur l’anneau s’établit déjà à 37 km/h, bien en deçà des 50kM/h autorisés. Mais il s’agit d’une moyenne et les par­ti­sans esti­ment à l’in­verse que la baisse de la vitesse autorisée aura pour effet de flu­id­i­fi­er le traf­ic et de réduire les effets de “stop & go”, qui sont égale­ment source d’im­por­tantes pol­lu­tions. Alors que les preuves man­quent encore, seul le bilan prévu dans un an per­me­t­tra d’y voir plus clair.

Le périphérique, porte de Char­en­ton, 2017. © Anne-Claire Poiri­er

Pollution sonore : peut mieux faire ?

Pour les 100 000 riverain·es des abor­ds de la route la plus fréquen­tée d’Europe, les niveaux sonores atteignent près de 80 déci­bels en journée et 70 la nuit. Pour com­para­i­son, la régle­men­ta­tion sur le bruit au tra­vail impose de porter des pro­tec­tions audi­tives au-delà de 85 déci­bels huit heures par jour. Mais là aus­si, Valérie Pécresse con­teste l’impact de la mesure sur ce bruit et appelle à la pose d’enrobés acous­tiques, qu’elle estime beau­coup plus effi­cace qu’une baisse du traf­ic.

Selon Bruit­Parif, le niveau sonore baisse effec­tive­ment de façon beau­coup plus impor­tante sur les seg­ments de périphérique équipés de ces revête­ments anti-bruits. Entre 2009 et 2020, la baisse a atteint jusqu’à 4,1 déci­bels la nuit sur ces por­tions. Sur les autres, l’amélio­ra­tion n’a été que de 1,2 déci­bel la nuit, essen­tielle­ment grâce à l’abaissement de la vitesse de 80 à 70 km/h en 2014. Pour l’instant, seuls 6,5 kilo­mètres de voies en sont dotés. Équiper le reste coûterait env­i­ron un mil­lion d’euros par kilo­mètre (le périphérique en compte 35), à renou­vel­er tous les dix ans. La région pro­pose d’en financer la moitié.

Consensus sur la sécurité

Le seul point qui fait véri­ta­ble­ment con­sen­sus est la baisse assurée de l’accidentalité. En 2014, le pas­sage à 70 km/h a réduit de 18% les acci­dents. Appliqué à la route la plus fréquen­tée d’Europe – avec 1,1 mil­lion de véhicules par jour — cela représente encore 19 événe­ments par jour, dont 2 à 3 con­sid­érés comme sig­ni­fi­cat­ifs, rap­pelle l’A­PUR.