Reportage

«Ça coûte cher si on en a besoin tous les jours» : en région Grand Est, un démarrage timide pour les vélos en libre-service

Grand test. La région Grand Est a lancé un service de location de vélos électriques dans les gares, y compris celles de petites villes. Une première en France. À Saint-Louis, en Alsace, les habitant·es sont partagé·es. Certain·es y voient une solution de mobilité de secours, en cas de pépin. D’autres pointent du doigt le tarif, trop élevé pour rouler tous les jours.
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Alignés à côté de l’arrêt de bus de la gare de Saint-Louis (Haut-Rhin), impossible de manquer les vélos électriques aux garde-boue bleus et verts, estampillés du logo de la région Grand Est et de celui de son réseau mobilité, Fluo.

Ces bicyclettes ont été installées au mois de septembre dans le cadre de la nouvelle offre de transport proposée par la Région. Franck Leroy, président (divers droite) de la collectivité, espère remplir trois objectifs clairs avec ce nouveau service : «Limiter l’emport massif de vélos à bord des trains, offrir une solution pour les derniers kilomètres à la descente du wagon et contribuer à décarboner une part supplémentaire des mobilités.»

Située près d’un rond-point, à un endroit où la circulation motorisée est incessante, la station de Saint-Louis attire les curieux. Gilet rouge et chemise rose sous un manteau noir, Marc s’arrête devant le panneau d’information. «Je ne savais pas que la Région avait mis ça en place, c’est super. Je vais être encore plus fluide dans mes trajets», se réjouit-il. Depuis quelques mois, ce quinquagénaire, cadre à Paris, a transformé ses habitudes de déplacement.

Marc, 55 ans, est très intéressé par le service de vélos Fluo. © Dorian Mao/Vert

«Avant, j’allais à Paris en avion. Mais je perdais beaucoup de temps avec les contrôles et le trajet entre l’aéroport et mon lieu de travail. Maintenant, j’y vais en train. Et, quand je rentre à Saint-Louis, je fais les derniers kilomètres à pied, de la gare jusque chez moi. Je les ferai peut-être bientôt en vélo électrique !», sourit-il.

Une location de 14 heures pour trois ou six euros

Descendant du train en provenance de Mulhouse (Haut-Rhin), deux collégiens passent en courant devant les vélos. «J’ai essayé d’en prendre un hier, mais ça a commencé à sonner dans tous les sens et je suis parti en courant. J’avoue ne pas avoir regardé comment ça fonctionne. C’est trop cher pour ma famille d’acheter un vélo électrique, mais je vais voir avec ma mère si je ne peux pas en louer un pour rentrer plus rapidement quand il pleut», explique l’un d’eux.

L’offre proposée par la région Grand Est permet de louer un vélo n’importe quel jour et à n’importe quelle heure de la semaine, pendant 14 heures consécutives. Le montant à payer est de six euros, mais le prix tombe à trois euros si l’usager·e possède un abonnement de train régional. En cette fin octobre, un peu plus de 300 personnes ont téléchargé l’application sur leur smartphone Android, nécessaire à l’utilisation du service vélo de la Région. «Nous n’avons pas déterminé d’objectif à atteindre en termes de nombre d’utilisateurs. Le principal enjeu est de faire découvrir ce service, de séduire de nouveaux usagers et que les vélos soient utilisés régulièrement», indique le président de la région.

500 vélos Fluo en libre-service dans toute la région

D’ici à la fin de l’année, près de 500 vélos seront déployés dans 52 gares de la région Grand Est. «Nous avons sélectionné les gares en croisant les demandes des collectivités et les 1 500 contributions des habitants du Grand Est sur la plateforme citoyenne de la Région. Nous avons aussi pris en compte la taille des gares et leur localisation. L’objectif est de proposer un service équilibré sur la totalité du territoire», explique Thibaud Philipps, vice-président (Les Républicains) en charge des transports et de la mobilité durable à la région Grand Est.

La station de vélos Fluo de Saint-Louis, à la sortie de la gare. © Dorian Mao/Vert

Pour mettre en place ce service, la Région a réalisé un investissement d’environ deux millions d’euros pour l’acquisition de la flotte de vélos électriques et l’installation des stations. À ce montant s’ajoutent près de 600 000 euros de frais annuels de fonctionnement auprès de l’entreprise française qui fournit les vélos. «Le service a été pensé comme une expérimentation à taille réelle, inspirée du système Blue-bike en Belgique. Pour la première année, nous voulons surtout faire connaître le service et valoriser son intérêt pour les voyageurs occasionnels», précise Thibaud Philipps.

Une offre pas tellement destinée aux trajets pendulaires

La nouvelle offre de mobilité ne séduit pas les salarié·es qui réalisent déjà leur trajet pendulaire (entre le domicile et le lieu de travail) en train et en vélo. «Depuis cinq ans, je prends mon vélo pliable dans le train pour aller travailler à Bâle [en Suisse, NDLR]. Je ne vais pas changer mes habitudes : cela m’obligerait à payer plus pour louer un vélo électrique. Et puis je veux être sûr et certain d’avoir un vélo disponible», témoigne Marian, 35 ans, cadre dans l’industrie pharmaceutique. Derrière lui, Lucien, 27 ans, est plus nuancé : «Je pourrais potentiellement utiliser le service lorsque ma trottinette électrique est en panne ou déchargée. Cela peut être une très bonne solution de secours en cas d’imprévu.»

Située aux abords d’immeubles, la gare de Saint-Louis est aussi le lieu de rassemblement des jeunes du quartier. Vestes aux couleurs du club local, crampons dans une musette jaune fluo, Enzo, Ubejd et Gabriel, 11 ans, se retrouvent avant leur entraînement de football. «On habite la tour juste derrière la gare. On n’a pas besoin des vélos au quotidien, mais on en utilise pour sortir le week-end et aller en centre-ville. Le vélo électrique, c’est quand même mieux, ça va plus vite. Après, il va falloir que ma mère soit d’accord pour me prêter sa carte…», explique Ubejd en essayant de s’assoir sur la selle de l’un des vélos.

Vers un abonnement vélo-train ?

Patricia, 57 ans, livreuse de journaux et manutentionnaire dans une entreprise de logistique, est mitigée : «C’est génial sur le principe, mais ça coûte cher si on a besoin de l’utiliser tous les jours. Avec mon petit salaire et mon activité en décalé, je ne peux pas me permettre de louer un engin comme ça. Ce serait plus intéressant si je pouvais prendre un abonnement au mois ou à l’année, pour louer le vélo pendant une plus longue période et le garder chez moi.»

Des réflexions qui sont en cours au niveau de l’exécutif régional : «Nous voulons y aller par étape. Aujourd’hui, le système n’est pas pensé pour être utilisé tous les jours. Il faudra surement agrandir la flotte pour répondre à la demande de vélos au quotidien, multiplier les gares bénéficiaires du service et réfléchir à un abonnement combiné train et vélo pour limiter le montant de la location ramené à la journée», explique Thibaud Philipps. Un bilan de l’expérimentation est prévu pour la fin de l’année 2026.

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