Ceta l’arrêt. Le Sénat français a largement rejeté la ratification du Ceta, un traité de libre échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada. Alors que le monde agricole critiquait en début d’année les accords favorisant la concurrence internationale au détriment de la souveraineté alimentaire (notre article), l’avenir du Ceta s’assombrit. Vert rembobine.
C’est quoi le Ceta ?
Le «Comprehensive Economic and Trade Agreement» est un (très long) texte destiné à faciliter la circulation des biens et services entre l’UE et le Canada, en réduisant les droits de douane et en allégeant les règlementations. Signé en 2016, le Ceta est mis en œuvre «provisoirement» à plus de 90% depuis 2017. Cependant, en France, il n’a été adopté à l’Assemblée nationale – de justesse – que deux ans après… et il n’avait jamais été transmis à la chambre haute jusqu’à ce jeudi, à l’initiative des communistes, soutenus par la droite.
D’après un rapport de l’Assemblée nationale paru en 2023, les exportations de produits agricoles ont augmenté de 30% depuis 2017, et le climat est «le grand absent» de l’accord. Dans une lettre ouverte publiée avant le vote de jeudi, plusieurs organisations écologistes et syndicales rappelaient que les normes agricoles sont moins restrictives au Canada – qui utilise notamment des pesticides interdits de notre côté de l’Atlantique – et que la concurrence provoque «une pression à la baisse sur les prix».
Qui s’y oppose et pourquoi ?
Ce deal économique et commercial est contesté de longue date, notamment parce qu’il accentue l’industrialisation agroalimentaire. «Ce que nous importons, ce sont des biens stratégiques, et non de la viande aux hormones», a assuré devant le Sénat Franck Riester, le ministre du Commerce extérieur. «Le Canada possède 15 des 30 métaux incontournables pour mener à bien la transition énergétique. Quant au pétrole canadien que nous importons, il se substitue au pétrole russe», a-t-il ajouté. Mais pour Greenpeace, «le Canada a recours à des OGM et à des pesticides non autorisés par l’UE, utilise des farines animales pour alimenter ses élevages et dope ses animaux aux antibiotiques». La Confédération paysanne, syndicat agricole classé à gauche, a remercié jeudi les parlementaires et salué une «belle victoire d’étape».
Que va-t-il se passer maintenant ?
Après ce refus du Sénat, l’Assemblée nationale va devoir à nouveau voter sur le texte. Mais on ignore quand, car le gouvernement risque de traîner des pieds pour le mettre à l’agenda. Les député·es communistes ont déjà annoncé leur intention d’inscrire le sujet à l’ordre du jour du 30 mai.
Si les député·es sont d’un avis contraire aux sénateur·rices, le Ceta sera officiellement ratifié par la France. Si l’Assemblée est du même avis que le Sénat et que le gouvernement notifie ce refus aux institutions européennes – ce qu’il n’est pas obligé de faire -, la ratification du traité sera abandonnée, ouvrant la voie à une fin d’application dans toute l’UE… à moins qu’un nouveau vote soit organisé en France, par le gouvernement !
Neuf parlements d’autres États membres ne se sont toujours pas prononcés sur le Ceta. Si tous valident le texte, il entrera pleinement en vigueur, dont un mécanisme très critiqué qui permettrait aux entreprises de poursuivre les Etats en justice.