Reportage

À Romainville, des congélos géants contre les punaises de lit

  • Par

Flu­ide glacial. Si traiter les lieux infestés avec des insec­ti­cides reste le moyen le plus répan­du d’éradiquer les punais­es de lit, la con­géla­tion con­stitue un autre recours, moins con­nu. Vis­ite dans les fri­gos de la sociéte Freez’it, à Romainville, en ban­lieue parisi­enne.

Desservi par un long couloir où vont et vien­nent les employé·es des dif­férentes entre­pris­es occu­pant ces entre­pôts d’un quarti­er de Romainville (Seine-Saint-Denis), le local de Freez’it est presque entière­ment occupé par les cham­bres froides des­tinées au traite­ment des punais­es de lit. Dylan Guil­lon demande à ses client·es de met­tre leurs affaires à traiter dans de grands sacs-poubelle her­mé­tique­ment fer­més qu’il vient récupér­er en voiture dans Paris et sa ban­lieue. Les sacs sont ensuite entre­posés à ‑20 °C min­i­mum pen­dant près d’une semaine. De quoi tuer les punais­es et leurs larves à coup sûr.

Dans ce froid, on trou­ve des vête­ments, mais aus­si de la literie, des meubles, des tapis et même des livres dans des car­tons. Autant de biens pour lesquels les inter­ven­tions avec pro­duits, vapeur ou même un sim­ple pas­sage dans la machine à laver à 60°C peu­vent entraîn­er des dégra­da­tions ou s’avèrent impos­si­bles.

Dylan Guil­lon dans l’une de ses cham­bres réfrigérées. © Jen­nifer Gal­lé / Vert

«Avant, c’était un ate­lier de pein­tre. On a changé le sol pour installer les fri­gos et ajouté des fenêtres pour la ven­ti­la­tion». Dans la mez­za­nine sur­chauf­fée qui lui sert de bureau, juste au-dessus de deux mastodontes réfrigérants qui ron­ron­nent, Dylan Guil­lon explique à Vert com­ment il en est venu à se spé­cialis­er dans la con­géla­tion de punais­es de lit.

«J’étais en alter­nance dans une entre­prise qui pro­po­sait des traite­ments con­tre les insectes et les rats. En con­statant à quel point les clients avaient besoin d’être accom­pa­g­nés lorsqu’ils fai­saient face à une infes­ta­tion de punais­es, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à dévelop­per», racon­te-t-il. Si le secteur de l’intervention anti-par­a­sites est dom­iné par les traite­ments chim­iques, peu de prestataires pro­posent la con­géla­tion, une tech­nique dans laque­lle le jeune entre­pre­neur décide de se lancer à l’été 2021.

Selon des don­nées de l’Agence nationale de sécu­rité san­i­taire (Ans­es) pub­liées en juil­let dernier, 11% des foy­ers français ont été infec­tés par des punais­es de lit entre 2017 et 2022. Des chiffres en hausse, souligne l’Agence : «La recrude­s­cence des infes­ta­tions […] con­statée ces dernières années s’explique notam­ment par l’essor des voy­ages et une résis­tance crois­sante des punais­es aux insec­ti­cides».

Les sacs de vête­ments sont lais­sés plusieurs jours à ‑20°C min­i­mum pour tuer les punais­es. © Jen­nifer Gal­lé / Vert

À rai­son d’une cen­taine d’euros pour 5 sacs de 100 litres, la con­géla­tion représente «un traite­ment de luxe», com­mente le gérant de Freez’it. Celui-ci prédit un retour au calme dans la demande après un mois de sep­tem­bre un peu fou, «mais on risque à nou­veau d’être débor­dé au moment des Jeux olympiques». Dans un cour­ri­er adressé à la Pre­mière min­istre, la mairie de Paris demandait fin sep­tem­bre au gou­verne­ment de pren­dre sans délai des mesures face à ce prob­lème «de san­té publique» et d’organiser des Assis­es de la lutte con­tre les espèces inva­sives (notre arti­cle).

Si la con­géla­tion est présen­tée comme «fiable et écologique» sur le site de Freez’it, elle s’avère surtout éner­gi­vore. Dylan Guil­lon le recon­naît, avec sa petite unité qui occupe une sur­face de 40 m², réfrigérée 7/7 tout au long de l’année, la fac­ture d’électricité, «ça fait mal». La douloureuse l’est-elle autant que des piqûres de punais­es de lit ?