La science

Les pandémies aviaires, oiseaux de mauvais augure pour la santé publique

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Ça fout les poules. En Europe, en Asie, en Afrique ou en Amérique du Nord, la mul­ti­pli­ca­tion des épisodes de grippe avi­aire à tra­vers la planète et les muta­tions du virus H5N1, qui en est à l’origine, font peser de sérieuses men­aces sur la san­té des écosys­tèmes et celles des humains.

Depuis son appari­tion en Europe dans les années 2000, la grippe avi­aire fait des rav­ages à répéti­tion dans les éle­vages de volailles. Cette année encore, l’influen­za avi­aire a con­t­a­m­iné en masse poulets, din­des, canards et autres pin­tades ; trente-six pays touchés sur l’ensemble du con­ti­nent européen ; env­i­ron 1 400 foy­ers pathogènes recen­sés en France en date du 24 mai. Depuis octo­bre, 77 mil­lions de volailles ont été abattues à tra­vers le monde (Nature) ; 16 mil­lions sur le seul ter­ri­toire français. Dev­enue presque rit­uelle, cette pan­zootie (une pandémie chez les ani­maux) entraîne des abattages mas­sifs pour lim­iter la prop­a­ga­tion du virus dans des éle­vages où sont entassées les volailles.

Mais l’angoisse monte au sein de la com­mu­nauté sci­en­tifique. Dans un récent arti­cle paru dans la revue Nature, plusieurs chercheur·ses s’inquiètent de la prop­a­ga­tion des mal­adies au sein des pop­u­la­tions d’oiseaux sauvages. La dif­fu­sion du virus est plus com­plexe à suiv­re chez les volatiles hors éle­vages, alors que c’est prin­ci­pale­ment par leur biais que se fait la dis­sémi­na­tion inter­con­ti­nen­tale. Aujourd’hui, les cas avérés chez des indi­vidus sauvages en France ne sont qu’au nom­bre de 51. Mais les sci­en­tifiques craig­nent une nou­velle prop­a­ga­tion, plus mas­sive, avec la muta­tion 2.3.4.4, apparue en 2014. Haute­ment con­tagieuse, elle per­met aux oiseaux de sur­vivre rel­a­tive­ment longue­ment avec le virus, et donc le trans­met­tre plus longtemps.

Cette prop­a­ga­tion général­isée présente plusieurs risques : pre­mière­ment, elle pour­rait men­ac­er les volatiles sauvages déjà en dan­ger, soit parce qu’ils appar­ti­en­nent à des espèces men­acées, soit parce qu’ils sont spé­ci­fique­ment sen­si­bles aux épi­zooties (s’ils ont un ter­ri­toire réduit, par exem­ple). Le sec­ond risque est celui d’une muta­tion incon­trôlée de la grippe avi­aire, qui pour­rait aboutir à un fran­chisse­ment de la bar­rière des espèces et infecter l’organisme humain – c’est ce que l’on appelle une zoonose, comme le Sars-Cov­‑2. Si elles restent excep­tion­nelles, des con­t­a­m­i­na­tions de ce type ont déjà eu lieu par le passé. Cette année, deux infec­tions ont été enreg­istrées, une au Roy­aume-Uni et l’autre aux États-Unis. Il existe un vrai enjeu de suivi et de régu­la­tion des éle­vages pour la survie d’espèces ani­males men­acées et pour la san­té humaine.