Décryptage

Ils «ne bossent pas» et «bloquent toute avancée environnementale» : le piètre bilan des Républicains au Parlement européen

Pas fantôme, mais presque, la droite française n’imprime plus à Bruxelles. En revanche, elle appartient au groupe le plus puissant du Parlement, qui s’oppose de plus en plus aux efforts de transition écologique en Europe.
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Depuis les pre­mières élec­tions européennes en 1979, le Par­ti pop­u­laire européen (PPE) a dom­iné le Par­lement européen sans dis­con­tin­uer. Alors que les pro­jec­tions de vote prévoient bien des boule­verse­ments, son poids dans le prochain hémi­cy­cle devrait, lui, rester remar­quable­ment sta­ble après les élec­tions de juin — env­i­ron 25% des sièges.

Une ques­tion demeure entière à ce stade : avec qui le PPE s’associera-t-il au moment de se pronon­cer sur de prochaines régle­men­ta­tions envi­ron­nemen­tales ? Car sur ce sujet, le par­ti a large­ment changé de posi­tion en cours de man­dat.

Des marches pour le climat…

Il y a d’abord eu, en 2019, le lance­ment du Pacte vert européen par la prési­dente de la Com­mis­sion européenne Ursu­la Von der Leyen, elle-même mem­bre du PPE. Ce paquet de près de 70 textes vise à trans­former l’économie du Vieux con­ti­nent pour divis­er par deux les émis­sions de gaz à effet de serre dès 2030 (par rap­port à 1990) et attein­dre la neu­tral­ité car­bone en 2050.

«Le PPE n’a pas for­cé­ment bien vécu le fait qu’Ursula von der Leyen mette le Green deal au cœur de son pro­gramme», rap­pelle Car­o­line François-Marsal, respon­s­able Europe au Réseau action cli­mat. «Mais à l’époque, la pres­sion de la société civile était forte, notam­ment avec les march­es pour le cli­mat.»

Aux côtés de la gauche et des écol­o­gistes, le PPE sou­tient alors des objec­tifs ambitieux sur le développe­ment des éner­gies renou­ve­lables ou les efforts d’efficacité énergé­tique. Il vote égale­ment l’instauration d’une taxe car­bone aux fron­tières de l’Europe ou la réforme du marché européen du car­bone, qui aboutit à aug­menter le prix des «droits à pol­luer».

L’eurodéputée LR Nadine Mora­no, au Par­lement européen de Stras­bourg. © Frédérick Florin/AFP

… à la colère des agriculteurs

Mais, en cours de man­dat, «il y a eu un ren­verse­ment poli­tique total», expli­quait l’é­col­o­giste Marie Tou­s­saint à Vert, il y a quelques semaines. «La droite s’est mise à pactis­er avec l’extrême droite et on est passé des petits pas aux grands reculs», détail­lait-elle.

«Les votes du PPE sont de plus en plus con­ver­gents avec ceux de la droite ultra-con­ser­va­trice et extrême», con­firme Car­o­line François-Marsal. Cette alliance s’est con­crétisée lors du vote sur la fin de la vente des voitures ther­miques neuves à par­tir de 2035 ; la droite et l’extrême droite ont voté con­tre, sans par­venir à faire échouer le texte pour autant. En revanche, sur les sujets liés à l’agriculture, elles ont obtenu le rejet du règle­ment sur la réduc­tion des pes­ti­cides et vidé de leur sub­stance les lois sur la restau­ra­tion de la nature ou les émis­sions des éle­vages indus­triels.

«Ils ont fait de l’agriculture un sujet de cam­pagne, allant con­tre toutes les avancées envi­ron­nemen­tales», con­state Car­o­line François-Marsal. «La récupéra­tion poli­tique est presque évi­dente», con­firme Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en poli­tique européennes de l’énergie à l’Institut Jacques Delors. «Il y a cinq ans, ce qui avait mar­qué la cam­pagne, c’é­taient les jeunes de Fri­days for future [à l’origine des grèves pour le cli­mat, NDLR]. Aujourd’hui c’est la colère des agricul­teurs.»

Des Républicains encore plus conservateurs

Sur cet échiquier européen, les huit eurodéputé·es issu·es de la droite française pèsent «objec­tive­ment peu», con­fient plusieurs spé­cial­istes interrogé·es par Vert. Du reste, «ils ne bossent pas» et ont des indi­ca­teurs de par­tic­i­pa­tion extrême­ment faibles sur les sites recen­sant l’activité des par­lemen­taires. Les ex-lieutenant·es de la Sarkozie — Nadine Mora­no ou Brice Hort­e­feux — sont par­ti­c­ulière­ment visés, «qui pren­nent le Par­lement pour un plac­ard doré», glisse un expert en off.

Les votes des eurodéputé·es LR les révè­lent arrimés aux préoc­cu­pa­tions français­es plutôt qu’aux enjeux européens. Prenant le con­tre-pied du PPE, les Répub­li­cains n’ont pas soutenu la direc­tive por­tant sur le déploiement des éner­gies renou­ve­lables, y voy­ant une con­cur­rence à l’électricité nucléaire en France. «Dans la logique de droiti­sa­tion du par­ti en France, ils se sont mon­trés de plus en plus con­ser­va­teurs par rap­port au reste du PPE», ajoute Phuc-Vinh Nguyen. Il est loin, le temps des march­es cli­mat.

Les Répub­li­cains n’ont pas don­né suite à nos deman­des d’interview.