Pharm-à-côtés. La plupart des rivières du monde connaissent une pollution aux résidus pharmaceutiques, avec dans certains cas des concentrations à haute dose et des effets cocktails inquiétants.
Moins médiatique que l’invasion des plastiques ou certaines contaminations chimiques, la pollution des cours d’eau aux médicaments est encore mal documentée. La parution, lundi 14 février, d’une vaste étude internationale pilotée par l’Académie nationale des sciences américaine a révélé pour la première fois l’ampleur du phénomène. Les 127 chercheur·euses se sont appuyés sur plus de 1000 prélèvements issus de 258 rivières, dans 137 régions du globe. 61 des composants pharmaceutiques les plus utilisés au monde étaient recherchés, des anti-douleurs aux bêtabloquants, en passant par une large palette d’antibiotiques.
A l’exception des échantillons prélevés en Islande et dans un village d’Amazonie vénézuélienne, tous ont révélé la présence d’au moins une substance médicamenteuse. Un quart des rivières révèlent même des concentrations supérieures aux recommandations sanitaires. Les contaminants les plus présents sont le paracétamol, la caféine, la metformine (antidiabétique), la fexofénadine (antihistaminique), ainsi qu’une armée d’antimicrobiens aux noms imprononçables. Bien souvent, ce sont mêmes des cocktails variés qui ont été identifiés, avec un record à 34 substances différentes prélevées dans la rivière Kai Tak, à Hong Kong.

Parmi les conséquences encore mal connues de cette pollution médicamenteuse, les chercheur·euses craignent des phénomènes d’antibiorésistance, c’est à dire le développement de nouveaux mécanismes de défense par les bactéries face à la propagation diffuse d’antimicrobiens. L’étude montre que 19 % des rivières étudiées contiennent des antimicrobiens à des niveaux préoccupants. Un autre phénomène est la féminisation des poissons, causée par les résidus d’œstrogène des pilules contraceptives. Enfin, l’exposition aux anxiolytiques modifie le comportement des poissons en les rendant plus vulnérables à la prédation, ce qui peut bouleverser l’équilibre de la chaîne alimentaire.
Les zones les plus contaminées ont été observées en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique du Sud, révèle encore l’étude. Dans ces pays aux revenus faibles ou intermédiaires, les effets d’une faible régulation s’ajoutent à des infrastructures de traitement des eaux inefficientes et à une prévalence de maladies supérieure. Les plus fortes concentrations de médicaments ont ainsi été retrouvées à Lahore au Pakistan, à La Paz en Bolivie et à Addis-Abeba en Éthiopie. En Europe, les plus mauvais prélèvements ont été enregistrés à Madrid, en Espagne.