Décryptage

«Il fait 15 degrés et ils nous parlent de réchauffement climatique» : c’est quoi la différence entre la météo et le climat ?

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Météo et débats. Il suf­fit sou­vent d’une légère baisse des tem­péra­tures pour déchaîn­er les pas­sions de celles et ceux qui remet­tent en cause la réal­ité du dérè­gle­ment cli­ma­tique. Bien que liés, la météo et le cli­mat sont en réal­ité très dif­férents.

«On est début juil­let, il fait 15 degrés et ça nous par­le de réchauf­fe­ment cli­ma­tique», «Quand on doit porter un pull-over au mois de juil­let, peut-on vrai­ment par­ler de réchauf­fe­ment cli­ma­tique ?» : ces jours-ci, les mes­sages de ce style pul­lu­lent sur les réseaux soci­aux. Ces dis­cours aux relents par­fois com­plo­tistes sem­blent tous ignor­er le cœur du prob­lème : la météo et le cli­mat, ça n’est pas du tout la même chose.

© Cap­ture d’écran X

La grande dif­férence réside dans l’échelle de temps. La météo se con­cen­tre sur l’étude des phénomènes atmo­sphériques (tem­péra­ture, plu­viométrie, vent, pres­sion, humid­ité, etc) à court terme, qui per­met notam­ment de prévoir le temps qu’il fait à un moment et dans un lieu don­né. Elle peut vari­er d’une heure ou d’un jour à l’autre.

Le cli­mat est l’analyse des con­di­tions météorologiques sur une longue péri­ode — par con­ven­tion, les cli­ma­to­logues utilisent une péri­ode de référence de 30 ans (on se réfère actuelle­ment aux moyennes des années 1991 à 2020). «Le cli­mat cor­re­spond à l’agglomération de la météo sur le long terme qui nous per­met de définir la “carte d’identité” d’une région don­née», explique à Vert Matthieu Sorel, cli­ma­to­logue chez Météo-France.

«Pour avoir une image plus par­lante, on peut se dire que la météo, c’est votre humeur du jour. D’un jour à l’autre, on peut se réveiller fatigué, de mau­vais poil, ou super con­tent. Alors que le cli­mat, c’est votre car­ac­tère et ce qui vous définit en tant que per­son­ne à long terme : impa­tient, colérique, calme, etc», illus­tre Matthieu Sorel.

Cette notion de tem­po­ral­ité est essen­tielle : une aug­men­ta­tion de la tem­péra­ture de 4°C sur une journée n’entraînera pas de con­séquences mar­quantes, alors qu’une hausse du mer­cure de 4°C à l’échelle d’un siè­cle représente un cli­mat rad­i­cale­ment dif­férent. Par exem­ple, lors de la dernière ère glaciaire, il y a 20 000 ans, la tem­péra­ture moyenne en Europe était inférieure de 5°C à celle d’aujourd’hui, et la glace recou­vrait tout le nord du con­ti­nent.

Mal­gré tout cela, la météo et le cli­mat demeurent étroite­ment con­nec­tés et inter­dépen­dants. «Les vari­a­tions météorologiques à court terme peu­vent être influ­encées par les con­di­tions cli­ma­tiques de fond, tan­dis que les change­ments cli­ma­tiques à long terme peu­vent mod­i­fi­er les sché­mas météorologiques régionaux et mon­di­aux», détaille Météo-France.

Un début d’été finalement pas si frais

Si les Français·es ont l’impression d’avoir vécu un print­emps très maus­sade et de subir un début d’été plutôt frais, les tem­péra­tures sont en réal­ité plutôt con­formes aux nor­males de sai­son. Ce décalage entre le ressen­ti et la réal­ité est dû au fait que l’on s’habitue peu à peu à vivre dans un cli­mat plus chaud, alors même qu’il est loin d’être «nor­mal». «C’est juste que l’on a com­plète­ment changé de référen­tiel», juge Matthieu Sorel.

Si l’Europe de l’Ouest (dont la France) est au niveau ou un peu en dessous des nor­males de sai­son, cela n’empêche pas le reste du monde de subir un été par­ti­c­ulière­ment tor­ride pour le moment — dont l’Europe de l’Est et l’Afrique du Nord, mais aus­si l’ouest des États-Unis. En Europe de l’Est, les tem­péra­tures peu­vent attein­dre jusqu’à 12 ou 14 degrés de plus que les moyennes des 30 dernières années. © Cli­mate book

Par ailleurs, l’évolution incon­testable du cli­mat à la hausse n’empêche pas l’arrivée d’événements extrêmes plus froids. «La ten­dance à long terme fait que l’on va vers un réchauf­fe­ment des tem­péra­tures et des étés de plus en plus chauds, mais ça ne sig­ni­fie pas que l’on ne peut pas avoir des étés plus frais ou équiv­a­lents à la moyenne par exem­ple», décrypte le cli­ma­to­logue. Depuis début 2024, le nom­bre de records de tem­péra­tures bat­tus dans les dif­férentes sta­tions de mesure du réseau Météo-France s’élève à sept pour les records de froid… et à 357 pour les records de chaud. «Sans équiv­oque, le match est iné­gal», tranche Matthieu Sorel.