Comme tous les ans, l’ONG Global Footprint Network a estimé la date à laquelle l’humanité aurait épuisé son quota de ressources planétaires pour l’année. Pour 2024, ce sera le cas dès le 1ᵉʳ août, soit un jour plus tôt qu’en 2023. Vert fait le point sur cette date, symbole de notre surconsommation.
«Nous avons consommé en sept mois ce que la Terre peut nous offrir en un an», alerte Joost Brinkman, de Global Footprint Network, l’ONG à l’origine de ces calculs. Ce jeudi, le monde atteint le «jour du dépassement», c’est-à-dire le jour où l’humanité a épuisé l’équivalent des ressources naturelles que la planète est capable de produire en un an ou d’absorber comme déchets.
Ce jour fatidique arrive un jour plus tôt que l’année dernière ; en 1970, il intervenait le 29 décembre. «C’est un échec des politiques, des entreprises et des individus, un échec collectif», déplore Jean Burkard, directeur de plaidoyer à WWF. Pour Jean-Louis Bergey, coordinateur de la prospective à l’Agence de la transition écologique (Ademe), «cela signifie que nous reculons encore, que nous consommons toujours plus».
Développé en 2003 et dévoilé chaque année depuis 2006, cette indicateur a le mérite de marquer les esprits. «C’est un concept qui présente bien sûr des limites théoriques et scientifiques, mais c’est surtout un outil de communication puissant», affirme le coordinateur de l’Ademe.
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Un calcul théorique englobant
Cette date, dévoilée chaque année par l’ONG Global Footprint Network, est calculée à partir de la «biocapacité» et «l’empreinte écologique». La première correspond à «la capacité de notre planète à produire des matériaux “biologiques” tels que la nourriture, le bois, le bétail, le poisson», détaille Joost Brinkman. Par exemple, la biocapacité diminue en cas de déforestation. «L’empreinte écologique est l’inverse de la capacité biologique : elle indique ce que nous utilisons pour vivre notre vie», poursuit-il.
L’addition de ces deux évaluations permet de mettre en évidence si une population utilise trop de ressources par rapport à ce que la zone qu’elle habite est en mesure de lui offrir. C’est pourquoi l’ONG a aussi évalué ce jour du dépassement pays par pays. En 2024, la France l’a atteint dès le 7 mai.
Autre mode de calcul : il faudrait aujourd’hui 1,75 planète Terre pour subvenir à nos besoins annuels ; 3,3 si tout le monde vivait comme des Français·es et 5 comme des Américain⸱es.
«La majorité des pays du Nord présentent des dates en avance sur la date mondiale, et celles des pays du Sud ne cessent d’avancer, analyse Jean Burkard de WWF. Nos habitudes de surconsommation représentent un modèle que les autres pays souhaitent mettre en place. Nous devons proposer un modèle alternatif». La mise à jour des dates permet de mesurer l’«évolution du monde vers un mode de vie américain et européen», des mots de Jean-Louis Bergey.
Alors que le jour du dépassement intervient cinq mois plus tôt qu’il y a 50 ans et qu’il stagne depuis une quinzaine d’années, les réactions divergent. Le directeur de plaidoyer du WWF s’inquiète : «On n’est pas capables de faire reculer cette date. On connaît les problèmes et les solutions, mais on est incapables de les mettre en œuvre».
Joost Brinkman se montre plus optimiste : «On peut espérer être à l’aube d’un tournant, car nous devrions atteindre un pic d’émission de CO2 bientôt». L’Agence internationale de l’énergie prévoit effectivement que les émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie atteignent un sommet historique en 2025 avant de décroître, ce qui engendrerait une baisse de l’empreinte carbone ainsi que de l’empreinte écologique.
Un outil de communication puissant
Le jour du dépassement, «c’est le meilleur indicateur qu’on ait trouvé. Lorsqu’on parle de vie à crédit, c’est bien plus parlant qu’une quantité de CO2 émise dans l’atmosphère», assure Jean Burkard. C’est surtout le moment de répéter ce que disent scientifiques et ONG depuis des années : «On doit aller vers la sobriété, appuie le chef de projet de l’Ademe. Il faut un mouvement individuel et collectif, même s’il est compliqué de remettre en question le modèle économique. On peut faire du business autrement. On peut par exemple louer au lieu d’acheter».
Pour Joost Brinkman, le jour du dépassement permet de se questionner plus largement : «Souhaitons-nous le désastre ou vivre dans un monde viable ?».
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Photo d’illustration : © Fateme Alaie / Unsplash