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Granulés plastiques sur les plages : un « cauchemar environnemental »

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La pilule blanche. Depuis des semaines, d’immenses quan­tités de petites billes en plas­tique s’échouent sur les plages du lit­toral français, provo­quant des rav­ages sur la bio­di­ver­sité marine et ter­restre. Ces derniers jours, plusieurs plaintes ont été déposées par les autorités publiques pour met­tre fin à l’impunité des indus­triels à l’origine des pol­lu­tions.

Après le Fin­istère et la Vendée, le fléau des micro-billes a essaimé sur les plages de Loire-Atlan­tique ces derniers jours. Ce week-end, à l’appel de l’ONG Surfrid­er, de vastes opéra­tions de col­lectes ont été menées par des bénév­oles pour net­toy­er la côte Ouest de ces gran­ulés plas­tiques indus­triels (GPI), appelés encore « pel­lets » ou « larmes de sirène ». Une opéra­tion par­ti­c­ulière­ment ardue, tant ces petites sphères blanch­es s’infiltrent dans les moin­dres recoins.

Mer­cre­di 18 jan­vi­er, Christophe Béchu, le min­istre de la tran­si­tion écologique, a lui-même recon­nu qu’il s’agissait d’un « cauchemar envi­ron­nemen­tal ». Quelques jours plus tard, il ajoutait que l’État inten­terait une action en jus­tice aux côtés des col­lec­tiv­ités locales. Les maires de Por­nic (Jean-Michel Brard) et des Sables‑d’Olonne (Yan­nick More­au) ain­si que la prési­dente (ex-LR) de la région Pays de la Loire, Chris­telle Morançais, ont décidé de porter plainte con­tre X devant le pro­cureur de la République.

Ce fléau représente un dan­ger pour les ani­maux marins qui les ingèrent par mégarde. Souil­lant les plages, ils per­turbent par ailleurs les écosys­tèmes, entra­vant notam­ment la ponte des tortues. D’après un rap­port de la Com­mis­sion européenne de 2018, près de 160 000 tonnes de ces micro-billes en plas­tique sont per­dues chaque année sur le ter­ri­toire européen, soit l’équivalent de 40 mil­liards de bouteilles ou en plas­tique ou du poids de 16 tours Eif­fel.

Trans­portés par voie mar­itime puis stock­és dans des con­teneurs, les pel­lets ser­vent de matière pre­mière à la pro­duc­tion de la qua­si-total­ité des pro­duits en plas­tique. Pour le Cen­tre de doc­u­men­ta­tion, de recherche et d’ex­péri­men­ta­tions sur les pol­lu­tions acci­den­telles des eaux (Cedre), qui a mené des recherch­es sur le lit­toral français, l’origine indus­trielle de cette pol­lu­tion ne fait « aucun doute ».

Selon Kevin Tal­lec, ingénieur et enquê­teur au Cedre, il est « dif­fi­cile par con­tre de dire si ces gran­ulés […] provi­en­nent d’un con­teneur tombé en mer ou d’une fuite d’un site indus­triel situé dans l’es­tu­aire de la Loire ». L’ONG Surfrid­er a ain­si appelé à des actions d’activisme pour « inter­peller l’industrie pétrochim­ique » et deman­der des mesures plus con­traig­nantes à l’échelle européenne afin d’empêcher la sur­v­enue de ces marées blanch­es.

La loi française ne sem­ble plus suf­fire. Pub­lié en 2021, un décret d’application de la loi anti-gaspillage impose aux fab­ri­cants et aux dis­trib­u­teurs de met­tre en place des actions de préven­tion pour lim­iter les fuites de gran­ulés au moment des opéra­tions de manu­ten­tion. « Mais ces procé­dures ne s’appliquent pas en dehors du ter­ri­toire français, et sont insuff­isantes pour prévenir les autres caus­es de pol­lu­tion telles que les pertes de con­teneurs », souligne encore Surfrid­er.

Des con­cer­ta­tions ont lieu en ce moment même dans le cadre du Traité mon­di­al sur la pol­lu­tion plas­tique, dont la France accueillera une ses­sion au print­emps. Christophe Béchu a assuré qu’il « pousserait sur ce sujet » au moment des négo­ci­a­tions inter­gou­verne­men­tales.