Black friday, soldes d’été, ventes privées, soldes d’hiver… Chaque période de l’année est marquée par un événement promotionnel qui vise à nous faire consommer… et ça fonctionne : lors des soldes d’été 2024, les enseignes de l’habillement – selon des données de l’Alliance du commerce – ont enregistré sur l’ensemble de la période une hausse de leur chiffre d’affaires de +5,4%.
Ce mercredi marque le coup d’envoi des soldes d’été 2025, qui s’étendront jusqu’au 22 juillet inclus. À cette occasion, Vert s’est plongé dans les résultats du dernier baromètre de Refashion, cet éco-organisme dont le rôle est d’assurer la transition écologique du secteur du textile en France – une structure privée, dont les missions sont encadrées par les pouvoirs publics. Publié le 17 juin dernier, son dernier rapport dresse un état des lieux de la consommation de vêtements des Français·es l’an dernier. Il révèle que 3,5 milliards de produits textiles neufs ont été vendus dans le pays, soit 100 millions de plus qu’en 2023.

T-shirts, jeans, chaussures : quelle que soit la catégorie d’articles, les ventes ont augmenté. «Cela montre que la fuite en avant du secteur continue, analyse Pierre Condamine, de l’association de protection de l’environnement Les Amis de la Terre. Nous pensions avoir atteint un plafond, mais les chiffres de 2024 prouvent le contraire.»
Depuis l’année dernière, le vestiaire des Français·es s’est agrandi. En 2024, elles et ils ont acheté en moyenne 42 pièces neuves, dont 26 vêtements, quatre paires de chaussures, et 12 articles de linge de maison. «Pour une consommation soutenable, l’ordre de grandeur serait de cinq pièces par personne et par an ! analyse Flore Berlingen, cofondatrice de l’Observatoire du principe pollueur-payeur et coordinatrice du plaidoyer En Mode Climat. Ces chiffres illustrent bien la surconsommation des Français en matière d’habillement.»

À l’échelle mondiale, le secteur de l’industrie textile est responsable de près de 10% des émissions de gaz à effet de serre, autant que le transport aérien. Chaque année, la production s’accroit et engendre de multiples pollutions – de l‘eau et des sols. Et contribue à la déforestation : les cultures de coton prennent le pas, notamment au Brésil, sur les surfaces forestières. À cela s’ajoute le coût social de la surproduction : dans les usines de certaines régions du monde, notamment en Chine, les ouvrier·es sont sous-payé·es et les conditions de travail sont désastreuses – jusqu’à 18 heures de travail par jour par endroits.
Un rapport de l’Agence de la transition écologique (Ademe) publié le 23 juin révèle que huit Français·es sur dix s’accordent sur le fait que la crise climatique nous oblige à revoir nos modes de vie et de consommation. Pourtant – et alors même que leur pouvoir d’achat diminue d’année en année –, elles et ils achètent toujours plus. Cela s’explique par «la montée en puissance des acteurs de la fast fashion», analyse Flore Berlingen. Pierre Condamine abonde : «C’est la course à l’ultra-low cost, et au volume. Primark, Kiabi… pour un vêtement que Naf Naf ne vend plus, c’est un ou deux vêtements de ces marques qui sont achetés.»
Ce baromètre en est la preuve : 39% des achats de vêtements en 2024 concernaient des produits peu chers (4,20 euros en moyenne), en hausse de 2,7% par rapport à 2023. Le baromètre reste évasif concernant les lieux d’achat des Français·es, mais pointe la part croissante des achats en ligne dans la hausse de la consommation. Les pure players – ces enseignes uniquement disponibles sur internet – pèsent pour 72% de la hausse en 2024, détaille le rapport. «On sait ce qui se cache derrière ce terme : Shein, Temu et Amazon», analyse Pierre Condamine.
Vers un essor de la seconde main ?
Autre enseignement : plus d’un tiers des Français·es ont acheté une ou plusieurs pièces de seconde main en 2023 (ce volet de l’étude porte sur l’année précédente). Et, parmi elles et eux, 11% déclarent acheter uniquement ce type de vêtements. C’est «une dynamique prometteuse», salue Refashion. Pierre Condamine relativise : «Tant que le volume d’achat de neuf n’aura pas diminué, on ne pourra pas se réjouir de la hausse des achats de seconde main.» Surtout qu’«une grande partie des achats, sur Vinted notamment, porte sur des vêtements qui relèvent de la fast fashion, comme ceux de Shein par exemple.»

Il y a quelques semaines, la proposition de loi visant à limiter l’impact de l’industrie textile, plus connue sous le nom de loi «anti-fast fashion», a été adoptée par le Sénat. Le texte sera bientôt transmis à une commission mixte paritaire (CMP) – chargée de trouver un compromis entre les versions votées par l’Assemblée nationale et le Sénat – et pourrait faire de la France le premier pays à encadrer les pratiques de la fast fashion. Flore Berlingen de conclure : «Ce baromètre nous confirme que cette loi est d’autant plus d’actualité, et qu’elle est nécessaire si on veut s’attaquer à la question des volumes de production.»