Reportage

Label Emmaüs, l’alternative solidaire à Amazon

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Label affaire. Des livres à gogo, de l’électronique recon­di­tion­né, des vête­ments et même des meubles… la plate­forme Label Emmaüs regorge de four­ni­tures en tout genre et se bat depuis sept ans pour défendre un mod­èle éco­lo et sol­idaire.

«Même si Emmaüs est très con­nu, beau­coup de per­son­nes ne savent pas que nous ven­dons en ligne», con­state la direc­trice de Label Emmaüs, Maud Sar­da. Face aux mastodontes du secteur, tels qu’Amazon, Lebon­coin ou Vint­ed, dif­fi­cile de se faire une place. L’«e‑shop mil­i­tant» du mou­ve­ment Emmaüs a pour­tant tout pour con­va­in­cre : il tra­vaille avec 172 bou­tiques sol­idaires, dont une soix­an­taine d’Emmaüs, qui pro­posent un grand spec­tre d’objets, des livres aux vête­ments en pas­sant par la déco et les meubles.

Sur son site inter­net qui veut «chang­er le monde, une com­mande à la fois», on peut aus­si bien se pro­cur­er un télé­phone recon­di­tion­né par la coopéra­tive Les ate­liers du Bocage qu’une cocotte de Frip’insertion Mar­seille ou un roman du club des cinq.

«Ça per­met de faire des économies et d’avoir un impact écologique», s’enthousiasme Maud Sar­da. «Les pro­duits de Vint­ed font le tour du monde. Chez nous, tout se passe en France. 80% des embal­lages, c’est de la récup», note la direc­trice. Selon son rap­port d’impact, 1 770 tonnes de CO2 auraient ain­si été évitées en 2021, l’équivalent des émis­sions annuelles de 180 Français·es.

Badara, encad­rant tech­nique, mon­tre la notice du livre qui vient d’être enreg­istré à l’entrepôt de Label Emmaüs à Noisy-le-Sec © Juli­ette Quef / Vert

Situé dans une anci­enne usine de fab­ri­ca­tion d’ampoules de train à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), Label Emmaüs offre une sec­onde vie à des livres promis au pilon et à des vête­ments inven­dus. Badara, encad­rant tech­nique des opéra­teurs de e‑commerce, nous fait vis­iter l’entrepôt. Les ouvrages sont col­lec­tés dans les com­mu­nautés d’Ile-de-France, dans des recy­cleries et quelques bib­lio­thèques. Chaque vol­ume est inspec­té, référencé et placé dans des ray­on­nages imposants. Au total, 300 000 livres atten­dent d’être com­mandés. Dans le Lot-et-Garonne, un autre entre­pôt s’est spé­cial­isé dans l’expédition de meubles.

Comme les autres vendeurs de l’économie sociale et sol­idaire présents sur le site inter­net, l’entrepôt de Label Emmaüs emploie des salarié·es en inser­tion pro­fes­sion­nelle. Formé·es comme opérateur·ice polyvalent·e, elles et ils enreg­istrent, pré­par­ent, envoient les com­man­des et gèrent le ser­vice après-vente.

Mali­ka référence les livres reçus qui pour­ront ensuite être com­mandés sur le site de Label Emmaüs © Juli­ette Quef/Vert

À l’issue d’un con­trat à durée déter­minée d’insertion (CCDI), vu comme un trem­plin vers l’emploi, la majeure par­tie des employé·es trou­vent un tra­vail dans la région. Badara les énumère : «La Fourche en a pris deux récem­ment, un tra­vaille chez Her­mès à Pan­tin, un autre à la réserve des arts, un dans une bib­lio­thèque à Paris, un autre est devenu agent de gare à la SNCF. Nous avons 82% de sor­tie pos­i­tive», se réjouit-il. Label Emmaüs revendique ain­si la créa­tion de 500 emplois depuis son lance­ment en 2016, dont 300 en par­cours d’insertion pro­fes­sion­nelle.

La mar­ket­place à but non lucratif veut aus­si faire con­naître son mod­èle sol­idaire et engagé pour con­quérir de nou­veaux publics. Com­posée de 1 600 socié­taires, la coopéra­tive réin­vestit 100% des béné­fices dans son out­il de tra­vail et les écarts de salaires sont lim­ités de un à trois. En 2022, elle a réal­isé 1,5 mil­lion d’euros de chiffre d’affaires sur les com­mis­sions des trans­ac­tions du site et les ventes en pro­pres.

«Aujourd’hui, on se heurte aux lim­ites plané­taires et aux lim­ites sociales de notre mod­èle de sur­con­som­ma­tion, souligne Maud Sar­da. Ça vaut le coup de redé­cou­vrir des asso­ci­a­tions his­toriques qui ont un mes­sage d’une moder­nité incroy­able. Emmaüs, c’est l’économie cir­cu­laire avant l’heure.»