Elle, c’est Nerona. Une femme, une mère, une chrétienne… et surtout une dictatrice d’extrême droite, blonde, à la tête d’un pays factice au cœur de l’Europe. La ressemblance avec la présidente actuelle du Conseil italien est tout sauf fortuite : comme Giorgia Meloni en 1996, Nerona excuse le gouvernement mortifère du fasciste italien Benito Mussolini, au pouvoir dans les années 1930 : «Tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour son pays.»

Nerona, elle, est sans limites. Elle gouverne d’une main de fer à coup de décrets et exige d’être appelée «Monsieur le Prince». Mais le personnage d’Hélène Frappat ne singe pas que la dirigeante italienne. Nerona reprend bon nombre de caractéristiques des dirigeant·es d’extrême droite : elle est autoritaire, populiste et, évidemment, climatosceptique.
Sa négation de la science la conduit à interdire… les incendies et les éruptions volcaniques. Car, pour elle, l’origine des megafeux n’est pas le réchauffement climatique mais «des idéologies scientifiques contestables, [qui] ont abouti à des restrictions d’eau». Un argument qui résonne avec les propos tenus par le président américain Donald Trump lors des incendies de Los Angeles (États-Unis) en janvier dernier.
Un pont vers l’enfer
Autre clin d’œil au réel : la défense des droits des femmes se résume à la lutte contre les personnes exilé·es. «On voit bien que l’immigration de masse fait partie de ce phénomène des violences sexuelles qui impactent avant tout nos femmes», commente Nerona sur un plateau télé dans une rhétorique qui rappelle celle des militant·es d’extrême droite.
Son grand projet, à Nerona, c’est le «Centre de Rétention Protocolaire». Vendu comme un centre d’accueil, celui-ci est construit sur une île et réveille les heures sombres des camps de concentration. Un immense pont doit voir le jour pour le relier au continent. C’est là que se joue le clou du spectacle après, pêle-mêle, une romance avec le milliardaire Egon Must (sic), des trahisons, un naufrage et des combats de migrant·es télévisés.
Dans ce roman rythmé, aux chapitres courts ponctués de dialogues vifs, l’autrice nous plonge, avec humour, dans la tête paranoïaque de la dictatrice. Le récit amène aussi à la réflexion. Derrière le rire, c’est bien le tableau effrayant d’une extrême droite au pouvoir qui est dépeint, nous invitant à réagir avant qu’il ne soit trop tard.
«Nerona», Hélène Frappat, Actes sud, août 2025, 160 pages, 15 euros.
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