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Hausse des prix à la pompe : automobilistes cherchent alternatives

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Alors que le gou­verne­ment cherche à con­tenir l’aug­men­ta­tion du prix du car­bu­rant, les Français·es s’or­gan­isent pour lim­iter l’usage de la voiture. Au-delà du change­ment dans les habi­tudes, il faut aus­si amélior­er les infra­struc­tures.

Ça fait essence ? Le pre­mier min­istre, Jean Cas­tex, a annon­cé same­di une « remise à la pompe de 15 cen­times par litre » pour l’ensemble des Français·es. Une mesure d’urgence large­ment cri­tiquée par les adver­saires d’Emmanuel Macron, dont certain·es dénon­cent une mesure tar­dive – elle n’entrera en vigueur que le 1er avril – coû­teuse et iné­gal­i­taire.

Ce coup de pouce « n’est pas ciblé sur ceux qui subis­sent le plus grave­ment les con­séquences de la hausse des car­bu­rants en ter­mes d’inégalités sociales et ter­ri­to­ri­ales », a ain­si déclaré Del­phine Batho, porte-parole de l’écologiste Yan­nick Jadot. Et pour cause : une remise de 15 cen­times par litre sur le car­bu­rant (alors que le prix du litre de sans-plomb dépasse allè­gre­ment les 2€ dans la plu­part des sta­tions-ser­vice français­es) béné­ficiera en défini­tive davan­tage aux plus aisés. En effet, plus on est riche, et plus on par­court de kilo­mètres. C’est ce qu’a révélé la dernière « Enquête mobil­ité des per­son­nes » de l’Insee, pub­liée en jan­vi­er 2022 (notre décryptage).

Le 1er décile cor­re­spond aux 10% des ménages les plus pau­vres © Math­ieu Chas­signet à par­tir des don­nées du MTES

Con­traire­ment à une idée répan­due, les plus aisé·es vivent égale­ment plus loin de leur lieu de tra­vail que les plus pré­caires. Autre enseigne­ment de cette vaste étude : 41 % des tra­jets en voiture font moins de 5 km (con­tre 45 % en 2008) et « la pro­por­tion monte à 62 % pour les tra­jets inférieurs à 10 km » — des dis­tances fais­ables à vélo, « éventuelle­ment avec l’aide d’une assis­tance élec­trique (rap­pelons qu’il s’est ven­du, en 2020, plus de 500 000 vélos à assis­tance élec­trique) », a expliqué sur Twit­ter l’ingénieur spé­cial­iste des mobil­ités Math­ieu Chas­signet.

Comment la France s’organise

Cov­oiturage, télé­tra­vail, économies sur d’autres dépens­es… En atten­dant, les auto­mo­bilistes doivent s’organiser. Si certain·es ont déjà pris d’autres habi­tudes suite à l’épidémie de Covid-19, cette flam­bée des prix relance les inquié­tudes des pro­fes­sions les plus exposées à une hausse et le débat autour de l’usage de la voiture. Et toutes les alter­na­tives au pét­role sem­blent bonnes à pren­dre.

Depuis un an, la con­ver­sion à l’éthanol de moteurs à essence a le vent en poupe, explique Sud-Ouest : « à moins d’un euro le litre, le bioéthanol per­met aux con­duc­teurs de faire baiss­er de moitié la fac­ture à la pompe », affirme le quo­ti­di­en, qui donne la parole à des pro­fes­sion­nels sub­mergés de deman­des. « Au départ, on posait entre cinq et quinze boîtiers par an. Aujourd’hui, c’est cinq par semaine », explique ain­si un garag­iste qui pré­cise que seuls les moteurs à essence sont con­vert­ibles.

À Damazan (Lot-et-Garonne), on mise juste­ment sur le biogaz pour véhicule (BioGNV). Dans la sta­tion située en bor­dure de l’autoroute A 62, cette ver­sion 100 % renou­ve­lable du GNV (issu de la val­ori­sa­tion de la matière organique par méthani­sa­tion), y est ven­due 1,20 euro le kilo, soit l’équivalent d’un litre de car­bu­rant, rap­porte Sud-Ouest. Un tarif garan­ti par le groupe Pujol et la société d’économie mixte (SEM) Aver­gies, qui ont négo­cié des prix fer­mes pen­dant trois ans. « L’une de nos mis­sions de développe­ment des éner­gies renou­ve­lables en Lot-et-Garonne con­cerne la méthani­sa­tion agri­cole, et donc la pro­duc­tion de BioGNV », explique Pas­cal de Ser­met, élu de l’agglomération age­naise, « l’autonomie passe par un objec­tif pré­cis : celui d’ouvrir une cinquan­taine de méthaniseurs agri­coles, à l’horizon 2050 ».

À Castel­nau-Pégay­rols (Avey­ron), l’as­so­ci­a­tion Inno­va­tion-véhicules doux (In’VD) milite pour sor­tir les ter­ri­toires ruraux de leur dépen­dance à la voiture indi­vidu­elle, comme le racon­te France Info. Michel Jacquemin, co-prési­dent de l’association, y présente le ‘Vélo­to’, « un véhicule à qua­tre roues et à pédales, doté de deux places assis­es et d’une assis­tance élec­trique per­me­t­tant de grimper à 45 km/h sans effort ». Cet engin, qui « n’est plus un vélo, mais pas encore une auto­mo­bile » par­ticipe à l’ensemble des tests menés par In’VD pour « met­tre au point un véhicule léger, peu pol­lu­ant, capa­ble, dans ce ter­ri­toire rur­al et escarpé, de rem­plac­er la voiture ther­mique ». L’association organ­ise aus­si des « semaines sans ma voiture » (voir la vidéo suiv­ante) durant lesquelles les habi­tants peu­vent tester l’usage de ces véhicules non pol­lu­ants.

Une question de vision politique

Au-delà du change­ment d’habitudes, il faut aus­si amélior­er les infra­struc­tures, pour qu’elles offrent plus de place aux nou­veaux moyens de cir­culer : « 60 % des Français·es sont prêts à se déplac­er (par­fois) à vélo si on leur offre de bonnes con­di­tions pour le faire », relève Math­ieu Chas­signet. Un chantier dont s’empare In’VD avec les col­lec­tiv­ités locales (dont la mairie de Mil­lau).

Fin févri­er, le jour­nal­iste Olivi­er Raze­mon, spé­cial­iste des mobil­ités douces, insis­tait aus­si sur le rôle du vélo pour revi­talis­er les villes et lim­iter l’usage sys­té­ma­tique de la voiture : sa démon­stra­tion prou­ve à quel point l’avenir dépend de la capac­ité à repenser la place de la voiture et du park­ing dans l’amé­nage­ment urbain.

Autre motif qui con­damne les citoyen·nes à utilis­er leur voiture et que ne règ­lent pas les mesures d’ur­gence de l’exé­cu­tif : l’absence fréquente d’alternatives en trans­ports en com­mun. À Cler­mont-Fer­rand, relève Reporterre, les participant·es à la marche « Look Up » pour le cli­mat de same­di dernier man­i­fes­taient pour point­er le manque de trans­ports en com­mun, l’in­vestisse­ment pub­lic dans la ligne aéri­enne Cler­mont-Orly plutôt que dans le fer­rovi­aire, la dif­fi­culté à faire du vélo dans les moyennes mon­tagnes, etc.

La bataille est poli­tique. Sur le site du réseau mon­di­al Car­free, qui fédère un col­lec­tif inter­na­tion­al de lutte con­tre la dépen­dance auto­mo­bile, Mar­cel Robert estime que cet événe­ment doit servir de déclencheur : « C’est l’occasion de repenser la société fondée sur le tout auto­mo­bile, de relo­calis­er l’économie, de priv­ilégi­er les trans­ports en com­mun, la marche et le vélo et de chercher enfin à réduire la pol­lu­tion dont nous souf­frons tous. »

Au-delà de cette « remise car­bu­rant » donc, et du pas­sage à la voiture élec­trique van­tée par la plu­part des candidat·es, la mobil­ité douce s’organise aisé­ment pour qui sait cor­recte­ment l’anticiper.