Fluide glacial. Si traiter les lieux infestés avec des insecticides reste le moyen le plus répandu d’éradiquer les punaises de lit, la congélation constitue un autre recours, moins connu. Visite dans les frigos de la sociéte Freez’it, à Romainville, en banlieue parisienne.
Desservi par un long couloir où vont et viennent les employé·es des différentes entreprises occupant ces entrepôts d’un quartier de Romainville (Seine-Saint-Denis), le local de Freez’it est presque entièrement occupé par les chambres froides destinées au traitement des punaises de lit. Dylan Guillon demande à ses client·es de mettre leurs affaires à traiter dans de grands sacs-poubelle hermétiquement fermés qu’il vient récupérer en voiture dans Paris et sa banlieue. Les sacs sont ensuite entreposés à -20 °C minimum pendant près d’une semaine. De quoi tuer les punaises et leurs larves à coup sûr.
Dans ce froid, on trouve des vêtements, mais aussi de la literie, des meubles, des tapis et même des livres dans des cartons. Autant de biens pour lesquels les interventions avec produits, vapeur ou même un simple passage dans la machine à laver à 60°C peuvent entraîner des dégradations ou s’avèrent impossibles.
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«Avant, c’était un atelier de peintre. On a changé le sol pour installer les frigos et ajouté des fenêtres pour la ventilation». Dans la mezzanine surchauffée qui lui sert de bureau, juste au-dessus de deux mastodontes réfrigérants qui ronronnent, Dylan Guillon explique à Vert comment il en est venu à se spécialiser dans la congélation de punaises de lit.
«J’étais en alternance dans une entreprise qui proposait des traitements contre les insectes et les rats. En constatant à quel point les clients avaient besoin d’être accompagnés lorsqu’ils faisaient face à une infestation de punaises, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à développer», raconte-t-il. Si le secteur de l’intervention anti-parasites est dominé par les traitements chimiques, peu de prestataires proposent la congélation, une technique dans laquelle le jeune entrepreneur décide de se lancer à l’été 2021.
Selon des données de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publiées en juillet dernier, 11% des foyers français ont été infectés par des punaises de lit entre 2017 et 2022. Des chiffres en hausse, souligne l’Agence : «La recrudescence des infestations […] constatée ces dernières années s’explique notamment par l’essor des voyages et une résistance croissante des punaises aux insecticides».
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À raison d’une centaine d’euros pour 5 sacs de 100 litres, la congélation représente «un traitement de luxe», commente le gérant de Freez’it. Celui-ci prédit un retour au calme dans la demande après un mois de septembre un peu fou, «mais on risque à nouveau d’être débordé au moment des Jeux olympiques». Dans un courrier adressé à la Première ministre, la mairie de Paris demandait fin septembre au gouvernement de prendre sans délai des mesures face à ce problème «de santé publique» et d’organiser des Assises de la lutte contre les espèces invasives (notre article).
Si la congélation est présentée comme «fiable et écologique» sur le site de Freez’it, elle s’avère surtout énergivore. Dylan Guillon le reconnaît, avec sa petite unité qui occupe une surface de 40m2, réfrigérée 7/7 tout au long de l’année, la facture d’électricité, «ça fait mal». La douloureuse l’est-elle autant que des piqûres de punaises de lit ?
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