Interdits d’interdire. Présentée à l’occasion de leur niche parlementaire, jeudi 7 avril, la proposition de loi des écologistes d’interdire les jets privés n’a pas abouti, faute de temps. Toutefois, un amendement qui supprimait l’article 1er du texte, contenant la mesure phare, avait été adopté dans la soirée.
Les écologistes disposaient d’une petite journée pour soumettre leurs idées à l’Assemblée nationale, parmi lesquelles, l’interdiction des jets privés, qui alimente le débat public depuis des mois. Pour le rapporteur de ce texte, Julien Bayou (EELV), cette interdiction aurait permis de «ramener les riches sur Terre». Les efforts pour limiter le réchauffement climatique «doivent être partagés par tous et en particulier par ceux qui polluent le plus», a-t-il estimé, inquiet «de l’impact sur la cohésion sociale» de la non-régulation de l’aviation privée en France métropolitaine. 5 à 14 fois plus polluants par passager que les avions de ligne, les jets privés représentent 2% des émissions de CO2 d’un secteur aérien français en croissance (Vert). «Déplacer la mobilité des plus riches vers l’aviation commerciale ou le train, ce n’est en rien radical», a jugé Bayou. Des exceptions étaient prévues pour les vols sanitaires, militaires, de sécurité, de lutte contre les incendies, ou encore dans les Outre-mer.
Mais, vraisemblablement agacé·es par l’heure tardive -les échanges ont commencé à 21h30-, de nombreux·ses parlementaires de la majorité et de la droite, ont fait part de leur désaccord de principe arguant, en vrac, de l’impact faible en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de la présence de sièges sociaux d’entreprise dans des territoires enclavés, ou de la menace sur l’emploi. «Nous pensons qu’une interdiction pure et simple risque de conduire à la délocalisation» de ces vols, a déclaré David Taupiac (Liot). Dans les rangs de la majorité, Jean-René Cazeneuve a balayé d’un revers de main : «Nous avons fait le job, voilà pourquoi vous n’avez plus rien à dire, vous n’êtes que dans le symbole et l’anedoctique !». Fustigeant «un élan anti-riche», le député Renaissance Damien Adam a choisi d’attaquer directement le parti écologiste : «vous n’êtes plus Europe écologie les verts, vous êtes Europe interdiction les verts».
Le ministre des Transports Clément Beaune, a, lui, concédé l’importance du sujet et promis que le gouvernement proposerait d’augmenter l’écotaxation de l’aviation privée en 2024. «L’interdiction générale ne serait pas le bon remède», mais «il faut réguler», a assuré le ministre, convaincu que l’«aviation verte» sera accessible «en moins d’une génération». Impossible, selon Bayou, d’avoir des résultats sur l’aviation décarbonée dans la décennie qui vient : «il faut d’abord réduire, en particulier ce qui est superflu, puis décarboner».
À l’issue des discussions au Palais Bourbon, Julien Bayou a regretté : «On vient de se prendre un mur, LREM s’est allié avec le Front national pour refuser tout débat».
Une victoire signée Rousseau : Le texte présenté par Sandrine Rousseau pour mieux indemniser les maisons fissurées par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux a, lui, été largement adopté par les parlementaires, en dépit de l’abstention massive de la majorité présidentielle. Il va désormais être examiné au Sénat. «Voter ce texte, c’est envoyer le signal que le réchauffement climatique ne laissera pas des individus démunis mais au contraire qu’il sera l’occasion de renforcer notre état social et protecteur», avait défendu Sandrine Rousseau. Plus de 10 millions de maisons sont aujourd’hui situées dans une zone à risque.