David contre Goliath. Lundi 25 janvier, le tribunal de grande instance d’Evry (Essonne) a examiné la plainte de Tran To Nga, 79 ans, contre quatorze géants de l’agrochimie impliqués dans la fabrication et la commercialisation du tragique herbicide.
Cette franco-vietnamienne résidait au Vietnam lorsque, entre 1961 et 1971, l’armée américaine a déversé quelque 80 millions de litres d’un puissant défoliant sur les forêts du pays. La mission de l’« agent orange » : détruire la végétation pour démasquer les combattants communistes vietcongs. Le drame environnemental et sanitaire qui s’en est suivi a donné naissance au concept d’écocide (plus de détails sur France info). Il fait l’objet, quarante ans plus tard, d’un procès « historique », selon les associations environnementales.
Selon la juriste Valérie Cabanes, interrogée par Reporterre, c’est la première fois que, dans un cas de crime international, la responsabilité des entreprises est recherchée et non celle des politiques. En cas de reconnaissance de l’implication des firmes dans les pathologies développées par Tran To Nga (cancer du sein, diabète, tuberculose…), la jurisprudence pourrait profiter à des milliers de victimes. Celles, notamment, du chlordécone dans les Antilles ou encore du glyphosate.
Parmi les quatorze entreprises présentes à l’audience du 25 janvier, on trouve les inénarrables Dow Chemical ou Bayer-Monsanto. Défendues par une vingtaine d’avocats, celles-ci ont argué qu’elles avaient agi sur l’ordre de l’État américain et qu’elles devaient à ce titre bénéficier de l’immunité de juridiction. L’accusation estime au contraire que ces multinationales « souveraines dans leur capacité de production » ont répondu « à un appel d’offres ». La décision sera rendue le 10 mai.