Des milliers de poissons évoluant en cage les uns sur les autres, certains infestés de parasites (des poux de mer), présentant des plaies ouvertes, des yeux exorbités indiquant qu’ils ont perdu la vue… Le reportage de Zone interdite (M6) diffusé dimanche 7 décembre et tourné dans un élevage écossais est révélateur de la démesure du business du saumon.
Saumon fumé, c’est quoi le problème ?
Pour répondre à une demande exponentielle, 4,2 kilogrammes par an et par personne en France, les industriels recourent à des méthodes délétères. En particulier pour le saumon d’élevage. Il est ainsi exposé à une panoplie de traitements chimiques destinés à contrôler les parasites. Leur usage étant si fréquent que les doses doivent sans cesse être augmentées pour rester efficaces. Les éventuels résidus de ces insecticides et biocides ne sont pas neutres pour la santé des consommateur·ices en raison de leurs potentiels effets neurotoxiques et perturbateurs endocriniens (qui altèrent le système reproductif), sans compter l’effet cocktail lié au mélange de ces substances.
Cet article est issu de la série Label Vert, une collaboration entre Vert et
Que Choisir.
Chaque semaine, les journalistes de nos deux médias indépendants analysent des produits, décryptent des tendances et répondent de manière sourcée aux questions que vous vous posez sur la consommation. Le but : vous aider à faire des choix respectueux de votre santé et de l’environnement. Ce partenariat est 100% journalistique, il ne fait l’objet d’aucune contrepartie financière. Retrouvez tous nos articles ici.

Les saumons, même en cage, restent des carnivores qui se nourrissent principalement de protéines animales. Les géants de l’élevage leur fournissent cette nourriture à base de plus petits poissons (anchois, sardines) sous forme de farine ou d’huile et l’envoient dans les cages par un tuyau. Ces poissons qui servent à nourrir les saumons sont issus de la pêche minotière (qui n’est pas destinée à la consommation humaine mais à la fabrication d’aliments pour l’aquaculture et l’élevage industriel), sur laquelle l’UFC-Que Choisir avait enquêté.
Pêche illégale et déforestation
«Ces petits poissons forment la base de l’alimentation de nombreux prédateurs (thons, cabillauds, etc.), d’oiseaux et de mammifères marins. La chaîne alimentaire est donc perturbée», déplorait auprès de Que Choisir Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom, association œuvrant pour la conservation marine.

Une grande partie des prélèvements ont lieu dans les pays du Sud. «Au large de l’Afrique de l’Ouest, notamment, où des chalutiers européens, russes ou asiatiques viennent, en concurrence avec les pêcheurs locaux et le plus souvent en toute illégalité, ratisser la ressource», ajoutait Frédéric Le Manach dans l’enquête. Certains éleveurs, face à la controverse liée à l’alimentation des saumons, remplacent les petits poissons par du soja, contribuant ainsi à la déforestation au Brésil, en Argentine et au Paraguay.
Pollution aux métaux lourds et antibiotiques
L’autre problème de cette nourriture est qu’elle est elle-même très souvent contaminée par des PCB (polychlorobiphényles), des dioxines, du mercure et d’autres métaux lourds. Sans parler des antibiotiques dont le Chili, premier producteur de saumon de l’hémisphère sud, se sert massivement dans ses élevages.
Comme le rappelle le journaliste Maxime Carsel dans son livre Un poison nommé saumon (2025, éditions du Rocher), à la suite de plusieurs crises sanitaires survenues en 2007 (anémie infectieuse du saumon) et en 2016 (floraison d’algues nuisibles), «les industriels ont mené une titanesque campagne de vaccination sur 12 millions de poissons, quitte à voir apparaître une recrudescence de maladies et une antibiorésistance des poissons».

La pratique a pris une telle ampleur qu’aujourd’hui encore de nombreuses marques apposent la mention «sans antibiotiques» sur leur saumon, comme gage de qualité.
Alors comment choisir son saumon fumé ? Il existe quelques repères fiables et points de vigilance à prendre en compte.
Les bons gestes : peut-on se fier à l’espèce, à l’origine ou au type d’élevage ?
Il n’y a hélas pas de bon choix possible pour les consommateur·ices en matière d’espèce, d’origine et de type d’élevage. Le Salmo salar (ou saumon de l’Atlantique), dont le goût est plus apprécié et qui se prête le mieux au fumage, est élevé en pisciculture intensive. Quant au saumon sauvage du Pacifique (Oncorhynchus), dont la texture est assez ferme et sèche, il est victime de surpêche.
Parmi les astuces : vérifier la méthode de salage et de fumage
Du côté de la méthode de salage et de fumage, le salage au sel sec est un signe de meilleure qualité (généralement, les fabricants le précisent sur l’emballage et le produit est plus cher). Si le saumon a été salé par injection de saumure, cela est souvent synonyme de chair moins dense, plus spongieuse. Cette technique fait également gonfler le poisson, ce qui permet de vendre de l’eau au prix du saumon.
Pour le fumage, privilégiez les mentions «Fumé au bois de…» (hêtre, chêne ou châtaignier en France) et évitez les produits ne précisant pas l’essence du bois : l’absence de précision peut cacher la vaporisation de fumée liquide. Dans ce cas, la mention «arôme de fumée» doit figurer dans la liste des ingrédients.
Autre option : choisir selon le tranchage et l’état du produit
Visuellement, il existe aussi quelques indices sur la qualité. Sur un produit emballé, les tranches doivent être larges, homogènes, sans muscle brun ni bandes graisseuses, restes de flanc, d’arêtes ou de points de sang.

Privilégiez les «cœurs de saumon» préparés à la mode scandinave en tronçons transversaux dans le cœur du produit.
Ne pas oublier de tenir compte des labels… mais avec nuance
Enfin, côté labels, le Label Rouge impose des contraintes sur le mode d’élevage et la transformation mais ne garantit pas l’absence de polluants (métaux lourds, contaminants). Le saumon étant un poisson prédateur, à force de manger des petits poissons plus contaminés que lui, il en concentre les contaminants dans ses tissus graisseux. Quant au Label bio, il garantit des conditions d’élevage plus respectueuses de l’animal et de l’environnement mais présente les mêmes limites du côté des contaminants et des métaux lourds.