Le 12 décembre 2023, le Conseil de Paris a voté son budget prévisionnel pour l’année 2024. C’est le vote le plus important de l’année, celui qui traduit les discours en acte.
J’ai pris la décision inhabituelle pour un membre de la majorité de m’abstenir, car ce budget ne prend pas toute la mesure des travaux de la mission «Paris à 50 degrés». Il faut sans cesse répéter l’alerte : l’urgence écologique commande un changement de logiciel économique.
Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), une fable écologique
Le budget 2024 cristallise nécessairement le débat sur les JOP pour lesquels on nous raconte une histoire à dormir debout : ils seraient verts, populaires, accessibles. Anne Hidalgo, maire de Paris, déclare même que «les JOP sont des jeux qui vont, qui auront accéléré la transition écologique de Paris».
À la place, ce sera QR codes pour pouvoir circuler, hélicoptères présentés comme «verts», ville désertée de ses habitants, crise sociale pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens de partir, risque sécuritaire majeur, transports délabrés pour tout le monde, un récif de corail endommagé, des jardins d’Aubervilliers amputés et 1,5 million de tonnes de CO2 attendus de dette écologique.
Un méga-événement nécessitant des moyens colossaux
Ce qui va être bien réel dans cette histoire, c’est l’argent public que cela va coûter. Sur plusieurs années, il faut compter un demi-milliard d’euros pour la Ville de Paris. Ce chiffre ne correspond pas au périmètre global des coûts (il manque, par exemple, les salaires des fonctionnaires de la ville qui sont impliqués dans la préparation des jeux) et a contrario, des recettes, par nature incertaines, sont attendues.
Avec ces sommes, nous aurions pu rénover de fond en comble une centaine d’écoles et de crèches, pour notamment les préparer aux canicules à venir et en faire des lieux de refuges pour les populations.
Le budget repose sur un modèle dépassé
Quel que soit le montant final, on nous raconte l’histoire de la croissance verte. Il faudrait investir (dans les JOP), quitte à polluer plus (1,5 million de tonnes de CO2-équivalent), pour augmenter l’attractivité (plus de touristes aériens les années suivantes), et donc augmenter les recettes pour financer le polluer moins (la transition).
À ce compte, pourquoi ne pas organiser des JOP tous les ans ?
Les risques de dérapage sont trop élevés. Budgétairement d’abord, comme en alerte la Cour des Comptes depuis l’été dernier. Au niveau environnemental ensuite, car les JO (hors paralympiques) sont organisés au moment le plus chaud de l’année, alors que les derniers travaux scientifiques nous parlent de possibles canicules à 45°C dès 2024.
Avec le décrochage climatique très alarmant de 2023, nous ne pouvons jouer de la sorte avec la sécurité de nos territoires.
L’urgence écologique, un impératif qui nécessite de la cohérence
Heureusement, tout n’est pas sombre dans le paysage parisien. Le plan climat pour Paris adopté fin 2023 représente une lueur d’espoir, reconnaissant la «permacrise» dans laquelle nous sommes entré·es, préconisant une adaptation profonde au nouveau régime climatique, et traçant les contours d’une ville post-carbone, libérée des SUV, de la pub, avec plus d’oiseaux que d’avions dans le ciel.
Cette vision pourrait advenir rapidement si les moyens colossaux déployés pour les Jeux olympiques et paralympiques et l’extrême coordination entre État, Région et Ville, entre le secteur public et privé, étaient consacrés à notre résilience collective.
Photo d’illustration : Alexandre Florentin. © Margot L’Hermite