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Justice climatique : en Allemagne, ce paysan des montagnes du Pérou veut faire payer l’un des plus gros pollueurs d’Europe

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This is the Andes. D’un côté, un géant allemand de l’énergie. De l’autre, un agriculteur de la cordillère des Andes menacé par le réchauffement climatique. À première vue, tout les oppose : ils se retrouvent pourtant cette semaine, en Allemagne, pour un procès emblématique du principe de pollueur-payeur.

C’est le nouvel épisode d’un combat judiciaire long de dix ans. Ce lundi, Saul Luciano Lliuya, un agriculteur péruvien dont la maison est menacée par la fonte des glaciers liée au changement climatique, se retrouve au tribunal de Hamm (Allemagne), face au géant allemand de l’énergie RWE. Cet éleveur de poulets et de moutons (également cultivateur de maïs et de quinoa) basé à Huaraz, dans les montagnes de l’ouest du Pérou, demande à l’énergéticien de réparer les effets du changement climatique dans les Andes. Pour cause, RWE exploite des centrales électriques à charbon, particulièrement émettrices de gaz à effet de serre, qui entraînent le réchauffement global de la planète.

Selon l’ONG allemande Germanwatch, la maison de l’agriculteur est menacée par la fonte des glaciers voisins, qui ont déjà fait «remonter dangereusement à plusieurs reprises» le niveau du lac Palcacocha. Cette retenue d’eau est devenue — avec le réchauffement climatique — une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de sa ville.

Saul Luciano Lliuya, en novembre 2016 à Essen (Allemagne), où se trouve le siège de RWE. © Alexander Luna/Wikimedia

«Les glaciers sont en train de fondre, de disparaître petit à petit, a alerté l’agriculteur de 44 ans, ce lundi matin avant l’audience. Certains lacs comme celui de Palcacocha sont devenus un risque pour moi et pour plus de 50 000 personnes qui vivent dans cette zone.»

Associé à Germanwatch, Saul Luciano Lliuya demande à RWE, l’un des principaux groupes énergétiques d’Allemagne, de participer financièrement à des travaux au Pérou pour réduire le niveau d’eau du lac. Pourtant, RWE n’a aucune centrale au Pérou.

Si les plaignants demandent au groupe d’agir, c’est parce qu’il fait partie des trois plus grands émetteurs de gaz à effet de serre en Europe. Il est responsable de 0,38% des émissions mondiales, selon un rapport de la base de données Carbon majors. Les requérants exigent donc que l’entreprise prenne une part correspondante à ces émissions pour récolter les 3,5 millions d’euros nécessaires aux travaux.

RWE juge la requête «inadmissible»

La requête de Saul Luciano Lliuya avait d’abord été retoquée, en première instance, avant d’être finalement jugée recevable fin 2017. Un revirement qui avait suscité l’espoir des militant·es de l’environnement d’en faire un cas précurseur de «justice climatique mondiale». Selon ce concept politique, les pays et entreprises du Nord — qui polluent le plus à l’échelle mondiale — doivent dédommager les pays du Sud — victimes de la pollution. Depuis, la procédure a avancé lentement, ralentie notamment par la pandémie de Covid-19. En 2022, neuf expert·es mandaté·es par le tribunal se sont rendu·es au Pérou observer la situation. «Je n’aurais jamais pensé que cela prendrait autant de temps», a soufflé Saul Luciano Lliuya avant le début du procès ce lundi matin.

De son côté, l’énergéticien allemand juge la requête «juridiquement inadmissible». Saul Luciano Lliuya «tente de créer un précédent selon lequel chaque émetteur individuel de gaz à effet de serre en Allemagne pourrait être tenu légalement responsable des effets du changement climatique dans le monde», a estimé le groupe dans une déclaration transmise à l’Agence France-Presse. Or, il n’est «pas possible d’attribuer juridiquement les effets spécifiques d’un changement climatique à un seul émetteur», a souligné RWE, qui exploite en Allemagne plusieurs mines de lignite, un charbon fossile très polluant.

Trois jours d’audience

Le groupe soutient qu’il a toujours respecté les réglementations nationales sur les émissions de gaz à effet de serre et qu’il s’est fixé l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. RWE s’est engagé à cesser la production d’électricité au charbon d’ici à 2030 dans le bassin rhénan, tout en investissant massivement dans l’éolien et le solaire.

Avec cette procédure, Germanwatch dit vouloir faire «pression» pour forcer les responsables politiques «à agir et à dire que, oui, les grands émetteurs sur cette planète doivent finalement contribuer sur le principe de pollueur-payeur», a déclaré ce lundi Christoph Bals, directeur politique de l’ONG.

Le tribunal doit d’abord évaluer le risque de crue pour la maison de l’agriculteur. Si celui-ci est considéré comme sérieux, il examinera ensuite dans quelle mesure le changement climatique et les émissions de RWE contribuent à une potentielle inondation. L’audience doit durer jusqu’à mercredi.

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