Portrait

Épinglée pour des propos climatosceptiques, la députée LR Anne-Laure Blin persiste et signe

Dans une vidéo de mars 2021 qui vient de refaire surface, la députée Les Républicains (LR) Anne-Laure Blin est prise en flagrant délit de déni climatique. Soutien de la candidate à l'élection présidentielle Valérie Pécresse, celle-ci persiste et signe, défendant une « écologie de réalisme et de bon sens » et le « droit au débat sans devoir toujours obéir au diktat de la pensée unique ».
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Si l’équipe de cam­pagne de Valérie Pécresse ne compte aucune femme, il en est une à la tête de son comité de sou­tien du Maine-et-Loire qui fait déjà par­ler d’elle. Anne-Lau­re Blin, 38 ans, est députée de ce départe­ment depuis sep­tem­bre 2020. Par­lemen­taire ultra-con­ser­va­trice, on lui doit l’amendement qui a main­tenu la clause de con­science réser­vant le droit aux médecins de refuser de pra­ti­quer un avorte­ment. Durant les débats sur la loi cli­mat présen­tée à l’Assemblée nationale avant l’été, elle avait aus­si martelé son oppo­si­tion à ce qu’elle qual­i­fi­ait d’« écolo­gie puni­tive. Une écolo­gie dog­ma­tique qui anni­hile le bon sens et qui ne prend pas en compte les avis de nos agricul­teurs, de nos éleveurs, de nos chefs d’entreprises. » Plus récem­ment, elle fut la seule députée Les Répub­li­cains (LR) à s’opposer à la loi con­tre la mal­trai­tance ani­male, adop­tée en décem­bre dernier.

L’ancienne col­lab­o­ra­trice de l’ex-député LR Jean-Charles Tau­gour­deau fait fruc­ti­fi­er l’héritage de son prédécesseur. En décem­bre 2019, celui-ci avait déclaré dans l’hémicycle : « Tous ceux qui tra­vail­lent n’en peu­vent plus de la mul­ti­tude des normes édic­tées au nom du développe­ment durable et du pré­ten­du réchauf­fe­ment cli­ma­tique ».

Dans une vidéo de LCP exhumée ce dimanche, vue plus de 140 000 fois en quar­ante-huit heures, Anne-Lau­re Blin fustige la « doxa pop­u­laire qui dit qu’il faut acter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique ». Elle demande à avoir « des élé­ments qui prou­vent le réchauf­fe­ment cli­ma­tique », con­statant que « la sci­ence n’est pas unanime sur cette ques­tion ». Or, c’est faux et les élé­ments de preuves sont légion.

Le Groupe d’ex­perts inter­gou­verne­men­tal sur l’évo­lu­tion du cli­mat (Giec) regroupe plusieurs cen­taines de chercheur·ses du monde entier qui ont passé en revue l’ensemble des pub­li­ca­tions sur le sujet. Dans la par­tie sci­en­tifique de son 6ème rap­port, parue en août, il estime désor­mais « indis­cutable » l’influence humaine sur l’élévation des tem­péra­tures (Vert). Sa vice-prési­dente, la cli­ma­to­logue Valérie Mas­son-Del­motte, a d’ailleurs invité la représen­tante à « vis­iter un lab­o­ra­toire de recherch­es en sci­ences du cli­mat » et lui a pro­posé de répon­dre à ses ques­tions sur le rap­port du Giec. 

L’ex­trait de la vidéo de LCP où Anne-Lau­re Blin dénonce la « doxa pop­u­laire » sur le réchauf­fe­ment cli­ma­tique © LCP

C’est l’assistant par­lemen­taire du député écol­o­giste Matthieu Orphe­lin, David Glotin, qui a déter­ré cette séquence de mars 2021, ce dimanche. Inter­rogé par Vert, Matthieu Orphe­lin se dit « extrême­ment choqué » par les pro­pos « cli­ma­toné­ga­tion­nistes » de sa voi­sine de cir­con­scrip­tion du Maine-et-Loire. « Quand on est député, on n’a pas le droit d’injurier la sci­ence ». Dans la même veine, le can­di­dat EELV à l’élec­tion prési­den­tielle Yan­nick Jadot s’est exclamé sur Twit­ter : « Dire cela en 2022, c’est crim­inel ! ». 

Mal­gré le tol­lé sur les réseaux, Anne-Lau­re Blin main­tient sa posi­tion. Dans un com­mu­niqué envoyé à la presse ce lun­di, elle per­siste, accu­sant la « doxa qui voudrait réduire l’Homme à son empreinte écologique et à ses actions néfastes pour l’environnement » et revendique le « droit au débat sans devoir tou­jours obéir au dik­tat de la pen­sée unique ». Jouant au-delà de la car­i­ca­ture le cli­vage entre écol­o­gistes et habitant·es des cam­pagnes, elle dit « défendre nos pro­duc­teurs de fruits et légumes français » ain­si que « le monde rur­al, sa cul­ture et ses tra­di­tions (notam­ment les chas­seurs, éleveurs, cir­cassiens) ». Matthieu Orphe­lin dément l’« acharne­ment sur les réseaux soci­aux de la part de cer­tains écol­o­gistes jusqu’au-boutistes » mis en avant par la députée. Il estime que « nier le change­ment cli­ma­tique, c’est tout sauf défendre le monde rur­al. Les agricul­teurs sont les pre­miers touchés. J’ai une cir­con­scrip­tion dont une par­tie est en ter­ri­toire rur­al. Jamais on entend des énor­mités comme celles pronon­cées par Anne-lau­re Blin. »

Le par­ti Les Répub­li­cains s’est illus­tré par son absence de propo­si­tion sur l’urgence cli­ma­tique. Au cours des neuf heures de débats télévisés organ­isés lors de la pri­maire de la droite, seule­ment 16 min­utes avaient été con­sacrées au cli­mat et dix sec­on­des à la bio­di­ver­sité, selon un décompte réal­isé par le Pacte du Pou­voir de vivre. Une étude de l’Ademe datant de 2020 avait aus­si mon­tré que « 43% des par­lemen­taires de droite con­sid­èrent que les sci­en­tifiques exagèrent les risques du réchauf­fe­ment cli­ma­tique ». 

Si le cli­mat n’est pas le cœur des pri­or­ités de la droite, « j’attends une réac­tion de la part de Valérie Pécresse. Le min­i­mum pour la can­di­date, c’est de refaire un tweet en dis­ant que le change­ment cli­ma­tique est impor­tant », con­clut Matthieu Orphe­lin. On peut aus­si douter que la can­di­date main­ti­enne à la tête de l’un de ses comités de sou­tien une cli­ma­toné­ga­tion­niste.

Con­tac­tée par Vert, Anne-Lau­re Blin nous a ren­voyé vers son com­mu­niqué de presse.