JO 2024

Alexandre Florentin : «les JO de Paris 2024 ne seront pas un accélérateur de transition écologique»

Jouer n’est pas gagner. À 200 jours de l’ouverture des Jeux olympiques d’été en France, Alexandre Florentin, conseiller de Paris (Génération Écologie) et président de la mission transpartisane «Paris à 50°C» qui vise à adapter la ville à la crise climatique, décrie un méga-événement nocif pour l’environnement et le climat, qui n’aurait rien de vert, populaire, ou accessible.
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Le 12 décem­bre 2023, le Con­seil de Paris a voté son bud­get prévi­sion­nel pour l’année 2024. C’est le vote le plus impor­tant de l’année, celui qui traduit les dis­cours en acte.

J’ai pris la déci­sion inhab­ituelle pour un mem­bre de la majorité de m’abstenir, car ce bud­get ne prend pas toute la mesure des travaux de la mis­sion «Paris à 50 degrés». Il faut sans cesse répéter l’alerte : l’urgence écologique com­mande un change­ment de logi­ciel économique.

Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), une fable écologique

Le bud­get 2024 cristallise néces­saire­ment le débat sur les JOP pour lesquels on nous racon­te une his­toire à dormir debout : ils seraient verts, pop­u­laires, acces­si­bles. Anne Hidal­go, maire de Paris, déclare même que «les JOP sont des jeux qui vont, qui auront accéléré la tran­si­tion écologique de Paris».

À la place, ce sera QR codes pour pou­voir cir­culer, héli­cop­tères présen­tés comme «verts», ville désertée de ses habi­tants, crise sociale pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens de par­tir, risque sécu­ri­taire majeur, trans­ports délabrés pour tout le monde, un récif de corail endom­magé, des jardins d’Aubervilliers amputés et 1,5 mil­lion de tonnes de CO2 atten­dus de dette écologique.

Un méga-événement nécessitant des moyens colossaux

Ce qui va être bien réel dans cette his­toire, c’est l’argent pub­lic que cela va coûter. Sur plusieurs années, il faut compter un demi-mil­liard d’eu­ros pour la Ville de Paris. Ce chiffre ne cor­re­spond pas au périmètre glob­al des coûts (il manque, par exem­ple, les salaires des fonc­tion­naires de la ville qui sont impliqués dans la pré­pa­ra­tion des jeux) et a con­trario, des recettes, par nature incer­taines, sont atten­dues.

Avec ces sommes, nous auri­ons pu rénover de fond en comble une cen­taine d’écoles et de crèch­es, pour notam­ment les pré­par­er aux canicules à venir et en faire des lieux de refuges pour les pop­u­la­tions.

Le budget repose sur un modèle dépassé

Quel que soit le mon­tant final, on nous racon­te l’histoire de la crois­sance verte. Il faudrait inve­stir (dans les JOP), quitte à pol­luer plus (1,5 mil­lion de tonnes de CO2-équiv­a­lent), pour aug­menter l’at­trac­tiv­ité (plus de touristes aériens les années suiv­antes), et donc aug­menter les recettes pour financer le pol­luer moins (la tran­si­tion).

À ce compte, pourquoi ne pas organ­is­er des JOP tous les ans ?

Les risques de déra­page sont trop élevés. Budgé­taire­ment d’abord, comme en alerte la Cour des Comptes depuis l’été dernier. Au niveau envi­ron­nemen­tal ensuite, car les JO (hors par­a­lympiques) sont organ­isés au moment le plus chaud de l’année, alors que les derniers travaux sci­en­tifiques nous par­lent de pos­si­bles canicules à 45°C dès 2024.

Avec le décrochage cli­ma­tique très alar­mant de 2023, nous ne pou­vons jouer de la sorte avec la sécu­rité de nos ter­ri­toires.

L’urgence écologique, un impératif qui nécessite de la cohérence

Heureuse­ment, tout n’est pas som­bre dans le paysage parisien. Le plan cli­mat pour Paris adop­té fin 2023 représente une lueur d’e­spoir, recon­nais­sant la «per­ma­crise» dans laque­lle nous sommes entré·es, pré­con­isant une adap­ta­tion pro­fonde au nou­veau régime cli­ma­tique, et traçant les con­tours d’une ville post-car­bone, libérée des SUV, de la pub, avec plus d’oiseaux que d’avions dans le ciel.

Cette vision pour­rait advenir rapi­de­ment si les moyens colos­saux déployés pour les Jeux olympiques et par­a­lympiques et l’ex­trême coor­di­na­tion entre État, Région et Ville, entre le secteur pub­lic et privé, étaient con­sacrés à notre résilience col­lec­tive.

Pho­to d’il­lus­tra­tion : Alexan­dre Flo­rentin. © Mar­got L’Hermite