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Le transport maritime mondial sommé d’entamer sa transition

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Mené·es en bateau. Marchan­dis­es, gaz, pét­role… le trans­port mar­itime a tou­jours le vent en poupe, mais le secteur ferait mieux de met­tre le cap sur la tran­si­tion énergé­tique.

Telle pour­rait être la con­clu­sion d’une étude annuelle de l’ONU sur le sujet, dévoilée ce mar­di. Le 1er jan­vi­er 2023, de nou­velles régle­men­ta­tions qui visent à réduire les émis­sions de gaz à effet de serre et l’empreinte écologique des  navires, entreront en vigueur. En ligne de mire, une baisse de 50 % des émis­sions en 2050 par rap­port à 2008. Pen­dant la Con­férence mon­di­ale pour le cli­mat (COP27) qui a eu lieu en Égypte au mois de novem­bre, plusieurs pays ont demandé à revoir cette ambi­tion pour attein­dre le « zéro car­bone » net à la même date.

D’abord, les con­stats. Qu’il s’agisse de votre jean ou de votre ordi­na­teur, 80 % des marchan­dis­es échangées à l’échelle mon­di­ale sont achem­inées par la mer, estime la Con­férence des Nations unies sur le com­merce et le développe­ment (Cnuced) dans ce doc­u­ment. Dit autrement, 11 mil­liards de tonnes — plus d’un mil­lion de tours Eif­fel — sont expédiées par les mers d’un bout à l’autre de la planète.

Le com­merce mar­itime a plutôt bien récupéré du Covid : après une baisse en 2020, sa crois­sance est estimée à 3,2 % en 2021, mais elle devrait rester plus mod­érée en 2022. Dans le même temps, les émis­sions totales de car­bone ont, elles aus­si crû, de 4,7 %. Or, en 2020 déjà, l’organisation mar­itime inter­na­tionale (OMI) esti­mait que la nav­i­ga­tion était respon­s­able de 2,89% des émis­sions mon­di­ales dues à l’activité humaine. Les navires sont aus­si des sources impor­tantes de pol­lu­tion atmo­sphérique, notam­ment parce qu’ils utilisent du car­bu­rant con­tenant du soufre (moins de 0,5% depuis 2020). Leurs rejets de plas­tiques et les déverse­ments d’hydrocarbures de soute sont égale­ment pointés dans le rap­port de la Cnuced ; sans men­tion­ner la perte de con­teneurs, le déplace­ment d’espèces inva­sives, la pol­lu­tion sonore…

L’ONU s’inquiète : ni les ports, ni les navires marchands, ni les sys­tèmes logis­tiques ne sont pré­parés au change­ment cli­ma­tique. « Dans le flou quant à l’évolution future des tech­nolo­gies, des coûts relat­ifs des dif­férents car­bu­rants, des régle­men­ta­tions et des prix du car­bone », les arma­teurs rechig­nent à inve­stir. Les bateaux sont de plus en plus vieux (presque 22 ans en moyenne) et tou­jours plus gigan­tesques. La taille des plus grands porte-con­teneurs a dou­blé entre 2006 et 2022, atteignant par­fois près de 400 mètres de long. Renchérisse­ment de l’énergie et phénomènes cli­ma­tiques extrêmes amenés à se mul­ti­pli­er ; trans­porteurs, opéra­teurs por­tu­aires ou chargeurs « n’ont d’autre choix que d’évoluer », assure l’instance.

L’é­tude de la Cnuced mon­tre que les navires de com­merce sont de plus en plus vieux.

Mais com­ment ? Réduc­tion de la vitesse, ren­fort de la voile (Vert), branche­ments élec­triques dans les ports et surtout général­i­sa­tion de car­bu­rants alter­nat­ifs : des pistes d’ac­tions exis­tent, mais elles sem­blent rester plus ou moins à l’é­tat de vœux pieux. Le risque d’un sys­tème à deux niveaux émerge avec, à terme, seule­ment « une petite par­tie des ports et des routes mar­itimes adap­tés ».

Le rap­port plaide pour la mise en place d’un cadre régle­men­taire mon­di­al « pour inve­stir dans la décar­bon­i­sa­tion ». Comme en écho aux avancées de la COP27 sur la jus­tice cli­ma­tique (Vert), l’ONU pré­conise aus­si de soutenir finan­cière­ment les pays en développe­ment et vul­nérables dans leur tran­si­tion, notam­ment en mod­i­fi­ant leurs ports, de plus en plus men­acés. Quant à réduire les dis­tances par­cou­rues, l’idée n’est vis­i­ble­ment pas à l’or­dre du jour, « bien que le débat se pour­suive, rien jusqu’à présent ne laisse entrevoir un retour mas­sif à une pro­duc­tion plus local­isée ».