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Artificialisation des sols : la France « au bord du gouffre »

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Laisse béton ! Tout juste adop­tée par les par­lemen­taires, la loi « cli­mat et résilience » est passée à côté d’un défi majeur : lut­ter effi­cace­ment con­tre la dis­pari­tion des sols, qui fait un rav­age en France. 

Un départe­ment tous les dix ans, la sur­face de Mar­seille chaque année, un ter­rain de foot toutes les cinq min­utes… les chiffres de l’ar­ti­fi­cial­i­sa­tion des sols en France sont ver­tig­ineux. Et les con­séquences le sont tout autant. Car béton­ner le sol, c’est le priv­er de fonc­tions écologiques et sociales majeures, comme le rap­pelle Tan­guy Mar­tin, chargé de Plaidoy­er à l’as­so­ci­a­tion Terre de liens, qui défend les ter­res agri­coles. « En détru­isant l’habi­tat des espèces, la béton­i­sa­tion par­ticipe directe­ment à la six­ième extinc­tion de masse. Un sol arti­fi­cial­isé perd en out­re ses capac­ités à stock­er du CO2, à réguler l’eau et les tem­péra­tures. Et puis la disponi­bil­ité des sols con­di­tionne tout bon­nement notre capac­ité à se nour­rir », prévient-il.

Or la ten­dance ne flé­chit pas, ou si peu : le béton cou­vre désor­mais près de 10% du ter­ri­toire. 52% des sur­faces sont agri­coles et 39 % naturelles, selon le min­istère de l’agriculture. Le sché­ma suivi est implaca­ble : « on arti­fi­cialise car ça coûte moins cher que de faire du renou­velle­ment urbain », explique Tan­guy Mar­tin. Tan­dis que les cen­tre-villes se meurent, les maisons indi­vidu­elles et les zones d’ac­tiv­ité pul­lu­lent en périphérie : elles représen­tent à elles seules 83% de l’ar­ti­fi­cial­i­sa­tion en France.

L’habi­tat représente 68% de l’artificialisation mesurée sur la péri­ode 2009–2018, con­tre 25% pour les activ­ités, selon le Cere­ma) © Labex Dyna­mite

Avec la loi « Cli­mat et résilience », votée par le Par­lement le 20 juil­let dernier, « nous changeons de bra­quet et faisons un grand pas pour mieux pro­téger la bio­di­ver­sité », promet la min­istre de l’Écologie, Bar­bara Pom­pili. « Les mesures sont large­ment insuff­isantes », rétorque Tan­guy Mar­tin. Les élu·e·s auront la charge de faire baiss­er le rythme de l’ar­ti­fi­cial­i­sa­tion sur leur ter­ri­toire, jusqu’à attein­dre zéro arti­fi­cial­i­sa­tion nette en 2050. Or la pres­sion qu’ils subis­sent pour arti­fi­cialis­er est énorme. « Déclar­er un ter­rain con­structible peut aug­menter sa valeur d’un fac­teur 500 », illus­tre Tan­guy Mar­tin.

« La France est au bord du gouf­fre mais au lieu de faire demi-tour, on freine seule­ment un peu », regrette Tan­guy Mar­tin. Pour per­me­t­tre la tran­si­tion agroé­cologique, les asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales récla­maient un mora­toire strict sur l’ar­ti­fi­cial­i­sa­tion, à l’ex­cep­tion de la con­struc­tion de loge­ments soci­aux. C’est raté.