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«Délinquance environnementale», les maires de France face à l’explosion des dépôts sauvages de déchets

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Décharge mentale. Au 106e Congrès des maires de France, mardi, des élu·es ont alerté sur un enjeu majeur pour leurs communes : la lutte contre la délinquance environnementale, et son coût écologique et financier. Le nombre d’infractions liées aux dépôts sauvages de déchets a augmenté de 85 % entre 2017 et 2021.

La délinquance environnementale «pourrit la vie» des maires au quotidien, témoignait mardi Charlotte Blandiot-Faride, maire communiste de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) et vice-présidente de l’Association des maires de France (AMF), à l’occasion d’un débat dédié à cette problématique au Congrès des maires de France à Paris.

Le coût environnemental et économique des dépôts sauvages pèse sur les communes. Getty Images/Unsplash

Mise en lumière par la mort accidentelle en 2019 de Jean-Mathieu Michel, maire du village de Signes (Var), la question des dépôts sauvages d’ordures préoccupe de plus en plus les élu·es locaux·ales. L’édile de 76 ans avait été mortellement renversé par le conducteur d’une camionnette qu’il voulait verbaliser pour avoir jeté des gravats sur le bord de la route. Le nombre d’infractions liées aux dépôts de déchets sauvages constatées par la gendarmerie a augmenté de 85% entre 2017 et 2021, indique le général Sylvain Noyau, chef du Commandement pour l’environnement et la santé (Cesan) de la gendarmerie nationale.

Pour certain·es, l’abandon de déchets dans la rue est «compréhensible»

Les maires sont en première ligne et souvent démunis face à des procédures complexes. Les déchets représentent environ 200 infractions dispersées dans différents codes. Soixante-dix catégories d’agent·es peuvent rechercher et constater ces atteintes. «Il y a 400 000 normes qui pèsent sur nos épaules, on ne peut pas tout savoir», estime le maire de Pont-Sainte-Maxence (Oise) Arnaud Dumontier (Les Républicains), également conseiller chargé des élus auprès du Cesan.

Créé en 2023, l’objectif de ce Commandement est d’accompagner et de former les élu·es, en les «plaçant au centre des dispositifs», explique à l’Agence France-Presse (AFP) Sylvain Noyau. Le Cesan a développé une application, «Gendélus», mettant à disposition des maires «une boîte à outils», avec des ressources, des fiches, un partage collaboratif des bonnes pratiques en la matière, des informations sur les différents leviers pour lutter contre la délinquance environnementale.

Le but de l’application est d’offrir aux maires, surtout dans les petites communes, «un service clé en main, un guichet unique», précise Arnaut Dumontier. «Les outils existent, il faut maintenant accompagner les maires», poursuit Sylvain Noyau.

L’autre volet d’action du Cesan est la formation des gendarmes à cette problématique complexe. Plus de 4 000 ont déjà été formé·es pour assurer une meilleure prise en charge sur l’ensemble du territoire français. L’objectif du Cesan est de former 6 400 gendarmes d’ici à 2026, sur le volet répressif, mais également préventif.

La sensibilisation du public est l’un des chantiers majeurs pour lutter contre la délinquance environnementale. Selon une étude de l’Institut Terram (Les ruraux face aux déchets sauvages : principes, pratiques, attentes) publiée lundi, près d’un·e habitant·e des zones rurales sur cinq estime que certains comportements d’abandon de déchets sur la voie publique peuvent être «compréhensibles». Paradoxalement, 80% déclarent être préoccupé·es par les enjeux environnementaux.

«Professionnels voyous»

«On a des grosses lacunes dans la prise de conscience individuelle, explique la maire Charlotte Blandiot-Faride. La véritable clé, c’est de prévenir, de rendre responsable chacune et chacun, notamment via l’école.»

Selon l’étude de Terram, 51% des populations étudiées estiment que les déchets jetés «se décomposent rapidement». Une vision trompeuse, selon les auteur·ices, puisque «même pour les déchets organiques, leur processus naturel de dégradation est souvent bien plus long que ce que l’on imagine».

David Nebor, maire de Petit-Bourg (Guadeloupe), a vu le nombre de dépôts sauvages baisser dans sa commune, grâce à la sensibilisation et la prévention, ou à des actions coup de poing de nettoyage de la plage. Il a également renforcé les moyens de surveillance et durci le ton en matière de contravention administrative. Elle peut désormais grimper jusqu’à 140 000 euros pour les pollueur·ses qu’il appelle les «professionnels voyous».

Des audiences dédiées aux affaires environnementales

Une grande partie des dépôts sauvages concerne les déchets du bâtiment, déversés illégalement dans la nature par des artisan·es ou des entreprises de construction. Ces atteintes ont un double coût pour les maires et les habitant·es : environnemental, car elles polluent les eaux, les sols ou les airs ; et financier pour les communes, qui doivent procéder au nettoyage et à des enquêtes.

La santé des habitant·es, ainsi que leur qualité de vie, peuvent aussi être impactées par ces atteintes à l’environnement. De son côté, «la justice aussi évolue sur le sujet», se réjouit le général Noyau. Il affirme que certains parquets réservent à présent des audiences uniquement dédiées aux affaires environnementales.